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des bois durs & pleins de nœuds, tels que les racines d’olivier, de noyer & autres, qu’ils appellent bois rustiques, ils ont des rabots autrement disposés que dans la menuiserie ordinaire, qu’ils accommodent eux-mêmes selon qu’ils en ont besoin ; ils en font dont le fer est demi-couché, d’autres où il est debout, & d’autres dont les fers ont des dents. Lorsqu’ils travaillent sur du bois rude, ils se servent de ceux dont le fer est à demi couché ; si le bois est extraordinairement rude & dur, ils emploient ceux dont le fer est debout ; & lorsque la dureté du bois est si excessive qu’ils craignent de le faire éclater, ils se servent de ceux qui ont de petites dents, comme des limes ou truelles bretées, afin de ne faire que comme limer le bois, ce qui sert aussi à le redresser.

Lorsqu’ils ont travaillé àvec ces sortes d’outils, ils en ont d’autres qu’ils nomment racloirs, qui s’affutent sur une pierre à huile ; ils servent à emporter les raies ou bretures que le rabot debout & celui à dents ont laissées, & à finir entièrement l’ouvrage.

De la Marqueterie.

La marqueterie est du ressort de l’ébéniste, & comprend l’art d’assembler proprement & avec délicatesse des bois, métaux, verres, & pierres précieuses de différentes couleurs, par plaques, bandes & compartimens, sur d’autres beaucoup plus communs pour en faire des meubles, bijoux, & tout ce qui peut contribuer à l’embellissement des appartemens.

Il est de trois sortes de marqueterie ; la première consiste dans l’assemblage des bois, rares, & précieux de différentes espèces, des écailles, ivoires & autres choses semblables, quelquefois par compartimens de bandes d’étain, de cuivre, & autres métaux, sur de la menuiserie ordinaire, non-seulement pour en faire des armoires, commodes, bibliothèques, bureaux, secrétaires, guéridons, tables, écritoires, pieds & boites de pendules, piédestaux, escablons pour porter des antiques, consoles, & tablettes propres à déposer des porcelaines, bijoux, &c. mais aussi pour des lambris, plafonds, parquets & tout ce qui peut servir d’ornement aux plus riches appartemens des palais & autres maisons d’habitation.

La seconde, dans l’assemblage des émaux & verres de différentes couleurs.

La troisième, dans l’assemblage des pierres & marbres les plus précieux, qu’on appelle plus proprement mosaïque.

Ceux qui travaillent à la première espèce de marqueterie, se nomment menuisiers de placage ; parce qu’outre qu’ils assemblent les bois comme les menuisiers d’assemblage, ils les plaquent par- dessus de feuilles très-minces de bois de différentes couleurs, & les posent les uns contre les autres par compartiment avec de la colle forte, après les avoir taillés & contournés avec la scie, suivant les dessins qu’ils veulent irriter. On les appelle encore ébénistes, parce qu’ils emploient le plus souvent des bois d’ébène. Ceux qui travaillent à la seconde sont appelles émailleurs, & ceux qui travaillent à la dernière sont les marbriers.

L’art de marqueterie est, selon quelques-uns, fort ancien : l’on croit que son origine qui étoit fort peu de chose dans son commencement, vient d’Orient, & que les Romains l’emportèrent en Occident avec une partie des dépouilles qu’ils tirèrent de l’Asie.

Anciennement on divisoit la marqueterie en trois classes, La première qu’on appelloit megalographia, étoit la plus estimée ; on y voyoit des figures des dieux & des hommes. La seconde représentoit des oiseaux & autres animaux de toute espèce ; & la troisième, des fleurs, des fruits, des arbres, des paysages, & autres choses de fantaisie. Ces deux dernières étoient appellées indifféremment rodographia.

Cet art n’a pas laissé que de se perfectionner en Italie vers le quinzième siècle ; mais depuis le milieu du dix-septième, il a acquis en France toute la perfection que l’on peut désirer. Jean de Vérone, contemporain de Raphaël, & assez-habile peintre de son temps, fut le premier qui imagina de teindre les bois avec des teintures & des huiles cuites qui les pénétroient. Avant lui, la marqueterie n’étoit, pour ainsi dire, autre chose que du blanc & du noir ; mais il ne la poussa que jusqu’à représenter des vues perspectives qui n’ont pas besoin d’une si grande variété de couleurs.

Ses successeurs enchérirent sur la manière de teindre les bois, non-seulement par le secret qu’ils trouvèrent de les brûler plus ou moins sans les consumer, ce qui servit à imiter les ombres, mais encore par la quantité des bois de différentes couleurs & vives & naturelles que leur fournit l’Amérique, ou de ceux qui croissent en France dont jusqu’alors on n’avoit point fait usage.

Ces nouvelles découvertes ont procuré â cet art les moyens de faire d’excellens ouvrages de pièces de rapport, qui imitent la peinture au point que plusieurs les regardant comme de vrais tableaux, lui ont donné le nom de peinture en bois, peinture & sculpture en mosaïque.

La manufacture des Gobelins, établie sous le règne de Louis XIV, & encouragée par ses libéralités, nous a fourni les plus habiles ébénistes qui ont paru depuis plusieurs années, du nombre desquels le fameux Boule le plus distingué, est celui dont il nous reste quantité de si beaux ouvrages : aussi est-ce à lui seul pour ainsi dire, que nous devons la perfection de cet art, mais depuis ce temps-là la longueur de ces sortes d’ouvrages les a fait négliger.

On divise la marqueterie en trois parties. La première, est la connoissance des bois propres à cet art ; la seconde, l’art de les assembler & de les joindre ensemble par plaques & compartimens, mêlés quelquefois de bandes de différens métaux sur de