Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/349

Cette page n’a pas encore été corrigée
SAN SAN 341


l’art de bâtir, qui depuis se sont isoléeè, et que mous voyons aujourd’hui divisées entre plusieurs professions, sans contact les unes avec les autres. Ce qu’on appelle le génie militaire, le savoir de l’ingénieur civil, celui des routes et des ponts, l’art même de tracer des jardins, semblent être aujourd’hui des arts qu’il seroit interdit de pratiquer ensemble, avec celui de l’architecture proprement dite. Nous n’entrerons point dans les raisons qui ont pu faire aux gouvernemens modernes la loi de séparer, par des institutions distinctes, l’exercice de toutes ces parties d’un même art ; mais no ne pouvons nous empêcher de faire remarquer le résultat de cette distinction, dans l’exercice et la pratique de chacune de ces branches.

Il devoit en arriver ce que nous voyons qui arrive effectivement, au grand détriment de l’architecture. C’est que les uns, livrés uniquement à la construction, à ses procèdes pratiques, et au matériel de l’art, ne portent plus, dans ce qu’ils bâtissent, ni goût, ni sentiment des belles proportions, ni aucune idée de richesse décorative, tandis que les autres, bornés trop souvent aux spéculations de l’architecture, en dessins et en projets, restent presqu’étrangers à ces notions positive de la construction, que la pratique seule fait acquérir.

L’exemple de Sanmicheli, à la fois ingénieur civil et militaire, en même temps qu’architecte, va nous montrer l’accord de toutes les parties de la science et de l’art, dans ses ouvrages, et l’appui qu’elles se prêtoient. Nul ne fut plus grand constructeur dans ses monumens de pure architecture ; nul ne fut mieux faire entrer le charme de l’architecture dans des travaux de pure construction.

C’est ce qu’il pratiqua avec un rare succès, dans les portes d’entrée des bastions et sortifications des murs de ville. Le maréchal de Vauban enseigne, avec tous les ingénieurs modernes, que les portes doivent être placées dans le milieu des courtines, entre deux bastions, et qu’elles doivent servir en même temps de cavalier. Longtemps auparavant, Sanmicheli avoit établi ce principe, et l’on en trouve les résultats dans tous ses ouvrages. Témoins les portes de Vérone, aussi recommandables aux yeux de l’ingénieur, qu’à ceux de l’architecte.

La porta nuova, la première qu’il fit construire, est un édifice carré, dont l’intérieur est soutenu par plusieurs rangs de gros piliers de pierre de taille. Il y a des corps-de-garde, des pièces pour l’artillerie et tous les engins militaires, le tout disposé avec autant de goût que de noblesse. Les deux faces sont ornées d’un ordre dorique, dans les plus belles proportions. Tout y a un caractère grave et robuste, tel que le comporte un semblable monument. La façade extérieure a son mur embelli de deux pyramides de marbre engagées,


et qui s’élèvent du fond du fossé. Les deux extrémités de la saçade intérieure communiquent à deux galeries voûtées, par où l’on descend dans les souterrains. Deux escaliers fort ingénieux sont pratiqués aux angles du bâtiment, qui est couvert de dalles de pierre, en recouvrement l’une sur l’autre. Le tout est surmonté d’une sorte de loggia, soutenue par de petits piliers de pierre, pour couvrir les soldats et les munitions de guerre.

On jugea dans le temps, qu’il ne se pouvoit rien imaginer de plus parsait que l’ensemble architectural de cette porte. Sanmicheli prouva, peu de temps après, le contraire, dans ta construction de la porta del Palio. Elle est en marbre blanc, et décorée d’un ordre dorique. On y compte en dehors huit colonnes cannelées, d’une hauteur considérable et d’un seul bloc. Cet édifice ‘renferme de vastes chambres pour les soldats, et de grandes pièces pour contenir les munitions nécessaires. Du côté de la ville, s’élève une grande galerie, dont les murs sont intérieurement en bossages avec pilastres, au dehors en colonnes d’ordre dorique, sans base, engagées dans la façade de la moitié de leur diamètre. Un bel entablement dorique règne tout alentour, et couronne l’ensemble de la construction. Celte porte plaisoit tellement à Sforce Pallavicini, général des troupes vénitiennes, qu’il prétendoit qu’en Europe on ne citeroit pas un plus bel édifice.

On doit aussi faire mention de la porte de Saint-Zénon, composée par Sanmicheli dans un style sévère et riche tout à la fois. C’est encore un monument quadrangulaire, orné de colonnes doriques, réparties sur des montans en bossages. Quoique belle et d’un très-beau genre, elle est inférieure aux deux dont on vient de parler.

Nous renverrons, au reste, le lecteur qui voudroit avoir plus de détails sur ces beaux ouvrages de Sanmicheli à la Verona illustrata de Massei, qui s’est plu à en donner des descriptions trèsétendues. Nous n’avons cité quelques-uns de ces travaux de l’art de la fortification des places, embellis par le goîit des plus nobles compositions, que pour faire voir comment, aux beaux siècles de l’architecture, toutes les parties de la science et de l’art de bâtir se trouvoient réunies dans la théorie comme dans la pratique, et pour montrer que Sanmicheli, modèle des constructeurs et des ingénieurs, le fut aussi des plus habiles architectes vénitiens. , dont il eut la gloire d’être le prédécesseur, ce que va nous prouver la notice abrégée de ses ouvrages d’architecture civile.

Ses premiers travaux, comme on l’a dit plus haut, en ce genre, furent à Orvietto, dont les habitans l’appelèrent pour lu faire architecte de leur célèbre cathédrale, qui a occupé les talens d’une foule d’artistes renommés. Ceux de Monte Fiascone le chargèrent de la construction de leur. principale église. C’est un dôme à huit pans d’une très-belle proportion. Ce dôme ou cette