Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/559

Cette page n’a pas encore été corrigée
UNI UNI 551


vre les préceptes de la théorie à cet égard. L’unité étant, si nous l’avons bien définie, et de la seule manière qui convienne à une définition (c’est-à-dire en renfermant le plus de notions dans le moindre nombre de mots), l’unité étant, disonsnous, le lien qui unit et ramène à un seul point toutes les parties d’un ouvrage, et les coordonne tellement qu’on ne puisse y rien ajouter, rien en détacher, il nous semble que l’artiste ne trouvera le secret de ce lien moral et intellectuel, qu’en ayant toujours bien présent à l’esprit, et en discernant bien, ce qui, en chaque genre, constitue la nature propre de l’objet ou du sujet sur lequel il s’exerce, et en se rendant bien compte, de ce qui d’une part est nécessaire, et de l’autre, de ce qui est inutile à son développement et à son effet, dans toutes les parties qui pourront y entrer.

On comprend que la théorie abstraite de l’unité, parviendroit à une beaucoup plus grande clarté, si l’on pouvoit en faire, par des exemples pratiques, les applications particulières à tous les cas, à toutes les circonstances particulières, à tous les faits secondaires qui, dans chacune des divisions techniques de chaque art, comporteroient des observations variées, quoique dépendantes d’un même principe. Il n’y auroit peut-être pas de sujet plus étendu, et plus hors de mesure avec l’espace d’un article de dictionnaire ; ce seroit la matière d’un vaste ouvrage.

Dans le fait, le mérite complet de l’unité résultera dans chaque ouvrage d’un art, comme dans l’art même, de l’observation de plusieurs unités, qu’on pourroit, théoriquement parlant, regarder comme secondaires. Dans l’ouvrage du peintre, par exemple, on pourroit compter, outre l’unité première de la conception, l’unité de composition, l’unité d’action, l’unité de goût et de style, l’unité de formes ou de dessin l’unité d’ajustement, l’unité de caractère, l’unité de couleur, l’unité d’exécution. C’est bien sans doute de l’ensemble plus ou moins complet de toutes ces unités, que procédera l’effet plus ou moins sensible de cette unité abstraite, qualité générale qui produit, entre les parties, cette heureuse liaison qui en fait un tout. Mais que d’observations de détail n’exigeroit pas l’analyse de tous les moyens et procédés, par lesquels chacune de ces unités se trouve produite, et de tous les défauts qui s’opposent à ce qu’elle se produise !

En ramenant ces notions à l’art de l’architecture, à peine nous permettrons-nous d’effleurer la théorie pratique des moyens propres à produire dans les ouvrages de cet art, les différentes sortes d’unitéspartielles, d’où résulte l’unité générale d’un édifice, et que nous appellerons :

Unité de système et de principe.
Unité de conception et de composition.
Unité de plan.
Unité d’élévation.


Unité de décoration et d’ornement.
Unité de style et de goût.

De l’unité de système et de principe. On appelle ainsi celle qui consiste, à ne point confondre dans le même édifice certaines diversités, qui sont le produit, chez différentes nations, d’un principe originaire particulier, et de types formés sur des modèles sans rapport entr’eux. On ne sauroit mieux faire comprendre cette unité de système ou de type, que par les exemples trop fréquens de parties restaurées ou rajoutées à des édifices gothiques, selon le système et les types de l’architecture grecque. Rien ne peut mieux donner l’idée contraire à l’unité, c’est-à-dire celle de la duplicité, ou de deux édifices en un. Mais sans aller jusqu’à un excès aussi frappant, on sait qu’il y a un grand nombre de pratiques introduites dans l’art de bâtir, qui offrent de ces contradictions de systèmes et de principes. Telle est celle qui doit sa naissance à la destruction même des monumens antiques dans le bas Empire, je veux parler des arcades élevées sur des colonnes isolées, genre de dissonance, dont le système de l’architecture grecque sait sentir tout l’abus. L’unité ne sauroit être, en sait de principe, plus sensiblement violée, que par un mélange présentant sur un même point, l’emploi de deux manières de bâtir, qui s’excluent. C’est pécher contre l’unité de système, que d’associer des arcs aigus aux ordonnances grecques ; que de placer des chapiteaux d’un ordre sur des colonnes d’un autre ordre ; que de multiplier les frontons, là où il ne peut y avoir qu’un seul comble ; que d’établir plusieurs étages de colonnes, d’entablemens, et par conséquent de planchers, au-dehors d’un édifice qui n’a point d’étage dans son intérieur, etc.

De l’unité de conception et de composition. C’est de la conception d’un monument que dépend cette unité d’intention et de vues, qui doit devenir le lien commun de toutes les parties. Aussi saut-il qu’un monument émane d’une seule intelligence, qui en combine l’ensemble, de telle manière, qu’on ne puisse, sans en altérer l’accord, ni en rien retrancher, ni rien y ajouter, ni rien y changer. C’est de cette pensée première, que dépendra l’unité de sa composition. Un très-grand nombre d’édifices, et des plus célèbres, nous découvrent la vue originaire de leur création. Formés d’abord sur un autre plan, pour une autre destination, de nouvelles vues en ordonnent l’augmentation, soit par de nouveaux architectes, soit à des époques successives. Un édifice devient alors un amalgame d’additions, ou de modifications, au milieu desquelles disparoît jusqu’à la trace de l’intention première, et par conséquent l’idée d’une liaison propre à soumettre ses parties à la loi de l’unité. On ne sauroit peut-être citer aucun exemple plus frappant du manque d’unité, dans la conception et la composition, que le palais des Tuileries à Paris, ouvrage d’un