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parties en renfoncement, de chapelles détournées, qui n’auroient fait qu’accroître la dépense, sans ajouter à la grandeur réelle ou apparente du vaisseau. Quant à l’élévation extérieure, c’est un composé de tout ce qu’on peut accumuler de membres, de détails, de ressauts, les uns à nôté des autres. Ce n’est qu’ordres sur ordres, portiques sur portiques, arcades sur arcades, masses sur masses, etc. ; toutefois chaque chose belle en soi. On croit voir que Sangallo auroit eu l’ambition de réunir le Panthéon, le Mausolée d’Adrien, le Colisée etc. Enfin, c’est une compilation de tout ce que l’architecture pourroit dire de grand et de beau, Cependant, au milieu de toute la pompe architecturale de ce modèle, ce que tout le monde observe du premier coup d’œil, c’est que le monument devient petit, que la coupole perd, avec sa forme l’idée de sa grandeur réelle, et que le frontispice du temple n’est autre chose qu’un château de cartes. On ne sauroit dire, en outre, à quel point cette complication de parties, en augmentant le travail de la main-d’œuvre, auroit aussi augmenté la dépense.

Michel Ange s’opposoit à l’exécution de ce projet, avec toute la liberté d’un homme qui ne prétendoit ni supplanter Sangallo, ni devenir en rien son rival. Forcé dans la suite de le devenir, il fit de son dispendieux modèle la critique à la fois la plus juste et la plus péremptoire ; ce fut un nouveau modèle qui nu coûta que 25 écus, et d’après lequel Saint-Pierre fut construit.

Ce n’est pas la seule démonstration, mais c’est une des plus remarquables, qu’en fait de bâtiment, le bon goût est presque toujours compagnon de l’économie. On a de Michel Ange une lettre, dans laquelle il développe tous les inconvéniens du projet de Sangallo, et Vasari nous apprend qu’il traitoit de gothique cet amas de clochers, de pyramides et de pointes dont il est hérissé.

Malgré toutes ces critiques trop bien fondées, on ne peut refuser, ainsi qu’on l’a déjà dit, au modèle de Sangallo, un fort grand mérite dans les détails. Chaque partie, prise séparément, dénote un excellent architecte. Tout y est empreint du meilleur style d’ajustement. Ce sont les formes de l’antique, chacune prise et imitée séparément avec beaucoup de talent. Pour ce qui est de la construction, Sangallo, dans ce modèle, s’y est montré homme supérieur, et il falloit l’être eu ce genre, seulement pour imaginer un plan aussi compliqué.

Du reste, Antoine Sangallo a singulièrement et puissamment contribué a raffermir et à consolider la construction de Bramante, et a préparer une solide asiette aux constructions postérieures. Tout en travaillant ainsi dans la vue de son projet, il n’a pas été inutile à celui de Michel Ange. La quantité de matériaux qu’il fit enfouir dans les fondations de l’édifice, fut prodigieuse. Si on en voyait l’étendue en dehors, dit Vasari,


l’on auroit peine à en concevoir l’emploi. Ces travaux cachés firent effectivement la fortune de Lorenzetto, qui en eut l’entreprise à tant la canne, comme nous dirions à tant la toise. Voilà ce que fit Sangallo pour l’avantage de la construction de Saint-Pierre. Su mort, survenue en 1546, contribua encore à faire abandonner son projet. Michel Ange devoit avoir l’honneur de triompher de toutes les irrésolutions, et d’être le véritable auteur du plus grand temple du Monde.

Mais Sangallo le fut d’un des plus grands palais de Rome, et du plus beau peut-être de-l’architecture moderne.

Je veux parler du palais Farnèse, dont on a déjà vu qu’il avoit jeté les fondemens, comme s’il en eût prévu le futur agrandis sèment. Le pape Paul IlI ne pouvoit plus donnen suite au projet qu’il avoit agréé, onétant que cardinal. Il n’y avoit encore d’élevé que la façade du côté de la place, jusqu’au premier étage, et un seul côte de la cour. Antoine Sangallo n’eut besoin, sans changer ce qui étoit fait, que d’agrandir son plan dans tous les sens. A l’intérieur, il augmenta la dimension des appartemens, des salles, de l’escalier, et il porta cet ensemble à la plus haute proportion qu’aient reçue les palais de Rome. Sous quelque point de vue qu’on embrasse l’ensemble de cette ville, du haut des collines et des monumens qui permettent à l’œil de parcourir les grandes masses de tous ses édifices, celle du palais Farnèse domine, et se détache toujours, comme une des plus imposantes. On trouve des palais de souveràins d’une beaucoup plus grande étendue. On voit dans divers autres édifices, des parties d’architecture plus riches, plus magnifiques et plus variées ; mais on ne citeroit peutêtre point un corps complet de bâtiment, plus régulier dans son plan, plus uniforme dans ses quatre faces, d’une construction plus soignée, d’une distribution mieux entendue, une cour environnée de plus beaux portiques, un tout mieux achevé, et plus d’accord tant dans l’intérieur qu’a l’extérieur.

Sangallo n’eut pas, à la vérité, l’avantage de terminer eu entier ce grand ouvrage. On sait que lebel entablement qui couronne le palais est de Michel Ange, qui achevea aussi, comme on l’a dit à son article (voyez BUONAROTI), le troisième ordre et l’élage supérieur de la cour. La grande Loggia, qui donne sur la rue Giulia, passe encore pour être l’ouvrage de Vignole. Mais avoir donné, le plan giénéral de ce grand corps d’architecture, le dessin de toutes les parties, l’idée première de tous les détails qu’on y admire, c’est avoir acquis, et au-delà, le droit d’en être réputé l’architecte. Ainsi, sans frustrer tous les continuateurs de cette entreprise, d’une part d’honneur qui leur appartient, c’étoit à l’article d’Antoine Sangallo qu’il convenoit d’en placer la description générale.