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mettre au jour cette production mutilée, que la mort ne lui permit pas de compléter.

Si Scamozzi, comme il y a lieu de le croire, par l’importance qu’il mit à cette œuvre, fonda sur son exécution, un de ses premiers titres à la renommée, il lui est arrivé, comme à beaucoup d’autres, d’être aveuglé. ; par, la vanité, sur la nature propre de son mérite, La postérité n’a point du tout ratifie l’opinion qu’il s’étoit faite du succès d’une entreprise, qui étoit beaucoup au-dessus de ses forces. Il est extrêmement difficile de soutenir la lecture de cet ouvrage, mélange très confus d’une multitude de notions, de faits, d’observations, de détails prolixes, qu’il eût été nécessaire de soumettre à un ordre tout autrement méthodique. D’Aviler nous semble en avoir très-bien jugé, et il a rendu à Scamozzi un vrai service, dans l’abréviation qu’il a faite de la partie de son ouvrage qu’on peut regarder comme classique ; je veux parler de son sixième livre, qui traite des ordres, et dont il jugea encore nécessaire de supprimer beaucoup de choses superflues.

« On n’a pas jugé à propos (dit-il) de traduire tout entier le sixième livre, qui contient les ordres, ni aussi d’en extraire seulement le sens, et faire d’autres discours, parce que, si d’un côté on a voulu éviter ta prolixité, de l’autre on n’a voulu rien mettre que ce qu’a dit Scamozzi. On sait que tout ce qu’on a retranché est fort beau, mais aussi qu’il est fort peu convenable au sujet, telles que sont quantité d’histoires et de fables, tout ce qui regarde la géographie ancienne, et les raisonnemens de physique et de morale, qui sont de pure spéculation, et pour entretenir tout autres gens que ceux de sa profession. Mais lorsqu’il a fallu expliquer ce qui étoit purement d’architecture, on a suivi l’auteur mot à mot, comme dans la description du chapiteau ionique, dans les manières de diminuer les colonnes, et dans plusieurs autres choses. » « Ce qu’il y a de plus remarquable dans l’architecture de Scamozzi, c’est qu’elle est fondée sur les raisons les plus vraisemblables de la nature, sur la doctrine de Vitruve et sur les exemples des plus excellens édifices de l’antiquité Sa manière profiler est géométrique, mais elle est si contrainte par les figures dont il se sert pour décrire les moulures, que la grâce du dessin n’y a presque point de part, ce qui a donné à cet auteur la réputation d’avoir une manière sèche, qui provient de la quantité des moulures qui entrent dans ses profils, dont il y en a plus de rondes que de carrées, et de ce qu’elles ne sont pas mêlées alternativement, ainsi qu il est nécessaire, pour les rendre plus variées ; joint que ces moulures ainsi tracées seulement par les règles de la géométrie, n’ont qu’un même contour, quoiqu’elles le doivent changer, selon le lieu d’où elles sont vues, et les différens ordres où elles sont employées. »

« La méthode dont il divise chaque membre, paroît d’abord embarrassée ; mais lorsqu’on y fait réflexion, et qu’on y est accoutumé, elle est assez facile et d’un grand usage, pour trouver l’harmonie dans les proportions. Celle méthode est que, pour le général, il se sert du diamètre inférieur de la colonne, divisé en soixante parties, comme ont fait Palladio et plusieurs autres ; mais pour le détail de ses moulures, il se sert d’un dénominateur, c’est-à-dire qu’il prend un membre, dont la grandeur règle la hauteur des autres, par celle même grandeur multipliée pour les plus grandes, et subdivisée pour les plus petites. »

On ne saurait refuser à Scamozzi d’avoir été un des plus savans architectes des temps modernes, et on doit le placer parmi le petit nombre de ceux qui ont fait autorité dans leur art, autant par leurs exemples, que par les leçons qu’ont données leurs écrits. Le grand Blondel, ayant à choisir, ainsi qu’il le dit, parmi les modernes, les trois architectes qui nous ont laissé les préceptes les plus conformes à la beauté des anciens édifices, et qui ont l’approbation la plus universelle, a concentré son choix sur Scamozzi, Vignole et Palladio. On remarque même qu’outre cet honorable témoignage, il lui donne encore souvent le pas et la préférence sur tous.

D’Aviler a donc rendu un service à l’architecture, par l’extrait qu’il fit du traité des ordres de Scamozzi, et en séparant cette partie vraiment classique, de ce volumineux amas de notions, dont personne ne soutiendroit aujourd’hui la lecture. Un ingénieur hollandais, Samuel du Ry, suivant l’exemple de d’Aviler, se plut encore à recueillir, d’une manière fort abrégée, quelques notions de ses autres livres, qui sont d’une application pratique à la construction, mais surtout les dessins, accompagnés de descriptions, d’un fort grand nombre de palais et d’édifices ou construits ou projetés par Scamozzi, et que cet architecte avoit insérés dans son ouvrage, comme exemples propres à justifier sa théorie.

Scamozzi s’étoit familiarisé, par l’étude de Vitruve, aux recherches d’antiquité, qu’un architecte lettré peut faire chez les écrivains latins. Ainsi nous trouvons de lui des dissertations appuyées d’exemples, et de faits puisés dans l’histoire ancienne, sur les habitations des Grecs et des Romains, et accompagnées de plans et d’élévations propres à faire comprendre ce que les descriptions écrites ou verbales des monumens ne sauroient souvent faire deviner. Nous ne dirons pas que sa dissertation sur les Scamilli impares de Vitruve ait éclairci entièrement, ce que ces mots auront peut-être toujours d’obscur, saute d’autres passages, où l’emploi des mêmes termes en fournisse une application plus distincte. Mais ce genre de