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manières dont chacun des trois ordres est mis en œuvre par l’architecte, dans le plan et l’élévation d’un édifice, mais en donne encore ce nom à la masse de l’édifice qui, dans son élévation, n’aura point de colonnes, pourvu que les parties de cette élévation présentent des espaces proportionnés aux règles de tel ou tel ordre, et des détails de moulures ou de profils qui rappellent le goût et le caractère des détails affectés à ces ordres.

On reconnoît aussi cinq sortes d’ordonnances, qui se fondent, pour la disposition des colonnes, dans les péristyles antérieurs des temples, sur le nombre de colonnes formant le front de ces péristyles, depuis le temple, qui n’a que deux colonnes aux angles, et progressivement, jusqu’au temple, qui en a dix, ou le décastyle.

ORDRE, sub. m. Ce mot a, en architecture, une acception générale qui n’a besoin d’aucune définition, puisque tous les synonymes, tels qu’arrangement, disposition, etc., n’en donneroient pas une idée plus claire.

L’idée d’ordre est une de ces idées primaires qui portent leur explication avec elles, et servent à en expliquer d’autres, plutôt que les autres ne peuvent servir à l’expliquer : aussi y a-t-il peu de mots qui aient de plus nombreux emplois.

Appliqué à l’architecture, ce mot signifie donc généralement, comme dans les œuvres de la nature,. et dans celles de toutes les productions de l’homme, ua certain système de disposition des parties d’un tout, et de leur rapport entr’elles et avec ce tout, qui montre qu’une intention intelligente y a présidé. Le hasard ne produit aucun ordre, c’est-à-dire aucun état de choses qui dénote la nécessité d’une existence de rapports prévus et constans. Aussi rien, par l’effet du hasard, ne peut arriver ou se succéder d’une manière semblable ; et c’est l’effet contraire, c’est-à-dire la continuité, la perpétuité et le retour toujours te même des mêmes causes, des mêmes résultats et des mêmes phénomènes qui, de tout temps, a attesté à la raison humaine l’existence d’une Providence, source et principe immuable de l’ordre par excellence, qui régit l’Univers.

Les ouvrages de l’homme approchent plus on moins do ceux de l’auteur de la nature, selon qu’on y découvre le plus d’application du principe intelligent, que l’homme seul, entre tous les êtres créés, a reçu de la Divinité, C’est pur l’ordre que se manifeste ce principe d’intelligence : c’est aussi ce que nous admirons dans l’organisation des sociétés, dans la législation des peuples, dans les productions du génie, dans tous les ouvrages de l’industrie. C’est vers la perfection de l’ordre que tendent sans cesse les méditations des philosophes les recherches des savans, les travaux des artistes.

Entre tous les arts, il n’en est point où l’existence et l’application de l’ordre se fassent mieux sentir que dans l’architecture, considérée, non pas seulement sous les rapports physiques qu’elle a avec les besoins des hommes, mais plus particulièrement encore dans ces combinaisons intellectuelles que l’art, comme production de l’esprit, se plait à manifester et à rendre sensibles aux yeux, pour satisfaire la raison et le goût.

Comme le principe d’ordre, naturel à l’homme en tant qu’être intelligent, ne se développe point au même degré dans l’organisation des peuples, dans leurs luis et dans leurs institutions, parce que différentes causes empêchent ou retardent diversement chez les hommes vus en général, comme chez l’homme individuellement considéré, le perfectionnement des facultés morales, de même les ouvrages, ou de chaque peuple, ou de chaque homme, participent à différens degrés de la qualité qu’on appelle l’ordre.

En vain se refuseroit-on à reconnoître la réalité d’un meilleur ordre dans l’art de tel peuple, en argumentant de la diversité qui se rencontre chez d’autres peuples dans le même art, pour prétendre qu’il n’y a point de vérité absolue en ce genre ; la réponse à cette objection, on la trouve eu comparant homme à homme. Qui est-ce qui ne sait pas que l’intelligence, d’ou émane le principe de l’ordre, est diverse entre les individus, selon le degré de culture ou d’organisation de chacun ? et toutefois le défaut d’intelligence chez l’un n’est pas une raison de la méconnoitre chez l’autre. Le désordre d’idées chez l’aliéné ou le sauvage n’empêche pas qu’on soit d’accord sur ce qu’on appelle raison, bon sens, jugement, chez l’homme qui possède ces qualités : on est donc d’accord, sinon sur le principe de ces qualités, au moins sur l’effet, qui est l’ordre.

Ce qu’on appelle ordre est donc une chose sur laquelle s’accorde un sentiment général chez tous Ici hommes. On peut affirmer qu’il est dans leur nature d’y tendre ; mais eu ce genre, comme en beaucoup d’autres, tous n’y parviennent point ; et ceux-là en approchent le plus qui en ont le plus et le mieux étudié les lois dans le livre de a nature, lequel, bien qu’ouvert à tous, n’est compris que par le petit nombre. Cette étude n’arrive à son plus haut degré que chez les peuples et chez les hommes où la plus grande et la plus parfaite civilisation aura développé les facultés propres à saisir dans leurs causes et dans leurs effets, les propriétés des rapports qui unissent entr’eux les objets physiques et les choses de l’intelligence.

Lorsqu’on observe quels sont les peuples qui se sont le plut livrés à cette étude, ou remarque aussi que c’est chez eux que les arts de l’imitation sont parvenus à ce degré éminent de justesse, d’harmonie, de vérité, do proportion, toutes qualités qui émanent du principe général de l’ordre.

Entre ces arts, on l’a déjà dit, l’architecture, qui ne consiste qu’en rapports, est l’art dont la

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