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quité la disposition de la scena selon les usages du théâtre antique.

Une grande construction étoit alors en projet à Venise, et occupoit tous les esprits. Il s’agissoit de remplacer en pierre, le pout de bois qui unissoit les deux parties de la ville que divise le grand canal. Les plus habiles architectes avoient, depuis long-temps, exercé leur talent sur un projet, dans lequel il convenoit qu’un ouvrage d’utilité publique, devînt un monument du goût de la ville qui en saisoit les frais. Mais les circonstances politiques avoient épuisé les ressources de la république, et la construction du pont de Rialto avoit été renvoyée à des temps plus tranquilles. Scamozzi fut enfin invité a présenter ses idées. Il fit deux dessins, l’un d’une seule arche, l’autre de trois. Il paroît que l’économie donna la préférence au projet d’Antonio del Ponte. Quoi qu’il en soit, Scamozzi dans son Traité d’architecture, et encore ailleurs, réclama l’honneur d’avoir donné le projet du pont actuel. Plus d’une sorte d’autorités rapportées par Temanza détruisent cette prétention.

Scamozzi éprouva un plus grand désagrément dans l’entreprise du monastère et de l’église de Santa Maria della Celestia, que l’explosion et l’incendie de l’arsenal, en 1569, avoient obligé de rebâtir. Un très-beau projet avoit été adopté par les religieuses. Scamozzi s’y étoit proposé une imitation du Panthéon de Rome. On ne sauroit dire quelles disficultés et quelles intrigues en arrêtèrent l’exécution. L’édifice en étoit arrivé à l’entablement du second ordre. Il fut interrompu, et après plusieurs années de débats et de contradictions, le tout fut détruit.

Notre architecte fut plus heureux auprès de Vespasien Gonzague, duc de Sabionetta, qui lui fit construire un théâtre dans le genre de celui de Vicence, c’est-à-dire dans le système des théâtres antiques. C’est là qu’il fut se montrer digne successeur de Palladio. Mais son ouvrage n’eut pas l’avantage de se conserver, et l’on n’en a l’idée que par les dessins qu’il a laissés.

Le sénateur Pierre Duodo, personnage aussi recommandable par ses grands services, que distingué par ses connoissances et son goût, avoit une amitié particulière pour Scamozzi. Envoyé en Pologne pour présenter au nouveau roi Sigismond les hommages de la république, il invita notre architecte à l’accompagner dans ce voyage. C’étoit une heureuse occasion pour lui d’étendre ses idées, de multiplier les connoissances, dont il avoit besoin pour le grand ouvrage, dans lequel il s’étoit proposé de faire une sorte de traité général, et en même temps d’histoire complète de l’architecture et des monumens de tous les pays. Scamozzi accepta donc avec empressement la proposition de ce voyage, dans lequel il visita un grand nombre des principales villes de l’Allemagne.


De retour à Venise, il bâtit pour son illustre protecteur un palais, près de Santa Maria Giubanico, où il prouva qu’on peut exprimer, dans le style le plus simple, le caractère de majesté et de grandeur qui convient à l’habitation d’un grand. Ce fut encore là qu’il fit montre de ce talent qui avoit distingué ses premiers essais, en tirant d’un site ingrat un parti heureux, et faisant sortir d’un espace étroit, l’aspect d’une grande masse. On ne sait ce qui empêcha qu’il ait exécuté sur le grand canal le projet d’un palais pour le cardinal Frédéric Cornaro. Ce palais devoit saire pendant à celui du même nom, que Sansovino avoit construit pour la même samille. Le dessin qu’il nous en a conservé, dans son Traité d’architecture, part, 1, pag, 245, ajoute aux regrets des amateurs de la belle architecture. Mais il est dans la destinée de cet art, que les plus grandes choses éprouvent les plus grandes contradictions. Trop heureux sont les talens qui peuvent arriver à se produire dans des monuments dignes d’eux, c’est-à-dire dont la grandeur et l’importance promettent une longue durée à leurs ouvrages et à leur renommée.

Scamozzi eut enfince bonheur ; car lorsqu’il s’œcupoit à bâtir, sur la terre ferme, de charmantes habitations, près de Castel-Franco, pour les frères Jean et Georges Cornaro, à Loregia pour Jérôme Contarini, Venise le réclama tout entier pour achever les salles du Muséum, el les nouvelles Procuraties de la place de Saint-Marc.

Dans le premier de ces ouvrages il fit preuve d’une rare intelligence ; car il avoit à lutter contre des irrégularités produites par des dispositions antécédentes, qui avoient fait négliger d’établir entre les ouvertures de ce local une correspondance symétrique. Toutefois il parvint à y faire régner avec beaucoup d’accord, une ordonnance en pilastres corinthiens, et l’inégalité d’espace eu certaines parties y est dissimulée avec tant d’adresse, qu’il faut, pour s’en apercevoir, une attention dont le commun des spectateurs est incapable. Quant à la disposition interne du local, dans son rapport avec les objets de sculpture qu’il devoit mettre en évidence, on convient qu’il étoit disficile d’en imaginer une mieux appropriée à son objet. L’esparce partagé en trois allées dans la longueur de la salle, par des massifs dont la hauteur répond à celle du soubassement de l’ordre, a donné lieu de multiplier les objets d’art, et de les exposer commodément à la vue des amateurs.

Dès l’année l582, Scamozzi avoit été choisi pour la continuation des travaux commencés par Sansovino, sur la place qui regarde le palais ducal. Bientôt il embrassa un plan beaucoup plus vaste. La place Saint-Marcn’ avoit alors de construit qu’un des grands côtés actuels. C’est celui qu’on appelle le bâtiment des Procuratie vechie, élevé depuis déjà quelque temps par l’architecte Buono : car il en fut de cette belle place, comme de presque toutes les grandes choses en architecture ; rare-