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gueur. On y admire la voûte merveilleusement décorée de caissons, et de peintures de plus d’un excellent peintre. L’autre partie du bâtiment, où l’on arrive par un escalier qui s’embranche avec le précédent, donne sur la Peschiera, est destinée à des bureaux d’affaires. Il n’y eut réellement d’achevé par Sansovino, que la construction de l’emplacement qu’occupent la bibliothèque, le muséum et l’escalier. Nous aurons occasion de revenir sur ce grand édifice, a l’occasion d’accidens qui y survinrent dans la suite.

Nous ne devons pas oublier toutefois, avant de quitter ce monument, de faire mention d’une prétendue difficulté architectonique, dont Sansovino occupa alors tons les architectes, et dont il crut avoir trouvé la solution. Il l’agit de la frise dorique et de la division uniforme des triglyphes et des métopes, qui en constituent l’ornement. Les Grecs, dans les colonnades doriques de leurs temples, en terminoient les angles, par un triglyphe qui ne tomboit pas exactement à l’aplomb de l’axe de la colonne d’angle ; et ils élargissoient graduellement l’espace des métopes, aux extrémités de la frise. Les Romains ayant beaucoup modifié les proportions et le caractère de l’ordre dorique, au lieu de terminer l’angle de sa frise par un triglyphe, trouvèrent plus analogue à leur nouvelle disposition, d’y établir une demi-métope ; et c’est ainsi que Vitruve l’enseigne, eu se servant du mot semi-métope. Maintenant les architectes modernes et les commentateurs, au lieu d’entendre cette demi-métope dans un sens qui exprimât une mesure approximative, et par le fait, une métope coupée en deux parties égales de chaque côté de l’angle, s’imaginèrent qu’il falloit qu’elle fut dans toute la rigueur mathématique, la moitié précise de la métope courante dans la frise, ce qui ne peut pas être, dès qu’on fait tomber l’angle de l’architrave à l’aplomb du nû de la colonne. Sansovino opérant ici non sur une ordonnance de colonnes isolées, mais sur des demi-colonnes adossées à des piédroits, imagina de donner, non à la colonne d’angle, mais à un pilastre d’angle, le supplément d’un corps en retraite ce qui lui permit d’alonger l’entablement, et par conséquent d’élargir l’espace de sa métope d’angle. Voilà toute la solution de ce problème, dont on fit alors du bruit, mais qui, comme on le voit, ne méritoit ni d’être proposé, ni d’être résolu.

En 1532, le feu avoit détruit une grande partie du palais Cornaro, celui qui donne aussi sur le grand canal, près de Saint-Maurice, et qu’on distingue par ce surnom. Georges Cornaro, procurateur de Saint-Marc, conçut l’idée d’en rebatir un beaucoup plus magnifique, et il en confia l’entreprise à Sansovino, qui fut répondre à ses intentions, par un des plus beaux projets que l’architecture ait exécutés. Aussi lisons-nous dans la description qu’eu donna François son fils, ce peu


de mots qui suffisent à l’éloge de ce palais. « Par sa situation (dit-il), par sa magnificence, sa grandeur, la beauté de ses matériaux, sa construction la justesse de ses proportions, il occupe un des premiers rangs parmi les plus memorables édifices de Venise. » Son plan offre les dégagemens les plus commodes, les distributions les plus variées. Son élévation en trois étages, porte sa masse à une hauteur, qui te fait dominer avec beaucoup de noblesse sur ce qui l’entoure. Les proportions de chaque ordonnance sont fort régulières. On auroit désiré moins de hauteur à entablement de l’étage supérieur. La critique a reproché à Sansovino d’avoir dans son atrium, du côté du grand canal, aminci les murs latéraux, en sorte que le mur de l’étage supérieur se trouve porter à faux dans une partie de son épaisseur. On voit que l’architecte se permit cette infraction aux lois de la solidité, pour faire voir une portion de pilastres d’angle se raccordant avec la retombée des cintres. Mais on pense qu’un architecte du mérite de Sansovino, ne devoit pas avoir besoin de cette ressource défectueuse.

Les beaux ouvrages que cet architecte avoit déjà construits à Venise, propagèrent sa réputation par toute l’Italie. Rome, qui avoit vu naître son talent dans l’architecture, auroit voulu jouir des fruits de son âge mûr, et l’appeloit à la cour du Pontife. De son côté, la ville de Florence, où il avoit débuté dans la sculpture, te sollicitoit pour y venir faire la statue de celui qui lui avoit rendu la liberté, par la mort d’Alexandre de Médicis. Sansovino résista aux instances de toutes ses invitations, et ne songea plus qu’à porter a fin les grandes entreprises commencées à Venise, et a répondre aux espérances que cette ville avoit conçues de son génie.

Bientôt, sur un des côtés du campanile de Saint-Marc, il construisit une loggia destinée à des réunions de nobles vénitiens pour converser ou conférer entr’eux. Ce petit édifice est un peu élevé au-dessus du niveau de la place : par quelques degrés, on arrive à une petite terrasse environnée d’une balustrade dans ses trois côtés. De la s’élève la façade ornée de huit colonnes d’ordre composite, engagées dans le mur, et qui soutiennent un entablement continu. Trois grandes arcades s’ouvrent dans les trois plus grands entrecolonnemens. C’est par elles qu’on passe, pour monter dans la grande salle. Les quatre autres entre-colonnemens sont plus étroits, et reçoivent des niches fort ornées. Au-dessus, el à l’aplomb des arcades, est un attique orné de bas-reliefs en compartimens, qui, par leurs mesures, correspondent exactement aux divisions de l’étage inférieur. Le tout est couronné par une balustrade, qui règne sur les trois côtés de l’édifice, construit des plus beaux marbres, et décoré de statues et de bas-reliefs de la plus belle exécution. Le projet avoit été