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Mais à peine cette seconde remarque commençoit-elle à inquiéter l’architecte, que des torrens d’eau débouchèrent avec un bruit épouvantable. Le bruit des applaudissemens s’y mêla, et le roi embrassa Vanvitelli.

La direction d’aussi grandes entreprises n’empêcha point Vanvitelli de donner encore de son temps et de ses soins, à d’autres ouvrages, qui auroient pu occuper tout le temps et exiger les soins d’un artiste tout entier. On cite un assez grand nombre de compositions dont il donna les dessins ou suivit l’exécution à Naples et en d’autres villes.

Il construisit à Naples, au pont de la Magdelaine, la caserne de cavalerie, édifice d’un goût sévère, et conforme à sa destination, soit par son caractère extérieur, soit par la commodité de ses distributions internes.

On lui attribue la salle de la sacristie, et la chapelle de la Conception à San Luigi di Palazzo.

De lui est la colonnade dorique de la place qu’on appelle Largo di Spirito Santo, pour la statue équestre de Charles III, roi d’Espagne.

De lui sont les églises de San Marcellino, de la Rotonde, de l’Annonciade.

De lui la façade du palais de Genzano à Fontana Medina ; de lui la grande porte, l’escalier, et l’achèvement du palais Calabritto à Chiaia.

Il y a de lui des ouvrages à Resina, à Matalane, à Bénévent, et on met sous son nom à Brescia la grande salle publique, à Milan le nouveau palais archiducal.

Chargé à Naples de la décoration de toutes les fêtes publiques, il soutint dignement sa réputation par des compositions analogues à chaque objet.

Heureux dans toutes ses entreprises, il n’essuya qu’une seule disgrace, et ce fut à Rome où il étoit né, et où il devoit mourir. Nous lisons dans Milizia que pour restaurer l’aquéduc de l’Aqua felice près de Pantano, il avoit évalué à deux mille écus romains la dépense de l’ouvrage ; mais elle passa vingt-deux mille écus. Il fut condamné à en payer cinq mille de ses deniers.

Vanvitelli fut un homme d’un caractère honnête et doux, d’une humeur facile dans les rapports qu’il avoit avec tous ceux qu’il devoit conduire. Dessinateur infatigable, il ne pouvoit vivre que dans l’étude et le travail. Savant en tout ce qui tient à la pratique et au mécanisme de l’art, il n’eut pas moins d’habileté en toutes les parties de la distribution, de l’ordonnance et de la décoration. Doué d’un bon jugement et d’un goût sûr, il eut le mérite de se préserver des écarts de l’école vicieuse qui l’avoit précédé. Porté aux grandes entreprises, on peut dire qu’il voyoit grandement, et on doit le regarder comme ayant contribué en Italie h désabuser les yeux et les esprits des fausses manières qui régnoient encore de son temps. La postérité l’a placé sans aucune


contestation au premier rang des architectes de son époque. Peut-être par son palais de Caserte, a-t-il marqué aussi dans son pays le dernier terme des grandes entreprises propres à éveiller le génie d’un art, qui ne peut être encouragé que par les causes politiques, par des mœurs propices, par la richesse et le luxe des états.

VARIÉTÉ, s. f. C’est dans les ouvrages des arts une qualité, que la théorie ne sauroit guère définir et bien faire comprendre, qu’en en rapprochant la notion, soit de celle qui est son contraire, c’est-à-dire l’uniformité, entendue comme abus de l’unité, soit de celle qui passe trop souvent pour être son synonyme, la diversité.

L’unité, qualité première de tous les ouvrages des arts, nous l’avons assez expliquée à son article (voyez UNITÉ), est ce qui fait un tout des parties dont l’ouvrage se compose. C’est elle qui, par la liaison qu’elle établit entre ces parties, comme la nature le fait à l’égard des êtres organisés, donne à l’esprit et aux yeux le plaisir de comprendre facilement, de voir clairement, et de saisir sans effort le but que l’artiste s’est proposé, les raisons qui l’ont déterminé dans l’emploi de ses moyens, enfin, de juger du mérite de toute invention.

Mais cette qualité, qu’on appelle unité, a, si l’on peut dire, de chaque côté un écueil qu’elle doit éviter, et contre lequel vienueut trop souvent échouer les auteurs et les artistes.

Rien de plus facile que de tomber de l’unité dans l’uniformité. Or, voici l’effet de celle-ci. Dans la crainte que l’esprit et les yeux n’éprouvent trop de peine et d’embarras à voir et à juger, l’uniformité va établir partout l’identité, la similitude symétrique, la répétition complète de toutes les parties, de tous leurs détails, de toutes les formes, en sorte que le tout pouvaut être vu dans une partie, il ne reste aucun travail pour l’esprit et pour les yeux. Mais notre esprit, s’il se refuse à jouir de ce qui lui offre difficulté, embarras, complication, s’il suit la fatigue, il n’est pas moins ennemi de la langueur d’un repos trop continu. Il veut de l’action et du mouvement dans une certaine mesure, et le repos ne lui plaît aussi qu’autant qu’il n’est pas forcé. C’est entre l’activité de la fatigue et l’inertie de l’ennui, ne se trouve le point milieu, qui est le secret dans chaque art, des jouissances que chacun peut procurer à notre ame.

Si l’on abuse du raisonnement pour restreindre par trop la notion de l’unité, jusqu’à la faire approcher de celle de l’unisson, on réduira tout art, et tout ouvrage d’art, à cette nullité de moyens, à ce néant d’effet, qui ne laisseront plus à l’ame aucune prise pour y exercer son activité, et la rendront tout-à-fait inutile. Comme le plaisir de l’ame, dans les objets qu’on lui présente, est de les rapprocher et de les comparer,