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grès, de leurs changemens, de l’accroissement de leur population et de leur richesse, par les agrandissemens des quartiers, par les extensions de terrain, par les changement de goût survenus dans les constructions publiques et particulières. Plus l’esprit de commerce, si différent de l’esprit de famille, aura fait de progrès dans ces villes, plus les habitations particulières, soumises aux spéculations des entrepreneurs de locations, se feront avec économie pour s’accommoder plus facilement aux changement, que de nouveaux besoins introduiront dans les établissement mercantiles. Cependant l’accroissement de population qu’amène le commerce, exige de la police administrative, que les nouvelles rues acquièrent plus de largeur, que de nouveaux percés multiplient les dégagemens, que les anciennes rues se redressent, et s’élargissent graduellement. Ainsi voit-on la même ville devenir, par de nouvelles additions de quartiers, comme un composé de plusieurs villes, en apparence étrangères les unes aux autres.

Peu de villes modernes offrent dans leur disposition élémentaire, les conditions que l’art de l’architecture imposeroit à celles, qu’il auroit l’avantage de créer. La capitale de la Sicile, Palerme, est peut-être la ville qu’on seroit le plus porté à croire établie dès l’origine sur un plan déterminé Difficilement imagineroit-on une plus grande et plus simple disposition, que celle qui fixa la construction de cette grande ville, sur deux rues immenses, lesquelles se coupant dans leur milieu, forment le point de centre de quatre rues, où viennent aboutir toutes les rues secondaires, qui les traversent en ligne droite. Lorsque de beaux bâtimens, de grandes constructions, sans aucun mélange de bâtisses communes, bordent de semblables rues, ont est tenté de croire, que le hasard n’a point été l’auteur d’un pareil plan, et que succédant à L’antique Panorma, la capitale de la Sicile a pu hériter de quelque disposition antécédente, ou de quelquesunes de ces traditions, qui survivent aux villes elles-mêmes, dans des restes de matériaux ou de ruines, témoins toujours subsistans d’un ordre anciennement établi, et que la force de la routine perpétue à l’insu même de ceux qui le suivent.

Il y a, comme on l’a dit, dans les villes une beauté d’aspect qui tient à leur emplacement, à leur situation, à la nature du terrain sur lequel des causes quelconques ont favorisé leur érection. Rien, en général, ne sauroit plus contribuer à ce genre de beautés que la position en forme d’amphithéâtre. Le plus frappant exemple parmi les créations modernes de ce genre que nous puissions citer, est, sans contredit, la ville de Gênes, où se réunirent toutes les causes qui peuvent faire de l’assemblage des édifices et des habitations d’une population nom-


breuse, une sorte de spectacle dont la richesse et la variété sembleraient être le résultat d’une composition pittoresque idéale, plutôt que le produit du besoin et de la nature des choses. Il n’est pas douteux que dès l’origine, cette ville, construite au fond de son golfe, sur le penchant de la montagne qui le domine, n’ait dû se prêter à toutes les variétés qui produisent d’heureux points de vue. Mais cette simple cause fût restée, comme en beaucoup d’autres positions semblables, stérile pour l’art, si le commerce et le gouvernement de cette ville ne l’eussent peuplée d’une multitude de citoyens opulens, jaloux d’étaler leur fortune dans de nobles et grandes constructions de palais, destinés à honorer leur patrie. Ajoutons qu’à une certaine époque, celle du seizième siècle, qui fut celui de la belle architecture, la ville de Gènes, par un zèle général, appela les plus célèbres architectes, qu’elle chargea des embellissemens qui ont achevé d’ajouter les mérites de l’art aux avantages de la nature. Gênes est la seule ville qui semble nous rappeler la description mentionnée plus haut de l’antique Rhodes. On peut effectivement en dire aussi, qu’on n’y voit pas une petite maison à côté d’une grande, que ses habitations d’une égale hauteur offrent la même ordonnance, etc.

Aristide, comme on l’a vn, dit encore de la ville de Rhodes, qu’elle semble, par l’uniformité décorative de ses constructions, ne former qu’un seul édifice.

On pourroit, je pense, faire de cette particularité une application à la ville de Turin. Cette capitule ayant été dévastée par les divers sièges qu elle avoit soufferts au commencement du dernier siècle, fut rebâtie depuis ce temps, et an peut dire qu’elle est presqu’entièrement neuve. Elle est certainement, entre toutes les villes d’Italie, ce pays le plus riche de l’Europe en belles villes, la ville sinon la plus belle par l’architecture, du moins la plus remarquable par la grandeur de ses dispositions, la symétrie et la régularité de ses bâtimens. On adopta dans sa reconstruction la pratique déjà mise en usage à Bologne, à Padoue et ailleurs, des portiques ouverts aux rez-de-chaussée des maisons, ce qui offre aux gens de pied une circulation commode et abritée, le long de toutes les rues. Cette méthode se trouva fort heureusement soumise, dans un plan entièrement neuf, à un parfaite uniformité. Dans les grandes rues surtout, les portiques ont contribué à donner à l’extérieur des maisons une apparence monumentale, qui semble ne faire de toute une façade de rue qu’un seul grand édifice. Toutes les rues sont alignées et se croisent en angles droits ; elles partagent la ville en cent quarante-sept carrés plus ou moins grands, appelés contracte Nulle ville, à vrai dire, n’a un aspect plus grandiose, par la