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ORA ORA


sans en avoir l’humidité. On a profité à Versailles d’une pareille configuration de terrain, et l’orangerie construite contre l’escarpement de la grande terrasse, au niveau de laquelle on arrive par deux immenses rampes, offre une disposition admirable pour une orangerie. En effet, ces deux escaliers disposés de chaque côté et en avant du bâtiment principal, le garantissent de l’impulsion de tous les vents froids, et n’empêchent pas le soleil à son midi de frapper sur la façade : l’espace resté vide entre les rampes est disposé en parterre à six compartimens de gazon, avec un grand bassin au milieu. L’orangerie consiste donc en trois galeries ; celle du fond est de quatre-vingts toises de longueur ; au milieu s’élève la statue en marbre de Louis XIV : les deux autres galeries en retour ont soixante toises, et communiquent à la grande par deux tours rondes qui ont leur saillie en dehors. Ces galeries sont décorées d’un ordre toscan, et dans le vestibule on remarque une statue de Cérès en pierre de touche.

Parfois une vaste orangerie devient un jardin d’hiver où l’on peut se procurer le plaisir de la promenade, à l’abri du froid et au milieu de la verdure, des fleurs et d’une atmosphère embaumée ; aussi a-t-on cherché à embellir ces sortes de lieux par des ornemens d’architecture, et même de peinture, comme à l’orangerie de Saint-Cloud. Dans les contrées septentrionales on a poussé ce genre de luxe fort loin, surtout en Angleterre et en Russie. (A. L. C.)

ORATOIRE, sub. m. Lieu destiné à la prière. On connoissoit les oratoires chez les Anciens ; ceux qui ne pouvoient aller aux temples, suppléaient à ce devoir dans leurs oratoires ou chapelles domestiques : les riches y faisoient des sacrifices ou d’autres offrandes, pendant que les pauvres s’acquittoient par de simples salutations ou de courtes prières. On gardoit dans ces chapelles, avec les dieux lares, les images des personnes pour qui on avoit une estime particulière. Lampridius, dans sa Vie de Sévère, dit qu’il avoit placé la statue d’Alexandre avec celles des autres dieux dans cette espèce d’oratoire, qu’il nomme lararium majus. On appeloit ces statues cubiculares imagines, comme nous l’apprend Suétone. Le monument que Cicéron se proposoit de faire bâtir en mémoire de sa fille n’étoit pas un tombeau, mais un temple, ou plutôt un oratoire.

Le lararium ou oratoire domestique étoit ordinairement placé dans la partie la plus reculée de la maison ; c’étoit une petite pièce avec des bancs sur les deux côtés, un autel au milieu, devant une niche décorée d’une image ou des statues des Lares, faites en cire et couvertes d’une peau de chien, ce qui, dit-on, signifioit qu’ils étoient les gardiens de la maison. On entretenoit toujours du feu ou de la Lumière devant les figures, auxquelles on donnait parfois le nom d’atria, lorsqu’elles occupoient l’atrium ou cavœdium, cour couverte qui se trouvoit à l’entrée des maisons. On voit encore à Pompéi, dans un atrium à l’angle gauche, l’autel des dieux lares : on rencontre aussi fréquemment au coin des rues, dans la même ville ruinée, des oratoires ornés de peintures, ou des autels consacrés aux dieux populaires, dont le culte commode n’exigeoit point de dispendieux sacrifices ; on les nommoit dii patellarii[illisible], parce qu’une simple patella (écuelle) suffisoit pour leurs sacrifices. Voyez le Dictionnaire d’Antiquités.

Chez les Modernes, un oratoire est une pièce située dans l’endroit le plus retiré de la maison, et où l’on peut, à l’abri de toute distraction, se livrer à la méditation et à la prière. Ce lieu doit être sobre d’ornemens, peu éclairé, sans autre meuble qu’un prie-dieu, surmonté d’un crucifix ou d’un tableau représentant quelque sujet pieux, On voit aussi dans des oratoires une table en forme d’autel, mais elle n’est point consacrée, et on n’y célèbre pas le sacrifice de la messe. Les chapelles particulières des églises ne sont pas des oratoires, quoique parfois on les nomme ainsi, et qu’elles deviennent, dans certains cas, le motif d’oraisons adressées successivement aux divers saints auxquels elles sont dédiées. En Italie, on nomme oratoire toute chapelle isolée et qui n’est pas desservie habituellement par le clergé ; néanmoins plusieurs petites églises de Rome portent le nom d’oratoires, comme l’oratoire de la Via Crucis au Campo Vaccino ; ceux de Saint-Marcel, de Sainte-Marie-du-Carmel, des Cinq-Plaies, etc. Les grands artistes n’ont pus dédaigné de décorer la façade de certains oratoires. Vignole et Palladio ont attaché leurs noms à quelques-uns, et l’oratoire de Saint-Roch, à Venise, est célèbre par les peintures dont le Tintoret l’a décoré. On voit dans les jardins des couvens, des ædicules qu’on prendroit pour des chapelles, et qui ne sont que des oratoires situés au milieu de la verdure, tapissés de coquillages formant une sorte de mosaïque ; on y amenoit une source dont le murmure entretenoit la rêverie et portoit l’esprit à la méditation. C’est surtout dans les lieux écartés, et sur le bord des routes ou de sentiers suspendus sur l’escarpement des montagnes, et qui conduisent à quelqu’ermitage, qu’on aime à retrouver des oratoires, qui sont des lieux de repos et de refuge eu cas de mauvais temps. Les petites chapelles servant de station pour arriver à un calvaire, sont autant d’oratoires. On trouve dans les catacombes de Rome une foule de tombeaux convertis en oratoires et puis en chapelles, par les premiers chrétiens persécutés ; plusieurs de ces catacombes sont même devenues ce qu’un appelle dans plusieurs églises la confession, ou temple souterrain, comme a Sainte-Praxède, près de Sainte-Marie-Majeure, et à Sainte-Prisca, sur le mont Aventin, où l’on a conservé la chambre souterraine de la sainte, et au centre son tombeau, qui sert

Diction. d’Archit. Tome III.
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