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suivent dans Vitruve, preuve qu’il n’a point regardé les deux mois comme contenant la même nation ; leur définition ensuite nous présente des idées fort distinctes.

Et effectivement, la symetria ou la proportion, telle que Vitruve l’explique, telle que le mot la définit, trouve dans la nature un type positif, un régulateur uniforme, dont on ne sauroit méconnoître l’évidence ; c’est celui qui assujettit chaque partie au tout par une correspondance réciproque et telle, que la partie fait connoître la mesure du tout, comme le tout, la mesure de chaque partie.

Mais l’eurythmie telle que Vitruve l’explique, telle que le mot même semble la définir, étant simplement un agréable rapport de mesures, d’espaces, ou d’intervalles, dans tes membres de l’architecture, ou d’un édifice, n’a point, dans la nature, de type aussi positivement applicable à l’ordre qu’elle doit suivre.

En un mot, le compas peut juger de la justesse des rapports de la symetria (ou proportion) ; quant à la justesse du rapport rythmique, l’œil n’a pour en juger, que le goût et le sentiment du beau.

Remarquons en effet, que le mot eurythmie l’indique ; il ne signifie que beauté de nombre ou de rythme. C’est qu’effectivement, tout rythme n’est pas nécessairement beau. Il y a en musique de bons et de mauvais rythmes ; c est-à-dire qu’il peut y avoir un bon et un mauvais emploi dans le chaut, comme dans la versification, des langues et des brèves, des intervalles des sons, de la succession des mouvemens vifs et lents, d’où résulteront des effets agréables ou non. De même, dans l’architecture, certaines répartitions d’espaces, certaines divisions de parties, certaines successions de membres ou de profils, produiront des impressions plus ou moins agréables. Mais, comme on l’a vu, Vitruve ne propose, à cet égard, ni exemple, ni modèle, ni règle ; et dans le fait, il n’y aura d’autre règle, que celle qui se fondera sur l’expérience des sensations, que les ouvrages de la nature et ceux de l’art nous font éprouver.

L’eurythmie reste donc dans le domaine de la théorie du goût.

Il n’en est pas ainsi de la symétrie, ou de la proportion, considérée dans sa nation élémentaire et théorique. L’assimilation des rapports réciproques du tout à chaque partie, dans le corps humain, nous présente une idée fixe et une règle évidente, de ce que peut être un édifice pour nous plaire, de la manière dont l’œuvre de la nature nous plaît : non que cela signifie, que tout rapport indistinctement emprunté à tous les corps, doive produire un heureux effet. On sait que la nature elle-même produit des exceptions à sa règle, c’est-à-dire des défectuosités. Ainsi peut faire l’architecture. Mais, je le répète, il ne s’agit


que de l’idée et de la notion de symétrie (on proportion). Or, il n’y a pas d’idée plus claire, de notion plus distincte.

Je pense donc que Perrault s’est trompé, en prétendant qu’eurythmie et symétrie sont deux synonymes. « Tous les interprètes (dit-il) ont cru que l’eurythmie et la proportion que Vitruve appellesymétrie, sont ici deux choses fort différentes, parce qu’il semble qu’il en donne deux définitions ; mais ces définitions, à le bien prendre, ne disent que la même chose, l’une et l’autre ne parlant, par un discours également embrouillé, que de la convenance, de la correspondance, et de la proportion que les parties ont au tout. »

Galiani, tout en reprochant á Perrault d’êtres tombé dans l’erreur, lorsqu’il regarde l’eurythmie et la symétrie comme deux synonymes, me paroît avoir établi leur distinction sur une signification abusive du mot eurythmie, faute d’être remonté à l’idée primaire de ce mot. Il ne pouvoit pas se tromper sur le sens de symétrie dans Vitruve ; aussi dit-il fort bien, que la symétrie n’est pas un rapport de situation entre les parties, mais un rapport de quantité de chaque partie. Mais voici comment il explique l’eurythmie. L’eurithmia e quella che insegna l’eguale distribuzione de membri di un édificio, accioche facciano grato aspetto. Ainsi, d’après cette explication, l’eurythmie ne seroit que ce qu’on appelle vulgairement, en français, symétrie, c’est-à-dire la parité ou la répétition identique des parties ou des membres, d’un côté comme de l’autre d’un édifice : notion sort différente de celle que présente Vitruve, et que présente le sens même du mot, à consulter son origine et sa formation.

D’où vient cette confusion d’idées ? Je l’ai déjà dit. C’est que la notion de rythme, notion essentielle et positive dans la musique et la poésie, n’est, à proprement parler, qu’une métaphore en architecture, puisqu’on a ainsi transporté l’idée d’ordre, d’intervalle, de succession des sons, de lenteur ou de vitesse des mouvemens pour l’oreille, à l’idée d’ordre, d’espaces et de succession des formes, pour les yeux et pour le plaisir de la faculté visuelle.

Mais cet ordre rythmique, pour être nommé et désigné dans l’architecture par un mot d’emprunt, n’y en existe pas moins. Le goût et le sentiment du beau ne sauroient hésiter à l’y reconnoître, comme aussi l’analogie et la justesse de la comparaison, qui lui a transporté l’idée et le nom de rythme.

Y a-t-il en effet, dans l’emploi des matières, des formes, des lignes, des contours, des espaces, des saillies, ou des épaisseurs, des ornemens, des détails enfin de l’architecture, et y a-t-il dans leur continuité, dans leur répétition, dans leur succession, dans les variétés que cette succession y produit, dans leur retour plus ou moins