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OR OR


en effet, combien l’or étoit abondant en Asie, combien il en fut alors envoyé en Grèce, et il est probable que les généraux et héritiers d’Alexandre n’épargnèrent rien dans le monument qui devoit devenir, sur toute la route, le catafalque du héros.

Nous renverrons, pour l’analyse et la restitution de cet ouvrage, au tome IV des Mémoires de la classe d’histoire et littérature ancienne de l’Institut, où nous avons ajouté, à une discussion détaillée du texte de Diodore de Sicile, un dessin qui représente l’image fidèle de l’objet décrit par l’historien.

Nous allons nous contenter d’en rapporter ici le texte traduit.

« D’abord on avoit préparé et fait au marteau, sur la mesure du corps (d’Alexandre), un cercueil d’or, qu’on avoit rempli jusqu’à moitié d’aromates destinés à répandre une bonne odeur, et à préserver le corps de la corruption.
« Sur le cercueil on plaça un cénotaphe également d’or, qui en embrassoit exactement toute la surface supérieure.
« Par-dessus, on avoit étendu un tapis de pourpre, magnifiquement brodé en or, autour duquel on avoit étalé les armes du roi mort, pour que tout, dans cette composition, servit rappeler ses exploits.
« On fit ensuite approcher le chariot destiné au transport. On avoit établi, sur ce chariot, une chambre d’or voûtée, dont la couverture circulaire étoit ornée d’écailles formées par des pierres précieuses. Sa largeur étoit de huit coudées ; sa longueur, de douze.
« Au-dessous du comble (entre le plafond et le toit) tout l’espace étoit occupé (en avant) par un trône d’or carré, orné de figures en relief de tragelaphes, d’où pendoient des anneaux d’or de la grandeur de deux palmes, et à ces anneaux s’attachaient des festons formés de fleurs de toutes sortes de couleurs.
« En haut régnoit une frange en réseau, avec de fortes sonnettes, pour annoncer au loin l’approche du char.
« Aux angles de la voûte s’élevoit, de chaque côté, une victoire d’or, partant un trophée.
« La voûte étoit supportée par un péristyle d’or, dont les colonnes avoient des chapiteaux ioniques.
« En dedans du péristyle (ou de la colonnade environnante) régnoit un réseau d’or, dont les fils étoient de l’épaisseur d’un doigt, et quatre tableaux parallèles, remplis de figures : ces tableaux étoient égaux aux murs (fournis par le réseau ou grillage d’or).
« Dans le premier tableau, on voyoit un char richement travaillé en métal. Alexandre y étoit assis, tenant en main un sceptre magnifique. Autour de lui marchoient la garde macédonienne, armée de toutes pièces, et le bataillon des Perses, appelé les Mélophores. En avant étoient les Oplites.
« Le second tableau se composoit du train des éléphans équipés en guerre, ayant en avant leurs Indiens, et par-derrière les Macédoniens, avec leurs armures ordinaires.
« On avoit figuré, dans le troisième tableau, des corps de cavalerie imitant les manœuvres et les évolutions d’un combat.
« Le quatrième, représentoit des vaisseaux en ordre de bataille.
« A l’ésodos de la chambre (ou sous le vestibule en avant) il y avoit des lions d’or, placés de manière qu’ils regardoient les entrans.
« Du milieu de chaque colonne s’élevoit un rinceau en acanthe d’or, qui alloit jusqu’au chapiteau.
« Au-dessus du faîte et au milieu du comble s’étendoit en plein air un tapis de pourpre, sur lequel posoit une couronne d’olivier d’une grande dimension. Elle étoit d’or, et lorsque les rayons du soleil frappoient dessus, l’éclat s’en trouvoit répercuté de manière que, de loin, il produisoit l’effet des éclairs.
« Le train du chariot sur lequel reposoit cet ensemble, avoit deux essieux, autour desquels tournoient quatre roues à la persanne, dont les rayons & les jantes étoient dorés ; les bandes seules étoient de fer. Des têtes de lions d’or, dont les gueules mordoient un fer de lance, faisoient l’ornement des moyeux.
« Au milieu de la longueur du chariot et au point central de la chambre, étoit adapté, avec beaucoup d’art, un pivot sur lequel l’édifice maintenu en équilibre conservoit son niveau, et se trouvoit aussi garanti contre les secousses et préservé de l’inconvénient des inégalités du terrain.
« Il y avoit quatre timons, à chacun desquels étoit attaché un quadruple rang de jougs, quatre mulets à chaque joug. Le nombre des mulets étoit de soixante-quatre. On avoit choisi les plus forts et les plus hauts. Chacun d’eux avoit sur la tête une couronne dorée, des sonnettes d’or aux deux côtés de la mâchoire, et autour du cou, des colliers chargés de pierres précieuses. »

Cette description, à laquelle nous n’ajouterons aucune des explications qui alongeroient outre mesure cet article, nous a paru devoir trouver sa place dans le Dictionnaire d’Architecture, comme présentant l’idée d’un des monumens les plus riches de l’art, et en même temps un ouvrage de mécanique des plus particuliers. Nous avons cru devoir le placer à l’article Or, comme exemple du plus prodigieux emploi qu’on ait jamais fait de ce métal précieux à aucun travail, et appliqué en même temps à un objet qui fut véritablement un objet d’architecture.

On l’a dit au commencement de cet article : si