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grandi maîtres, les fenêtres d’un même étage alterner entr’elles par des chambranles égaux de forme et de proportion, mais couronnés les uns par des frontons triangulaires, les autres par des frontons circulaires.

L’extérieur d’un édifice comporte souvent l’application de plusieurs ordres de colonnes ou de pilastres, surimposés les uns aux autres. On voit de ces devantures, où l’on s’est plu à répéter dans la décoration des étages le même ordre. C’est là sans doute de l’uniformité. Mais comme aucune nécessité, aucun besoin apparent n’a prescrit cette répétition, le spectateur ne saura aucun gré à l’architecte, d’une redite qui le force de voir trois fois la même chose, dans une élévation, laquelle, par le rapprochement de trois ordres, auroit pu lui faire éprouver avec trois impressions différentes, le plaisir de la comparaison, que des variétés de proportions, de style et de détails l’auroient mis à porté de faire.

Généralement on ne se rend pas assez compte des causes du plaisir que nous procure l’architecture surtout. Cet art est un composé de rapports. Le génie, dans cet art, est de trouver et de fixer les rapports les plus agréables, et de faire sortir leur agrément du besoin même auquel il est avant tout subordonné. Méconnoître le besoin, comme principe premier du plaisir en architecture, c’est méconnoître l’essence de cet art. De là résulte le double abus qui se présente et à ceux qui l’exercent et à ceux qui en jugent. Si vous faites par trop prédominer dans le système de l’art de bâtir, le besoin sur le plaisir, vous pouvez aller jusqu’à détruire toute impression, tout sentiment de plaisir. D’une prétendue unité trop matériellement entendue, vous tombez dans l’uniformité, et nécessairement dans son excès, savoir : l’ unisson et la monotonie. Pour vouloir que tout y soit raisonnement, on ira jusqu’à en bannir la raison ; car c’est une véritable déraison, de prétendre que l’architecture n’ait plus ni rapports variés, ni diversités de proportions, de formes, d’ornemens, et que l’œil comme l’esprit, n’y trouve plus rien à quoi se prendre, rien à comparer, rien à imaginer. Si d’autre part on donne au plaisir de la variété trop d’empire sur la raison du besoin, l’art, devenu indépendant de toute règle et de toute convention, se précipite dans les champs illimités du caprice et du désordre. Lorsque l’excès de l’uniformité prive notre œil et notre esprit du plaisir de comparer, parce que l’unisson y a détruit toute matière de comparaison, il arrive par l’excès contraire du désordre, que l’œil et l’esprit se trouvent également privés de toute action, sur l’appréciation de rapports qui, nés du hasard, ne présentent que l’image de la confusion ou d’un jeu sans règle.

De tout ceci, il doit résulter qu’en architecture, cet art, qui peut-être est de sa nature, soumis plus qu’aucun autre à l’ uniformité, ce qu’on


appelle ainsi y deviendra mérite ou défaut, selon l’application qu’on en sera aux parties qui en sont plus ou moins susceptibles, selon la mesure en plus ou moins, que la raison et le goût sauront ou ne sauront point y porter ; qu’enfin si l’uniformité participe, jusqu’à un certain point, de l’unité avec laquelle il ne faut pas la confondre, ce ne peut être qu’avec le tempérament de la variété, sans laquelle l’unité elle-même cesseroit d’être la première de toutes les qualités dans les beaux-arts.

UNITÉ, s. f. Cette qualité n’est en quelque sorte la première dans tous les ouvrages de l’art, c’est-à-dire le fondement de toutes les autres, que parce qu’elle est la plus nécessaire. Elle n’est la plus nécessaire, que parce que son principe et ses effets tiennent essentiellement à la nature de notre être, et dépendent de nos facultés, autrement dit, des moyens que nous avons de concevoir l’idée des objets, d’en recevoir ou d’en retenir les images, d’en juger et d’eu goûter les impressions.

L’unité n’est la condition principale de tout ouvrage, que parce qu’elle a son principe dans l’unité même de notre ame.

Or, cette unité de notre ame est une de ces vérités de sait, tout autant que de théorie, dont nous trouvons en nous la plus facile démonstration. Elle se révèle et se manifeste à tout instant par cette unitéd’action, dont les plus simples rapports que nous sont à tout moment nos sens, nous donnent sans cesse la preuve.

Ainsi, par exemple, chacun de nos sens nous dit qu’il ne peut recevoir également les impressions simultanées de plusieurs objets à la fois. Dans le fait, chacun le sait pour en avoir fait l’expérience ; ni deux de nos sens ne peuvent être activement occupés ensemble et tout à la fois, ni un seul ne peut être fortement affecté, dans un même moment, par plus d’une sensation. On a dit activement etfortement parce qu’à la vérité, chacun de nos sens est doué d’une faculté active, et d’une passive ; et c’est ainsi, c’est par l’effet de cette double vertu, que l’on voit conjointement deux objets séparés l’un de l’autre. Oui ; mais il y a une grande différence de vision pour chacun d’eux. Il n’y a d’intuition que pour l’un des deux. Je n’en peux regarder qu’an à la sois. Je puis entendre plusieurs chants, plusieurs discours simultanément ; mais je n’en peux écouler qu’un seul. Il y a pareille différence d’action et de signification, entre ce qu’on appelle sentir. et ce qu’on appelle odorer, entre ce qu’on appelle toucher, et ce qu’on appelle palper.

Là, comme on le voit, réside le principe de l’essence de l’unité, et de sa nécessité dans les ouvrages des arts et de l’imitation. Car il faut appeler nécessité, dans les arts, le besoin qu’ils ont de plaire, la condition sans laquelle, ou ils ne