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certaines intempéries, ou dans le voisinage de quelques anses pratiquées par la nature même, sur les côtes de la mer. De ces divers positions dépendront souvent, par la suite, la beauté des aspects d’une ville, la facilité d’y établir de beaux percés, d’y pratiquer de ces alignement qui en rendent la circulation commode ou agréable. Il est certain que dans les divers états de l’Europe moderne, la plupart des villes ont été le résultat de ces causes spontanées. Ajoutons que le plus grand nombre a pris son accroissement, avec celui de la population, dans ces siècles que nous appelons du moyen âge, temps d’ignorance, où le goût des aria n’avoit aucune influence sur les mœurs, où les lois d’une bonne police étoient ignorées, et où l’exiguïté des fortunes ne permettant de chercher que le nécessaire dans les habitations, on étoit loin de mettre au nombre des jouissances de la vie, l’élégance, le luxe et les richesses de l’architecture.

L’accroissement progressif de la population des divers Etats, et les différences de leur régime intérieur, par rapport à la direction du principe et des effets de cette population toujours croissante, ont dû avoir partout, et produire une action très-variée, soit sur l’extension des villes déjà formées, soit sur la constitution des villes nouvelles. Lorsque, par les mœurs ou les institutions d’un pays, la population des villes ne peut trouver ni obstacle, ni limite dans les droits de cité, ou la classification des citoyens, rien ne peut empêcher que cette soule toujours progressive d’habitans, ne concoure, et pendant fort long-temps, sans ordre ni règle, à augmenter le nombre des habitations, à étendre de plus en plus le terrain sur lequel on les élèvera.

Des principes fort différons dans l’antiquité contribuèrent, et à maintenir dans certaines bornes l’étendue des villes anciennes, et à en fonder de nouvelles. Là où le nombre des citoyens étoit limité par les lois, c’étoit une nécessité que le trop plein de la population, au bout d’un certain temps, fût transféré ailleurs. De là le système de colonisation chez les Grecs, et aussi chez les Romaine. Ainsi tout ce qui, dans les usages modernes, augmenteroit indéfiniment une ville, servoit à la fondation d’autres cités.

On voit dès-lors que toutes ces villes nouvelles, n’étant plus les résultats d’élémens fortuits, mais au contraire de dispositions prescrites et d’opérations calculées, elles purent présenter un système d’ordonnance et de régularité qui, dès l’origine, dut imprimer à leur conformation l’avantage de s’élever, de s’étendre et de s’augmenter sur des plans raisonnés.

Denys d’Halicarnasse observe, que les Anciens mettoient plus d’attention à choisir des situations avantageuses, que d’ambition à prendre de grands terrains pour fonder leurs villes. On ne commençoit pas, même dès le principe, à les environner


de murailles ; on élevoit des tours à une distance réglée, et l’intervalle qui se trouvoit de l’une à l’antre étoit simplement retranché et défendu par des chariots, par des troncs d’arbres, et par de petites guérites, où l’on établissoit des corps-de-gardes. Après les cérémonies pratiquées à la fondation des murailles, on tiroit, dans l’enceinte de la ville, toutes les rues au cordeau. Le milieu du terrain renfermé dans l’enceinte de ville étoit destiné pour la place publique, et toutes les rues y aboutissoient. On marquoit les emplacemens que devoient occuper les édifices publics, comme les temples, les portiques, le théâtre, le stade, le forum, etc.

Avant de tracer définitivement l’enceinte de la ville, on creusoit un fossé circulaire, dans lequel on jetoit les prémices de toutes les choses nécessaires à la vie, et chaque citoyen ajoutoit une poignée de terre provenant du pays d’où il avoit été transplanté. Après cette première cérémonie, on traçoit l’enceinte véritable, avec un soc de cuivre, que l’on ajustoit à une charrue attelée d’un taureau blanc et d’une génisse du même poil. Aux endroits destinés à être occupés par les portes, on suspendoit la charrue, et on la portoit sans continuer le sillon. A mesure qu’on ouvroit le sillon, on y jetoit des fleurs, qu’on recouvroit ensuite de terre. La cérémonie étoit terminée par le sacrifice du taureau et de la génisse.

Tous ces détails nous sont donnés par Varron, Plutarque et Ovide. Nous les avons rapportés comme des témoignages authentiques de l’établissement des villes dans l’antiquité, et comme la preuve que le plus grand nombre de ces villes, étant destinées à décharger les villes anciennes de leur excédant de population, elles purent être disposées et construites d’après des principes fixes et des ordonnances régulières.

Ce que les notions des écrivains nous ont appris sur la manière d’établir les plans et les distributions des villes, nous est encore confirmé aujourd’hui par les récits des voyageurs qui ont visité les ruines d’un grand nombre de villes grecques. Il n’est pas rare de pouvoir encore se retracer leur ensemble, et de retrouver la direction des rues, en prenant pour guides, soit tes débris de leurs portes, soit l’indication de leurs principaux monumens.

Il ne saudroit pas se flatter d’en pouvoir faire autant à l’égard de beaucoup d’autres villes antiques, qui, comme plusieurs de nos grandes villes modernes, subirent, par des causes particulières et la succession des temps, de tels et de si grands accroissemens, qu’aucune espèce d’ordre dans la construction de leurs innombrables bâtimens, ne put en subordonner la disposition à aucun plan. A la tête de œs villes on peut citer Rome, que Cicéron nous apprend avoir été com-