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porté et érigé, dans la ville d’Arles en Provence, l’obélisque placé aujourd’hui sur sa place publique.

Lorsque les Romains furent maîtres de l’Égypte, ils dûrent voir avec envie des monumens dont la proportion leur parut conforme à la grandeur de leur Empire et de leur ambition. Il paroît qu’ils ne tardèrent pas à user de leur droit de conquête, c’est-à-dire, de rapine, sur le pays qu’ils avoient enfin subjugué. Nous lisons sur la base de l’obélisque du cirque Flaminien (aujourd’hui de la Piazza del popolo à Rome) qu’Auguste, dans la douzième année de son règne, après avoir réduit l’Égypte sous la puissance du peuple romain, consacra ce monument au Soleil. Au bas de l’obélisque érigé aujourd’hui au milieu de la place de Saint Pierre, on lit une inscription qui porte que Tibère l’avoit consacré à Auguste. L’histoire de ces monumens, à Rome, nous montre que les empereurs ne cessèrent point d’embellir leur ville de ces ouvrages, soit qu’ils aient enlevé d’Égypte ceux qui en décoroient les édifices, soit, comme cela n’est pas invraisemblable, qu’ils y en aient fait tailler de nouveaux dans les carrières de Sienne, ce qu’on a soupçonné particulièrement à l’égard de ceux de ces monumens qui sont lisses ou sans hiéroglyphes.

Il ne paroît pas que, chez les Romains, l’obélisque soit entré dans les projets de l’architecture comme partie accessoire des monumens, c’est-à-dire, liée plus ou moins à leur décoration. En Égypte, il participoit au système général des masses des edifices ; il s’associoit à leurs proportions ; il étoit en tout d’accord avec leur style et leur goût. À Rome, ces masses étrangères par leur forme et leur matière à l’architecture et au genre de bâtir en usage, ne présentoient encore dans leurs signes hiéroglyphiques, inintelligibles au peuple, rien qui pût en rendre l’emploi nécessaire. Ils ne furent donc regardés que comme les productions curieuses d’une industrie gigantesque ; et ce qu’on dut y priser, après les avoir considérés comme des trophées de victoire, dut s’appliquer à la grandeur de la masse, à la dureté de la matière.

L’emploi le plus ordinaire que les obélisques reçurent à Rome, fut d’orner les cirques. Ces monumens (voy. Cirque) offroient entre les gradins dont ils étoient bordés dans leur longueur, une arène ou un grand espace, divisé en deux allées par un massif relevé qu’on appeloit spina, parce qu’il régnoit sur toute cette longueur comme l’épine dans le corps d’un poisson. Cette spina recevoit toutes sortes de monumens en trépieds, en statues, en autels, et c’étoit à une de ses extrémités qu’était placée la borne.

Les obélisques de l’Égypte trouvèrent sur ce massif une place très- favorable à leur effet, et contribuèrent singulièrement à l’embellissement des cirques. On y en plaçoit ordinairement deux, un


grand et un petit. Le grand étoit terminé au-dessus de son pyramidium par un globe de bronze doré, parce qu’il étoit consacré au soleil. Le petit avoit à son sommet un disque d’argent, et il étoit consacré à la lune.

Indépendamment de l’espèce de soubassement formé par la spina, les obélisques qu’on y dressoit posoient encore sur des piédestaux ornés de moulures et presque toujours d’un seul bloc de granit rouge, taillé dans les carrières de Sienne. C’est là un des motifs qu’un a de croire que les Romains auroient bien pu y exploiter aussi des obélisques.

Nous trouvons qu’un autre genre d’emploi fut affecté par Auguste à un obélisque égyptien qu’il fit dresser dans le champ de Mars, et auquel il donna pour destination d’être un gnomon ou cadran solaire. Pline, qui en parle assez en détail, nous apprend qu’il étoit placé sur un vaste plateau dressé et nivelé. À son sommet il avoit un globe de bronze doré, qu’on appeloit pyropum : le plateau étoit en marbre blanc. On y avoit tracé des lignes incrustées en bronze ; elles indiquoient les différentes projections que devoit parcourir l’ombre du gnomon. Il paroît qu’on avoit joint á l’usage de cadran dans ce monument, la propriété du calendrier : on voyoit effectivement tracées sur le plateau les indications des jours, des mois, des saisons et des équinoxes. Si l’on en croit Nardini, les différentes positions du ciel et l’étoile des vents s’y seroient aussi trouvées figurées. Cet antiquaire rapporte (Lib. 6°.) que de son temps, sur l’emplacement de l’ancien champ de Mars (près san Lorenze in Lucina), on trouva des règles de bronze doré incrustées dans de grandes pierres carrées, avec une inscription en mosaïque où on lisoit : Boreas spirat.

Tous les obélisques que les Romains trausportèrent d’Égypte sont de granit, et furent tous d’un seul bloc ; la seule exception qu’on connoisse à cet égard est à Constantinople. Un de ceux qu’on y voit encore, et qui était placé dans l’hippodrome, fut construit de plusieurs assises régulières, et revêtu en bronze.

Il n’entre point dans notre sujet de dire ni de quelle manière les obélisques furent transportés d’Égypte à Rome, ni de quels procédés on usa pour les mouvoir et les ériger. Il est fort à présumer qu’on dut se servir des moyens certainement fort anciens, des poulies de renvoi, des cabestans dont usa Fontana (voyez ce nom) pour élever l’obélisque de Saint -Pierre. Sur le piédestal du l’obélisque de Constantinople, le seul resté debout de tous les obélisques transférés par les Romains dans leur empire, on voit un bas-relief sur lequel sont représentés des hommes occupés à mouvoir des cabestans pour ériger un obélisque armé de pièces de bois. C’est très-probablement à l’érection de cet obélisque même que s’applique la représentation du bas-relief. Malheureusement l’exécution en est si barbare, qu’on ne peut guère


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