Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/454

Cette page n’a pas encore été corrigée
446 TEL TEL


aula gigantum. Ainsi voit-on sur l’écusson de cette ville, trois figures nues, qui semblent supporter trois tours. Gigantes in scuto ostentat arcem humeris sustinentem. De là vint donc à cette ruine, dans le moyen âge, la dénomination populaire de palais de Géans, palazzo dé Giganti.

Quels étoient ces géans ou télamons ? c’est ce que les fouilles exécutées, vers le commencement de ce siècle, au milieu des débris du temple olympien, nous ont manifesté.

Ce temple a été décrit avec beaucoup d’exactitude et de clarté par Diodore de Sicile. Il nous apprend qu’il avoit ses murs en dehors ornés de colonnes circulaires à moitié engagées, et en dedans de colonnes quadrangulaires. On avoit vu là naturellement un pseudopériptère et les colonnes carrées, on les avoit expliquées par une ordonnance de pilastres correspondans aux demi-colonnes extérieures, et la chose peut très-bien s’entendre ainsi. Mais l’état entièrement ruiné de l’intérieur du temple étoit resté inconnu, les décombres cachant entièrement l’aire de son naos. Or, il a été avéré qu’au lieu de colonnes formant les trois nefs comme dans les grands temples, il y avoit des piliers quadrangulaires, et au lieu du second ordre de colonnes surmontant, selon l’usage, l’ordre inférieur, il régnoit une rangée de télamons, ou atlantes en ronde bosse, faisant fonction de colonnes et supportant l’entablement.

Des fragmens de ces colosses se sont retrouvés dans les décombres du temple, et en assez grand nombre, pour qu’il ait été facile à M. Cockerell, il y a quinze années, d’en recomposer une figure toute entière. Depuis, de nouveaux fragmens retrouvés et assemblés, ont permis d’en remettre plusieurs autres dans leur premier ensemble, et ainsi s’est confirmée la vraie raison qui avoit fait appeler cet édifice temple des Géans.

D’après les renseignemens donnés par plus d’un voyageur, et récemment encore par M. Hittorf, ces télamons avoient à peu près vingt-cinq pieds de hauteur. Ils ont les deux bras ployés au-dessus de leurs têtes, dans l’attitude des porte-faix qui chargent des fardeaux sur leurs épaules ; leurs cheveux symétriquement bouclés sont surmontés d’un bonnet. Cette sculpture est d’un style qui tient du genre des anciennes écoles. Les yeux y ont de l’obliquité, et les coins de la bouche sont relevés. Généralement, le goût et le travail en sont assez grossiers. Ce qu’on explique, non par l’époque qui fut très-certainement celle du développement de l’art, mais d’abord par la position très-élee d’où cette sculpture devoit être vue, ensuite par la nature de la pierre du pays, qui ne comporte point de fini, enfin parce que ces figures devoient être toutes revêtues de stuc, et peut-être de couleurs comme l’architecture. Mais Diodore nous apprend que ce temple ne fut point terminé dans son comble, et très-probablement ces télamons


restèrent dans une espèce d’état d’ébauche, auquel la dégradation n’aura pas laissé d’ajouter de nouvelles défectuosités.

A l’article SALONIQUE (voyez ce mot), on a fait mention d’un monument antique, où règne audessus des colonnes une ordonnance de piliers carrés auxquels s’adossent des figures d’un bas-relief assez saillant, et qui, si elles ne paroissent pas faire fonction de caryatides, en sont au moins le semblant. D’autres exemples qu’on a rapportés, et qu’on rapportera encore, prouvent que cet usage d’adosser des statues à des pilastres, et d’en faire le soutien réel ou fictif des plates-bandes ou des entablemens, fut beaucoup plus commun qu’on ne l’avoit pensé. Voici une nouvelle autorité de cette pratique dans une moindre dimension sans doute, et que les découvertes récentes de Pompeia en 1824, viennent de nous fournir.

Une salle qu’on croit avoir été une salle de bains, a son entablement supporté par des montans, entre lesquels sout des ouvertures ou fenêtres. Ces montans ou trumeaux, comme nous les apellerions, servent de fond à des figures de télamons ou atlantes en ronde bosse, tout-à-fait semblables à ceux du temple d’Agrigente. Elles posent chacune sur un socle. Elles ont, comme les télamons d’Agrigente, les deux bras ployés au-dessus de leurs têtes, et elles expriment dans leur attitude l’effort d’un homme portant un fardeau. La plus grande différence entr’elles, et celles du temple de Jupiter Olympien, consiste dans la dimension. Les télamons de Pompeia n’ont guère qu’un pied et demi de hauteur ; ils sont en terre cuite, et les moulures de la corniche qu’ils supportent, sont de stuc. Quelques-unes annoncent par l’espèce de ceinture de poils qu’ils ont, qu’on eut l’intention d’en faire des êtres de la nature du Faune.

C’est ainsi que sont effectivement représentées ces trois grandes figures antiques qui supportent un bassin, qu’on voyoit jadis à Rome dans les jardins de la villa Albani, et qui ornent aujourd’hui le Muséum royal de Paris. L’emploi auquel on les a appliquées, quoique fort convenable à leur caractère, étant très-certainement d’invention moderne, rien n’empêche de croire que ces statues atlantiques surent originairement employées comme support, en place de colonnes, dans quelqu’édifice, sous un couronnement quelconque.

Pirro Ligorio, dans sa description manuscrite de la villa Adriana Tiburtina, nous a conservé la mention d’un semblable emploi de télamons, placés dans une salle à manger ou triclinium (ainsi qu’il l’appelle), dont la forme étoit circulaire, mais décrivant un décagone, dont les angles étoient peu prononcés. Elle avoit, dit-il, à chaque angle, au lieu de colonnes, des figures en marbre noir, drapées de plis légers, avec les nus en marbre rouge. Je vais rapporter les propres paroles de Pirro Ligorio. Aveva questo (Triclinio) alquanto della forma rotonda, ma decagona, e degli angoli