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Mais comment faire connoître par le discours, des beautés sur lesquelles le discours n’a aucune prise ? Une nouvelle difficulté est venue se joindre à celles que de semblables descriptions font éprouver à l’écrivain. En effet, le plus grand nombre des ouvrages de Palladio, comme on l’a dit, fut exécuté pour les demeures de riches particuliers, de familles opulentes et illustres, dans leur pays. Or, par quel nom désigner aujourd’hui la plupart de ces élégans palais, de ces charmantes maisons de campagne, qui, par l’effet des révolutions et du temps, ont changé de propriétaires ? Il en faudroit aujourd’hui une description nouvelle, ou pour mieux dire, il faudroit faire une nouvelle œuvre de Palladio, où chacun de ses ouvrages seroit désigné par le nom de la ville, de la rue, de la campagne, où il existe. L’ancienne nomenclature ne peut presque plus nous servir.

Au lieu donc d’en suivre les notions, telles que les donnent les biographies, sous leurs anciens noms, nous allons nous contenter de classer les palais de ville et de campagne de Palladio, sous le seul rapport des variétés de leur architecture.

On peut affirmer qu’il y a épuisé presque toutes les combinaisons que les diversités des ordres grecs, leurs nombreuses applications aux formes et aux besoins de la construction, les procédés de l’art de bâtir, l’emploi de tous les types, de tous les matériaux, peuvent sournir au génie inventif de l’architecte.

Dans les palais de ville, Palladio sut réunir avec beaucoup de propriété l’usage des portiques et l’emploi des ordres de colonnes. Volontiers le rez-de-chaussée de ses édifices se compose d’arcades, quelquefois simples et sans bandeau, comme on le voit au palais qu’on croit avoir été construit par lui pour Trissino, où des niches carrées sont percées dans le massif des piédroits, lorsqu’au-dessus d’autres petites niches circulaires renferment des bustes. D autres fois ses portiques servent de soubassement rustique à l’étage supérieur ou à l’ordonnance qui le décore. Personne n’a employé avec plus de réserve et d’élégance à la fois, le genre rustique. Les bossages sont dans l’heureux emploi que l’architecte sait en faire, ce que, dans la peinture, sont les ombres et les moyens d’opposition, qui résultent de la diversité des tons et des couleurs. Tel est l’effet des matériaux rustiques, dans l’ensemble des devantures ou des façades des palais ; en même temps qu’ils servent à fixer par le plus ou le moins de force et de saillant qu’on leur donne, le caractère plus ou moins grave de l’ordonnance, ils forment un contraste plus ou moins sensible avec ce qui les environne. Mais ils ont surtout l’avantage de donner un grand air de solidité à la bâtisse. Palladio ne porta point, comme on l’avoit fait avant lui à Florence, l’abus du bossage à cet excès qui semble ne devoir convenir qu’à des murs de forteresses ou de prisons. Il fut en varier avec goût les compartimens, il fut en tempérer l’austérité par des nuances légères, et par un accord si bien raisonné entre les vides et les pleins, entre la masse générale et ses détails, que l’œil trouve dans ces variétés un agrément d’autant plus vif, que le genre sembloit le moins devoir s’y prêter.

Telle est l’impression que produit le magnifique palais, connu sous le nom de Tiene. Palladio lui-même, en nous apprenant qu’il avoit disposé le côté de ce palais regardant la place, de manière à admettre des boutiques, qui ont dans le cintre des arcades, un entre-sol, nous fait peut-être entendre que ce motif put le porter à donner un caractère massif à ce soubassement. L’étage principal ayant onze croisées de face dans chacun de ses quatre côtés, est orné de pilastres corinthiens, accouplés aux angles ou sur quelques trumeaux plus larges, isolés sur tous les autres, et se détachant sur un mur découpé de simples refends. Les fenêtres sont à frontons alternativement angulaires et circulaires, portées par de petites colonnes entrecoupées de bossages, lesquels, avec les claveaux également en saillie de la platebande des croisées, rappellent le style du soubassement.

Il est, sans doute, à regretter qu’un aussi bel ensemble n’ait pas reçu son entière exécution. On ne s’en forme l’idée générale que dans le grand Recueil des Œuvres de Palladio, publié à Vicence, en 1786.

Palladio, dans son Traité d Architecture, où il traite également des édifices de l’antiquité, s’est souvent permis de produire les dessins des siens propres, comme exemples d’autant mieux faits pour expliquer Vitruve, que nourri de tous les modèles des ruines de Rome et d’autres pays, ce fut souvent à l’instar des fabriques antiques, qu’il imagina, composa et distribua les palais dont il étoit chargé.

Ainsi le voyons nous dans le palais qu’il bâtit à Vicence, pour un seigneur de cette ville, qu’il nomme Joseph de’ Porti, en établir le plan de la manière la plus symétrique, sur un terrain qui, faisant face à deux rues, lui donna lieu de répéter, d’un côté comme de l’autre, et la même distribution intérieure, et la même élévation extérieure. Ce sont comme deux maisons semblables, réunies par une seule et même cour. Celle de devant, dit-il, est à l’usage du maître, celle de derrière sera pour les étrangers selon la pratique des maisons grecques, qui avoient ainsi deux corps-de-logis distincts. Ce double palais se compose d’un rez-de-chaussée à arcades et en bossages peu ressentis, formant le soubassement d’une ordonnance de colonnes ioniques, qui séparent les sept fenêtres de la façade. Au-dessus s’élève un attique, percé d’autant de petites fenêtres carrées, dont les trumeaux sont occupés

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