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un motif de décoration historique ou allégorique en rapport avec leur destination. Ainsi les appartemens du grand-duc se composèrent, dans la série de chacune de leurs pièces, de la suite de chacune des histoires de ses illustres prédécesseurs. Chacune porta le nom de chacun d’eux, à partir de Cosme l’ancien, dont on voyoit retracées par la peinture les actions les plus mémorables. On y avoit ajouté les portraits de ses meilleurs amis, de ses dévoués serviteurs et de tous ses enfans. Chacun des Médicis y avoit ainsi une pièce consacrée à son honneur, jusqu’à Léon X, Clément VII, et Jean de Médicis, père du duc régnant. Pareil système fut suivi par Vasari dans les appartemens de la duchesse Eléonore ; chacune des pièces reçut pour sujet de décoration, l’histoire de quelqu’une des femmes les plus célèbres des siècles anciens ou modernes.

Il faut, en s’étonnant de la fécondité de l’artiste, et du beau choix de semblables idées, regretter, qu’un talent plus consommé, un goût plus pur, et une manière de peindre plus élevée, n’aient pas donné à d’aussi grands ouvrages, ce mérite classique, qui en auroit propagé la renommée dans toute l’Europe. C’est le sentiment qu’on éprouve surtout à la vue de cette grande salle, où le pinceau de Vasaris’exerça avec une inconcevable liberté : monument prodigieux de composition décorative, qu’on peut voir avec étonnement, mais dont on ne reçoit pas d’autre impression, et dont on ne garde aucun souvenir.

Vasari fut récompensé de ces travaux par le prince, avec une générosité qui égala la grandeur de l’entreprise, et l’activité avec laquelle elle fut exécutée. Outre les sommes et les présens dont il fut payé, il reçut encore en dons plusieurs maisons de ville et de campagne. Il fut honoré à Arezzo sa patrie de la charge suprême de gonfalonier, et d’autres emplois encore, avec la liberté de s’y faire remplacer par quelqu’autre citoyen de la ville. Tous ses parens furent comblés de faveurs et de libéralités.

Nous voudrions pouvoir parler ici avec plus de détail de deux monumens d’architecture, dont il a parlé lui-même avec trop de brièveté. On s’accorde toutefois à faire l’éloge du palais et de l’église qu’il construisit à Pise, pour les chevaliers de Saint-Etienne. On vante aussi à Pistoia, une belle coupole bâtie sur ses dessins ; c’est celle qu’on appelle de la Madona deli’Umilta.

Vasari s’étoit construit pour lui-même une maison à Arezzo, où il alloit se reposer quelquefois pendant l’été. Mais se reposer étoit, pour lui, changer de travaux. Il se plut donc d’orner à diverses reprises l’habitation qu’il s’étoit faite ; il en peignit l’intérieur et l’extérieur. Toujours porté vers les sujets poétiques et allégoriques, il décora le plafond de la grande salle, des images des douze grands dieux. Entr’autres sujets il imagina de personnifier toutes les villes, et tous les pays, où


il avoit exercé son art ; et il les figura, comme apportant leurs tributs et leurs offrandes, entendant signifier par là, que les bénéfices qu’il y avoit faits, à l’aide de son pinceau, a voient contribué à la dépense de cette construction.

Quel que soit le degré de mérite et de talent que cet artiste ait possédé, et à quelque point que ses nombreux travaux aient pu porter la renommée de son nom, nous croyons que son titre le plus assuré à une gloire durable, reposera toujours sur la grande collection qu’il a transmise à la postérité, de ses Vite dé piu eccellenti pittori, scuttori ed architetti.

Vasari nous a donné lui-même des documens précieux sur l’origine de ce grand ouvrage, et sur les circonstances qui le portèrent à l’entreprendre. Nous apprenons d’abord de lui que, dès sa première jeunesse (da giovanetto), il s’étoit fait un passe-temps, du soin de recueillir par écrit, des notes et des renseignemens sur les artistes dont le souvenir lui étoit le plus cher. Une circonstance se présenta qui réveillant, chez lui, l’ancienne idée de ce recueil abandonné, le mit sur la voie de le compléter, d’en étendre et d’en perfectionner l’ensemble. Se trouvant un soir chez le cardinal Farnèse, ou étoit rassemblée l’élite des personnages les plus distingués, dans la littérature et d’autres genres, la conversation tomba sur la belle collection de portraits d’hommes célèbres, qu’avoit réunis, dans la galerie de son magnifique palais à Côme, Paul Giove (l’ancien), homme fort savant, auteur de très-nombreux ouvrages. Paul Giove dans la conversation fit part du projet qu’il avoit, d’accompagner ces portraits de leurs éloges, ce qui lui donneront lieu de composer un traité, qui comprendroit des notices sur les plus célèbres artistes à partir de Cimabué.

Vasari avoit écoulé avec beaucoup d’intérêt cette conversation ; mais il avoit remarqué dans l’exposé de Paul Giove, beaucoup de méprises sur les noms, les surnoms, la patrie des divers artistes, sur leurs ouvrages, et enfin sur une multitude de points, qui annonçoient bien des connaissances générales, mais vagues et superficielles. Le cardinal s’adressant à lui : Qu’en pensez-vous, lui dit-il, n’est-ce pas là le sujet d’un grand et bel ouvrage ? Très-grand et très-beau, répondit Vasari, pourvu que Paul Giove soit aidé dons cette entreprise, par quelque artiste capable de mettre chaque chose à sa vraie place, et de décrire les objets comme ils sont véritablement ; ce que je dis, parce que je me suis aperçu que son discours, malgré ce qu’il a d’admirable, renferme beaucoup de détails inexacts, et de faits hasardés.

Vasari fut alors engagé par le cardinal, et par Paul Giove lui-même, à mettre la main à un travail, dont l’objet seroit de recueillir dans le meilleur ordre possible, et en suivant celui des temps, toutes les notions relatives aux grands