Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/555

Cette page n’a pas encore été corrigée
UNI UNI 547


plus affectés que du sentiment pénible d’une répétition, ou inutile, ou excessive. L’uniformité devient ainsi un défaut.

Lorsque l’uniformité est un rapport d’égalité, entre des parties qui ont besoin d’être ainsi, pour produire l’effet d’un tout, elle est louable ; lorsqu’elle n’est qu’une redite sans objet des mêmes formes, des mêmes parties, où se répète sans sin le même motif, elle produit l’ennui, et dès-lors elle est un défaut.

Par exemple, dans le style, qu’un écrivain emploie la même tournure de phrase, la même forme de discours, les mêmes mots, si le besoin de fixer, par cette redite, l’attention se sait sentir, si ce retour au même moyen a pour objet de produire une impression plus profonde, cette uniformité dans ces cas non-seulement est admissible, elle est encore une beauté. Elle devient un vice lorsqu’elle est le résultat évident de la stérilité de l’auteur, du manque d’idées, et de la pauvreté des ressources.

De même en architecture, il y a une certaine uniformité particulière à cet art, qui est tenu de n’employer dans ses compositions qu’un assez petit nombre de caractères, tels que colonnes, chapiteaux, et autres membres, dont le répétition est élémentairement nécessaire. S’il en usoit autrement, dans tout édifice ou toute portion d’édifice, qui constitue à elle seule un tout, l’architecte ne produiroit plus l’idée d’unité et de variété, mais celle de multiplicité ; il ne seroit point de variété, mais de la bigarrure, L’uniformité dans certains cas, non-seulement y est un agrément, elle y est un besoin.

Mais suivra-t-il delà que, dans d’autres emplois, appliqués à des édifices, dont la diversité intérieure est une obligation, tel qu’un vaste palais, considéré dans sa disposition extérieure, et dans sa distribution intérieure, l’art de l’architecture soit tenu de n’avoir pour chaque corps séparé, qu’un seul dessin, pour chaque partie détachée, qu’une seule ordonnance ? Non sans doute. Il y aura dans cet édifice des membres, qui, mis en regard les uns avec les autres, comme les façades d’une grande cour intérieure, exigeront un rapport de symétrie générale, et l’uniformité des mêmes lignes qui composeront leur masse. Toutefois plus d’une variété pourra s’introduire dans les détails d’un ensemble du reste uniforme. A plus sorte raison l’architecte sera-t-il libre de manquer à l’uniformité dans les cours séparées, d’un même palais, dans les parties d’un grand corps, que le même point de vue ne rapproche pas.

A cet égard, il est même permis de dire que l’observance inviolable de l’uniformité la plus complète, appliquée à ce dernier cas, bien qu’elle procède d’un bon principe, et qu’on ne puisse point, au fond, en faire un reproche à l’architecte, est cependant susceptible de produire


une impression, propre à nous apprendre qu’il peut y avoir (pour le goût) quelque excès jusque dans le bien, et sur ce point le goût pourroit aussi se prévaloir de plus d’un jugement semblable en sait de morale.

Je veux donner de ceci un exemple, dans le grand et magnifique palais du roi de Naples bâti a Caserte par Van-Vitelli. De tous les palais connus (on parle des plus grands), il n’en est aucun qui approche de celui de Caserte, et qui puisse lui être comparé pour la grandeur de la masse, l’unité de plan, la symétrie de toutes ses façades, et l’uniformité d’ordonnance, d’aspect, d’ensemble, de parties et de détails. Cette uniformité produit la plus parfaite ressemblance entre chacune des quatre grandes cours intérieures, que divise, comme si elles étoient indépendantes l’une de l’autre, le plan ingénieux en forme de croix qu’a suivi l’architecte. Il n’y a personne qui n’éprouve en parcourant ce vaste plan, an rez-de-chaussée, l’espèce de désagrément que produit une complète identité, et ensuite celui d’une redite inutile et fatigante pour l’œil comme pour l’esprit. Cependant Van-Vitelli, quoique observateur aussi scrupuleux de l’uniformité s’est permis d’orner de colonnes et de pilastres, la façade principale de son palais qui est du côté des jardins, quoique les autres soient privées de celle décoration ; et certes personne ne trouvera là un défaut d’uniformité.

A plus forte raison l’architecte est-il libre de s’éloigner de l’uniformité, dans la distribution intérieure de toutes les pièces, dont se composera l’ensemble d’un grand palais. Il ne s’astreindra pas à les faire toutes sur un plan toujours semblable. Au contraire il se plaira à y produire et l’un aimera à y rencontrer, en les parcourant, une diversité de lignes et de contours. Un grand appartement offrira une succession de pièces, de salles, de cabinets, de galeries, où, sans affectation, se trouveront toutes les variétés de dimension, de conformation, où les formes circulaires, succéderont aux formes quadrangulaires et polygones.

Il en sera de même des élévations de toutes les divisions intérieures. Certes rien ne seroit plus fastidieux que la continuelle répétition dans chacune de ces parties, du même ordre, des mêmes profils, des mêmes motifs de décoration.

L’architecte, à l’extérieur d’un grand nombre d’édifices, a soin également de corriger ce que l’uniformité exige de similitude, de symétrie, et de régularité dans les rapports principaux, par des détails qui diversifient l’aspect, sans altérer le principe d’unité. Il seroit ridicule que les fenêtres d’un palais ne sussent pas ordonnées sur une ligne parallèle, n’offrissent point des intervalles égaux, ne sussent pas soumises à un genre d’ornemens semblables. Cependant on voit avec plaisir et dans les plus beaux édifices, des plus