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de-là des causes favorables à l’architecture des palais, soumis toutefois à de moindres dimensions que ceux des princes et des monarques.

Telle fut la carrière qui s’ouvrit à Palladio : il n’eut à créer ni de vastes églises, ni de ces palais de souverains, ni de ces grands monumens d’utilité publique, dont l’inconvénient ordinaire fut d’user les talens successifs et divers de plusieurs architectes. L’état politique de son pays lui présenta une classe nombreuse de citoyens enrichis et distingués, jaloux de laisser un souvenir de leur existence, dans des demeures auxquelles ils attachaient leur nom. L’époque dont on parle fut aussi pour Venise, comme il arrive surtout dans les pays dont le commerce augmente les fortunes, une époque de renouvellement pour l’art de bâtir. Alors, une sorte de courant de mode porte chacun, de proche en proche, à suivre le ton dominant. Palladio contribua beaucoup à augmenter ce mouvemeut, C’étoit à qui auroit un projet de lui : les campagnes des environs et les rives de la Brenta s’embellirent d’une suite de palais ou de maisons de plaisance, qui sont devenues l’école de l’architecture civile.

La supériorité du goût de Palladio, ou ce qui a donné à son école une plus grande autorité, tient à ce qu’il a plus soigné ses plans qu’on ne l’avoit fait avant lui, qu’il les a rendus plus accommodés aux besoins des temps modernes, et aux facultés des fortunes moyennes ; qu’il a su faire du grand sans de grandes dimensions, et de la richesse sans beaucoup de dépense ; qu’il a eu le secret d’approprier les ordres aux façades des palais avec une élégance toute nouvelle ; d’employer les ressources des matériaux divers, et d’en faire servir la variété à la décoration des bâtimens ; qu’enfin, il a mieux qu’aucun autre trouvé, dans l’imitation de l’antique, cet heureux milieu de correction sans pédanterie, de sévérité sans affectation, de liberté sans licence, qui a rendu l’architecture et les ordonnances des Grecs propres à tout pays, applicables à tous les usages, à tous les genres de matériaux, dans toutes les sortes de bâtimens, en petit comme en grand, et selon tous les degrés de fortune de ceux qui bâtissent.

De fait, après que l’architecte a formé son style sur les grands modèles de l’antiquité, et y a puisé les raisons fondamentales et les principes de proportion, sur lesquels repose tout le système de l’architecture, lorsqu’il a étudié dans les grands ouvrages de Rome moderne et de Florence, les applications faites de ces lois aux mœurs el aux convenances d’un ordre de choses tout-à-fait différentes, il semble qu’il ne peut pas se dispenser d’aller chercher dans les œuvres de Palladio le secret d’un genre d’applications encore plus usuelles aux travaux que noire état social exigera de lui, d’y étudier l’art de faire plier tour à tour et nos besoins aux plaisirs d’une belle


architecture, el l’agrément de celle-ci, aux nécessités et aux sujétions sociales actuelles.

C’est ainsi que le goût de l’école de Palladio a trouvé comme une seconde patrie en Angleterre, où Inigo Jones, Wreen, Gibb, Chambers et plusieurs autres ont naturalisé ses plans, ses façades de bâtiment, l’ajustement heureux de ses formes, de ses profils, de ses ordonnances, et la style de ses détails.

Le style de Palladio a une propriété qui devoit le propager ; c’est (comme on l’a dit) une espèce de moyen terme entre cette austérité de système, dont quelques esprits exclusifs abusent dans l’imitation de l’antique, et les doctrines anarchiques et licencieuses de ceux qui se refusent à tout système, parce qu’aucun ne peut recevoir d’application universelle, et qui soit sans exception. Il y a dans les édifices de Palladio, une raison toujours claire, une marche simple, un accord satisfaisant entre les lois du besoin et celles du plaisir ; une telle harmonie enfin, qu’on ne sauroit dire lequel a commandé à l’autre. Sa manière présente à tous les pays une imitation facile ; son mérite est bien ce qui a produit cette facilité, mais cette facilité même d’être adaptée à tout, est ce qui proclame son mérite. Aussi estil vrai de dire que Palladio est devenu le maître le plus universellement suivi dans toute l’Europe, et, si l’on peut dire, le législateur des Modernes.

L’homme qui eut tant d’élèves paroît ne l’avoir été lui-même de personne. On ne cite aucun architecte de son temps dont Palladioait suivi les leçons. Si on l’en croit, et ce qu’il dit de lui dans la préface et l’épître dédicatoire du premier livre de son Traité d’Architecture entraîné dès son jeune âge, par un goût naturel, vers l’étude de cet art, il n’eut pour guide et pour maître que Vitruve. Ses études faites ainsi dans sa jeunesse, démentent l’opinion fondée sur une simple tradition, qu’il auroit perdu ce temps si précieux dans des travaux mécaniques et subalternes. La seule intelligence de Vitruve suppose un sujet déjà versé dans plus d’un genre d’études. Aussi Temanza assure-t-il que, dès l’âge de vingt-trois ans, Palladio avoit déjà acquis des notions de géométrie el de littérature, premiers degrés nécessaires pour arriver au savoir qu’exige l’architecture.

Quelques-uns ont cru toutefois que le célèbre littérateur Trissino auroit pu contribuer à son instruction dans cet art, et influer sur la direction de son goût. On l’a encore conclu de la mention honorable que Palladio, dans son Traité déjà cité, a fait de Trissino ; mais de cela même qu’il n’en parle point, comme ayant été son maître, on doit conclure que cela ne fut point, tant l’intérêt même se seroit uni à la reconnoissance, pour engager l’artiste à se vanter d’avoir reçu les leçons d’un homme aussi célèbre.

Quoi qu’il en soit, il dut, sans doute, à son


Diction. d'Archit. Tome III.

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