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naturel, et tout doit devenir sa proie. Si l’on ajoute à ce principe de ruine, les causes innombrables qui travaillent à accélérer toute destruction, les fléaux naturels, les guerres, les révolutions, les vicissitudes politiques qui changent la face des Empires, loin d’attribuer au manque de solidité, l’état de dégradation dans lequel se trouve le plus grand nombre des édifices antiques, on y verra au contraire la preuve la plus convaincante, qu’ils surent doués de ce mérite, à un très-haut degré, puisque la réunion de tous les élémens de destruction, n’a pu les faire disparoître.

Ce mérite se découvre plus clairement encore, dans ceux de ces monumens que le hasard seul a conservés, ou que quelques causes particulières à leur destination auront préservés, Il en existe, comme on sait, soit à Rome, soit en d’autres lieux, qui ont à peu près deux mille ans d’antiquité, et où l’on ne trouve d’autre marque de vétusté, que celle d’une teinte rembrunie ; et toutesons sans qu’on en ait pris le moindre soin. Cependant, en dépit même de tous les accidens qui ont pu les atteindre, ils promettent de transmettre encore à bien des siècles futurs, les leçons de solidité, que des ouvrages beaucoup plus modernes n’ont pu même faire passer jusqu’à nous.

Ce goût pour la solidité semble avoir été toujours en diminuant, depuis les temps qu’il faut appeler antiques. Les édifices du moyen âge ne sauroient soutenir le parallèle avec ceux des siècles précédons ; et si l’on excepte quelques ouvrages de l’art de bâtir, des deux premiers siècles du renouvellement des arts, siècles où les mœurs, les opinions et le goût des particuliers, ramenèrent dans l’érection des palais le luxe de la solidité, on ne sauroit présager une longue durée au plus grand nombre des constructions de cet âge.

Que seroit-ce, si l’on vouloit examiner sous ce rapport le goût du temps où nous vivons, c’est-à-dire sous le rapport des opinions et des mœurs, qui ont une influence si particulière sur les moyens d’où résulte la solidité. On ne sauroit nier que la solidité bien entendue ne soit ou ne puisse être, selon les différences du but qu’on se propose, tantôt économique, tantôt dispendieuse. Elle est une économie, dans les édifices qu’on destine à être d’une longue durée, puisqu’elle rend inutiles les réparations, les refaçons, les remaniemens qu’une construction débile amène nécessairement après un petit nombre d’années, puisqu’elle éloigne le plus qu’il est possible le besoin de les reconstruire. Elle économise dune pour l’avenir. Mais par cela même elle est dispendieuse pour le présent. Ainsi on bâtira avecsolidité ou sans solidité, selon qu’an gré des mœurs et des opinions régnantes, un principe plus ou moins égoïste bornera à la jouissance du moment, ou é’endra à celle des temps futurs, les entreprises de Part de bâtir.

Le mépris de la solidité, on la recherche des


moyens économiques, tient encore, en raison des pays et des temps, à certaines causes, parmi lesquelles on peut distinguer quelquefois le manque des matériaux, que la nature ne dispense pas également partout ; quelquefois cette grande division des fortunes entre les particuliers, qui prescrit au plus grand nombre l’épargne des matières et des procédés ; quelquefois l’esprit de commerce et d’industrie, qui ne calcule dans la construction des habitations, que le revenu de leurs locations ; quelquefois les systèmes de gouvernement, d’où résulte, entre tous, cette sorte d’égalité apparente, qui trouve plus de facilité à se manifester dans l’économie, que par la dépense des bâtimens.

Or, toutes ces causes, et beaucoup d’autres, réagissent également sur la construction des monumens publics, parce qu’il est très-naturel, que ce qu’on appelle l’esprit public d’un peuple, se compose des habitudes et des opinions particulières. Lorsque le sentiment qui dirige les habitudes, se concentre dans les jouissances personnelles, et dans celles du présent, les dépenses publiques, qui ne se sont qu’aux dépens des contributions particulières, éprouvent bientôt cette action des calculs de l’intérêt, qui met, avant toute autre considération, celle de l’économie. Le premier point de vue qui se présente aux ordonnateurs, est le point de vue de la dépense. Alors la première condition qu’on impose à l’architecte, n’est point de faire ce qu’il y a de mieux, mais ce qui coûte le moins. Cependant comme la grandeur, cette qualité pricipale des monumens, ne sauroit avoir lieu, prise dans le sens positif de dimension, sans de dispendieuses fondations, sans un emploi de matériaux choisis, sans de longues et profondes combinaisons, qui exigent un laps de temps considérable, et un grand concours de moyens, l’esprit d’économie trouve plus expédient de se déterminer pour les projets d’une moindre dimension. De là le rapetissement de toutes les compositions ; de là le rabais sur tout ce qui peut garantir aux édifices une longue durée, et perpétuer en ce genre la gloire d’un pays.

Nous n’avons voulu, par ces considérations, que faire comprendre, quelle est, sous le point de vue moral, et dans ses rapports politiques avec l’architecture, l’importance de la solidité.

Nous nous croyons dispensés d’en recommander le mérite, dans ses rapports techniques et positifs avec les travaux de cet art. Du reste on ne doit pas non plus s’attendre à trouver ici on traité, ni un ensemble des lois de la solidité. Tout ce qui composeroit cet ensemble se rencontre à tons les articles de construction qui sont partie de œ Dictionnaire, et nous y renvoyons le lecteur.

On se bornera, dans cet article, à l’exposé succinct des principaux élémens pratiques de la solidité.

Il faut mettre en première ligne de ces élémens,