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périodique, dans les moyens fournis à l’artiste par ce mélange, d’éviter l’ennui de l’uniformité, et de procurer la variété que l’œil recherche, y a-t-il, dis-je, dans le résultat de toutes ces combinaisons, une espèce d’ordre ou d’arrangement, qui permette d’en considérer les effets comme analogues, pour l’œil et l’esprit, aux effets résultant pour l’esprit et l’oreille, de l’ordre des sons employés selon toutes les variétés que leur sait éprouver le rythme ? Eh bien, si l’on est forcé d’en convenir, cet ordre ou cet arrangement de formes et de lignes, on l’aura, par une transposition d’idée sort naturelle, appelé rythme ; el selon que cet ordre sera parvenu à être agréable, on l’aura appelé beau, excellent. L’architecture aura eu, par suite de la métaphore, son eurythmie, qualité, comme on voit, très-distincte de la symetria ou proportion, telle qu’on est forcé de l’entendre.

Dans le sait, la définition que Vitruve a donnée de l’eurythmie, sans pénétrer jusqu’au fond de l’idée, ne contient rien qui combatte notre analyse. Le développement que nous donnons à cette notion, ne renferme rien, non plus, qui soit étranger à sa définition, laquelle, comme on l’a vu, n’exprime et ne donne à entendre, qu’une idée de beauté et d’agrément, dans l’aspect produit par la dispostion des membres d’un édifice, commodus in compositionibus membrorum aspectus. Le tout repose sur un accord de hauteur, de largeur, de longueur dans les membres, altitudinis ad latitudinem, latitudinis ad longitudinem, lequel répond à l’ensemble de la proportion générale, ad summam suœ symetriœ respondeant.

Par ces mots, accord réciproque dans les membres, de hauteur, de largeur et de longueur, Vitruve me paroît avoir spécifié précisément l’objet du rythme architectural, qui ne peut s’exercer et se faire sentir, que sur les dimensions des membres el les mesures des formes. Ce sout les différences et les mélanges de mesure, qui donnent le mouvement aux compositions de l’architecture.

Prenons pour exemple la modénature d’un entablement. Supposons (en laissant de côté les raisons qui en établissent les grandes divisions) que les dix ou douze membres, ou profils qu’on y compte, au lieu d’être de mesures différentes, fussent uniformément rangés chacun dans une hauteur égale, et sans aucune variété de saillie (on peut s’en former l’idée dans plus d’un monument égyptien, qui se termine ainsi, par une rangée de tores, ou de plates-bandes tout-à-fait uniformes). Cette répétition de formes toutes égales, et leur continuité, ne produiront-elles pas pour les yeux, la même impression d’indifférence, que la répétition et la continuité du même son, à intervalles toujours égaux, produisent pour l’oreille ? Mais que les membres ou les profils de cet entablement viennent, selon divers motifs, à se ranger dans un ordre de hauteurs et de mesures toutes différentes, et à se placer les uns au-dessus des autres,


avec des saillies inégales, qui produiront des effets de lumière et d’ombre différens, on voit tout de suite, que notre œil éveillé par cette diversité d’espaces, trouvera du plaisir à en comparer les mesures, et que l’esprit éprouvera cette impression de mouvement, que les modulations du rythme sont éprouver dans le chant.

Mais c’est la juste correspondance de hauteur, de largeur, de longueur des membres entr’eux (selon les paroles de Vitruve), qui forme l’excellence du rythme, ou l’eurythmie architecturale. Ici en effet, comme dans sa musique et la poésie (et on l’a déjà dit), les rapports de mesure peuvent être plus ou moins bien gradués. Les tores, les profils qui constituent les divisions d’une base de colonne, d’un chapiteau, d’un chambranle, d’un fronton, ont des rapports de hauteur, de largeur, non-seulement entr’eux, mais encore avec la colonne, le chambranle et le frontispice, dont ces membres font partie, et peuvent leur communiquer plus ou moins de lourdeur et de légèreté, rendre leur aspect plus ou moins agréable.

Enfin, il est évident que l’eurythmie entendue comme modulation des profils et des membres d’un édifice, comme consistant dans cette juste correspondance des rapports de hauteur, de largeur, de longueur, dont parle Vitruve, s’appliquera de même aux grandes parties d’un édifice, aux rapports généraux de ses grandes divisions, à la correspondance plus ou moins heureuse de la hauteur de la masse extérieure, et à la corrélation de la largeur d’un intérieur, avec sa longueur. On peut parcourir toutes les formes qui entrent dans les compositions de l’architecture, les portiques, les arcades, les cintres, les niches, les portes, les pleins et les vides, partout on verra qu’il peut y avoir un ordre de rapports dans les espacemens de chaque objet. On verra que cet ordre, selon qu’il paroîtra ressembler, plus ou moins, à celui que produit la beauté du rythme musical, dans la succession des sons, la mesure des temps et la justesse des mouvemens, présentera aux yeux un aspect plus ou moins agréable.

Cependant, de quelque manière qu’on définisse ou qu’on développe la notion de l’eurythmie, et son application aux œuvres de l’architecture, on doit reconnoître que cette notion n’a ni en elle-même, ni dans son application, une base aussi simple, aussi claire, aussi positive, que celle de la symétrie (ou proportion), qui, comme on l’a dit, repose sur cette imitation puisée dans l’organisation du corps humain, où le tout et chaque partie peuvent se servir réciproquement démesure.

Et voilà, encore un coup, la différence qui sépare l’eurythmie de la symétrie, et qui établit une dissemblance sensible dans la notion élémentaire de chacune.

Mais voici d’où procède la confusion qu’on en sait si facilement. C’est que l’une et l’autre qualité consiste en rapports, et en rapports dont le but