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amphithéâtre. Il fallut faire des rangs divers et séparés, pour toutes les différences d’états et de fortunes. Tout dut être calculé sur le produit des recettes. Une multitude d’autres raisons, tirées de l’état des sociétés modernes, produisit des combinaisons, tout-à-fait étrangères à celles du théâtre antique. Aux gradins de celui-ci, on substitua des rangs de loges en hauteur verticale les unes au-dessus des autres, et qui, ordinairement construites en bois et attachées contre les murs, offrent à l’œil, lorsqu’il n’y a aucune séparation, le vice d’une porte-à-faux déplaisant, ou, si chaque loge est soutenue par un montant, l’espèce de ridicule d’un mur percé de nombreuses fenêtres.

Au nombre des causes qui se sont opposées au renouvellement du système des théâtres antiques, il faut encore mettre les convenances de l’art dramatique moderne, qui, ayant raffiné sur le genre d’imitation et le degré d’illusion dont les Anciens se contentoient, place l’action et les acteurs beaucoup plus sous les yeux du spectateur. On a fini par exiger de L’acteur récitant, une multitude de nuances dans l’expression et la déclamation, qui excluent les grandes distances établies autrefois entre le lieu de la scène, et le plus grand nombre des places occupées par les auditeurs. Ajoutons qu’une lumière artificielle éclaire le théâtre moderne, ce qu’exige avant toute autre raison, l’heure qui est ordinairement celle du soir et de la nuit, où se donnent les spectacles. N’oublions pas la différence du lieu de la scène, qui est tout en profondeur, et le système de décoration dont l’illusion tient à la facilité d’augmenter, de ménager ou de supprimer, à volonté, l’effet de la clarté ou de l’obscurité.

Les théâtres n’étant plus que des entreprises dépendantes d’intérêts particuliers, les grandes villes en virent le nombre augmenter selon leur population, et cette multiplication-là même fut cause, qu’il ne fut plus possible de leur donner les vastes dimensions qu’ils enrent, lorsqu’un seul pourvoit réunir jusqu’à quarante mille spectateurs.

Cependant ces derniers temps ont vu construire dans plus d’une ville, des théâtres, où l’architecture a pu encore faire pompe de quelques-unes de ses ressources. L’Italie en compte sort peu, qui s’annoncent au dehors par une apparence de forme et de richesse proportionnée au luxe de leur intérieur, et n’est presque toujours en bois, que cet intérieur est construit. On doit toutefois excepter lethéâtre de Bologne, ouvrage d’Antoine Galli Bibiena, qui offre cinq rangs de loges construits en pierre, ci qui fut terminé en 1763. Avant lui, François Galli Bibiena en avoit construit un à Véronne, sous la direction du célèbre Scipion Massei. Il y fit un portique en avant, y pratiqua de fort belles salles dans les angles, et par plus d’une disposition intérieure, tendit à se rapprocher, le plus qu’il fut possible, de certains erremens du théâtre antique.


Généralement, en Italie, il s’est conservé, dans la plupart des grands théâtres, un certain goût de grandeur et d’unité de forme, à l’intérieur, pour ce qu’on appelle la salle et la distribution des loges, qui rappellent quelques souvenirs de l’antiquité. Ainsi l’on cite le grand théâtre royal de Naples, ceux de Milan et de Turin. Toutefois la dépense s’est portée à la décoration intérieure de leurs salles, ouvrages de menuiserie plus que d’architecture, où l’on a prodigué la dorure et les ornemens ; mais rien n’annonce à l’extérieur ni la forme du local, ni même le caractère du monument. L’Angleterre n’offre, en fait de théâtre, rien qui mérite d’être cité comme ouvrage d’art, de goût ou de magnificence.

La France, pendant long-temps la plus mal partagée en ce genre, sous tous les rapports d’architecture, a surpassé, vers la fin du dernier siècle, toutes les entreprises précédentes, dans le théâtre de la ville de Bordeaux, grand édifice qu’on peut appeler véritablement du nom de monument public. Sa masse est un vaste corps de bâtiment, qui a près de trois cents pieds en longueur, sur la moitié de cette mesure pour sa largeur. L’édifice est environné d’un rang de portiques formés par des arcades, dont les piédroits sont ornés d’un ordre de pilastres corinthiens, qui règnent dans toute la hauteur, et du rez-de-chaussée, et de l’étage supérieur. Au-dessus de l’entablement s’élèvent un attique assez exhaussé, et quelques degrés en retraite, pour dérober en partie la vue du grand comble exigé par les besoins du théâtre et du jeu des décorations. Tout, dans ce monument, a été mille en grand. Soit qu’on l’examine dans la belle entente et la régularité de son plan, soit qui l’on considère la largeur et la facilité des dégagemens, et tous les accessoires que réunit un pareil ensemble, on peut le proposer pour modèle de ce qui convient aux usages modernes. On y trouve une très-belle salle de concert, un beau soyer, de grands escaliers, et la richesse de la décoration intérieure n’est pas restée au-dessous de ce que demande un lieu de fêtes-et de plaisirs.

Le théâtre de Bordeaux, bâti par M. Louis vers la fin du dernier siècle, auroit pu exciter dans la capitale de la France l’ambition de l’égaler ou de le surpasser, à l’époque surtout, où sembla se réveiller dans celle ville, le besoin d’honorer par des édifices plus dignes de son importance, un art sur lequel se fonde, en grande partie, la gloire littéraire de la nation. Cependant les circonstances et des causes indépendantes du goût et du talent des artistes, ne permirent pas de porter sur un grand nombre de théâtres, que Paris possède, la dépense, que souvent une moindre ville peut appliquer à un monument unique. Le projet du théâtre français, demandé à MM. Peyre l’aîné et de Wailly, fut jugé trop dispendieux. Il fallut en rapetisser toutes les données dans le monument