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Au moyen de ces procédés, les murs et les voûtes se trouvoient couverts d’un enduit très-uni, très-fin, parfaitement propre à servir de fond aux peintures dont on décoroit l’intérieur des bâtimens, et il acquéroit avec le temps une solidité à toute épreuve. C’est ce que nous prouvent les murs aujourd’hui intacts de beaucoup de maisons, dont on pouvoit jadis, comme on le fait encore à présent, détacher, l’enduit orné de peintures, sans crainte de les endommager. De semblables peintures enlevées aux murs en Grèce, étoient transportées en Italie par de riches romains, qui les incrustoient dans les murs de leurs maisons de ville ou de campagne. Ainsi, dans une maison de Pompeia, a-t-on trouvé de ces sortes d’enduits peints, qu’on avoit détachés d’un autre local, et qu’on n’avoit pas encore eu le temps de replacer au nouveau lieu qu’on leur destinoit.

Lorsqu’on vouloit couvrir du tectorium opus des murs qui, au lieu d’être en maçonnerie, étoient de simple charpente, dans la crainte qu’au bout d’un certain temps l’enduit appliqué sur le bois ne vint à se fendre, voici comme on paroit à cet inconvénient. On couvroit d’abord le mur ou la cloison de terre grasse. On y clouoit ensuite des roseaux sur lesquels on appliquoit une seconde couche de terre argileuse, où l’on clouoit encore d’autres roseaux, mais dans une direction telle, qu’ils se croisoient avec ceux de la première rangée, et c’est sur ces roseaux qu’on appliquoit les couches de mortier avec chaux et poussière de marbre dont on a parlé.

On recouvroit le tectorium opus des couleurs les plus brillantes, telles que le minium ou le rouge, l’armenium ou le bleu, le purpurissum ou pourpre-foncé, ainsi que de beaucoup d’autres, dont on formoit des fonds colorés, tantôt unis, tantôt ornés de figures et de compartimens. La couleur étoit appliquée sur la dernière couche de stuc encore fraîche. Pour conserver l’éclat des peintures, on les frottoit avec de la cire punique mêlée d’un peu d’huile très-pure. Ce mélange avoit été fondu et appliqué très-chaud. On le laissoit refroidir sur le mur, et ensuite, avec un réchaud rempli de charbons ardens, on le réchauffoit et l’on faisoit pénétrer dans l’enduit tout ce qu’il pouvoit recevoir. Le tout étant séché, on lui faisoit subir, avec des linges secs, un frottement qui produisoit sur la peinture l’effet d’un vernis.

TÉLAMONS, s. m. pl. Les Grecs désignèrent par plus d’un nom, certaines figures sculptées, qu’ils employèrent dans leur architecture, a être des supports réels ou fictifs, tenant lieu de colonnes.

Au mot CARYATIDE (voyez ce mot), nous avons parcouru avec beaucoup de détails, toutes les notions historiques et théoriques, que comporta jadis l’emploi des figures sculptées, appliquées à


servir de supports dans l’architecture. Si, à cet article, nous avons rassemblé le plus grand nombre de faits, d’autorités, d’exemples et de préceptes de goût, que cet objet de décoration peut comporter, c’est que le nom de caryatide est jusqu’à présent le seul, que l’on ait donné en français, aux statues-colonnes. Mais dans l’antiquité, deux autres mots grecs d’origine, et naturalisés en latin, pouvoient exprimer le même genre d’ouvrage. Ces deux mots, que la langue des arts admet aussi, sont atlantes et télamons. Tous les deux ont pour racine, en grec, le verbe ταλαω, souffrir, supporter. Vitruve nous dit, l. 6, ch. 10, que les figures viriles qui supportent les entablemens, sont appelées télamons à Rome, atlantes en Grèce. Quœ virili figurâ signa mutulos aut coronas sustinent, nostri telamones appellant, Grœci verò eos atlantes vocitant. Il est donc bien permis de regarder ces deux mots, comme parfaitement synonymes.

Au mot ATLANTES, nom nous sommes contentés de donner signification et son étymologie, en renvoyant au mot TÉLAMONS, et plus particulièrement aux mots PERSIQUE et CARYATIDE. Depuis l’époque où ces articles furent publiés, de nouvelles découvertes sont survenues, qui nous mettent à portée de produire d’autres autorités fort curieuses, sur l’emploi très-remarquable que l’on fit des atlantes outélamons dans l’architecture.

Très-probablement, le plus grand exemple qu’il y eut de cet emploi, dans tous les monumens de l’antiquité, fut celui que viennent de nous fournir les découvertes faites parmi lis ruines du temple de Jupiter Olympien, à Agrigente, temple d’une dimension prodigieuse, qui fut une des colossales entreprises de l’architecture grecque (voy. AGRIGENTE), et dont les restes ont porté jusqu’a présent le nom de temple des Géans. Nous eûms le trt, à l’article cité, d’avancer que cette dénomination moderne étoit due, soit à l’énormité de quelques-uns de ses débris, soit au sujet jadis sculpté dans un de ses frontons, et qui représentoit la gigantomachie.

Fazello (de Rebus Siculis), écrivant au commencement du seizième siècle, fit remonter les renseignemens sur cette ruine, jusqu’à l’an 1401, en rapportant des vers rimés en latin, d’un poëte de ce temps, qu’il retrouva dans les archives de Girgenti. Deux circonstances importantes se trouvent énoncées dans ces vers. Il y est d’abord parlé de trois figures gigantesques, dont le col et les épaules servoient de support, et il y est dit ensuite que la chute de ces trois colosses eut lieu le 3 de décembre 1401. Le même Fazello rapporte que ces trois colosses ou géans, comme il les appelle, restés long-temps debout, sur trois colonnes ou piliers, au milieu des ruines de ce temple, devinrent le sujet de la composition des armoiries de la moderne Agrigente, et de l’épigraphe qui les accompagne, signat Agrigentum mirabilis