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en attendoit lui manqua bientôt. Ses protecteurs naturels quittèrent Rome, et il fut obligé d’en chercher d’autres, qui ne manquent jamais, le travail et l’étude.

C’est par leur moyen qu’il se recommanda auprès de Bramante. Ce célèbre architecte étoit devenu paralytique ; cependant son esprit avoit conservé toute son activité. Il ne lui falloit qu’un antre corps, mais docile aux ordres da sa pensée, capable de recevoir et de transmettre toutes ses idées. Il trouva dans le jeune Sangallo, ce ministre fidèle, intelligent et zélé. Après beaucoup d’épreuves de son exactitude et de la rare facilité avec laquelle il savoit s’identifier à ses conceptions, il en fit son véritable substitut. Bramante continua ainsi jusqu’à sa mort à bâtir par les mains d’Antoine Sangallo.

L’occasion étoit belle à un jeune homme, pour se produire ; Bramante étoit le plus célèbre architecte, et le plus en vogue, qu’il y eût alors. Etre ainsi son suppléant, c’étoit se préparer à devenir un jour son successeur. Aussi eut-il bientôt une réputation qui fit présager ses succès futurs.

Ce qui lui fait réellement honneur, c’est qu’à l’école de Bramante, il devint très-habile constructeur, et l’on sait que la construction, ne fut pas le mérite principal de cet architecte. Les élèves sont si portés à imiter les défauts de leurs maîtres, qu’on sait déjà gré à ceux qui ne les outrent pas. Mais savoir en profiter pour les fuir, et se distinguer par les qualités contraires, est un effort assez remarquable. C’est ce que fit Antoine Sangallo, qu’on renomme à bon droit Pour un des meilleurs constructeurs qu’ait eu l’architecture.

Telle étoit déjà l’opinion établie sur son compte, que le cardinal Alexandre Farnèse (depuis pape sous le nom du Paul III), voulant restaurer son vieux palais de Campo di Fiore, s’adressa à lui pour avoir quelques projets. L’intention du cardinal alors n’étoit pas de faire un palais à neuf, encore moins de faire ce fameux palais Farnèse qui, à tout prendre, pour sa masse, sa régularité et la pureté de l’architecture, a tenu jusqu’ici le premier rang entre tous les grands palais. Heureusement le génie de Sangallo fut prophétique. Parmi les divers projets qu’il présenta au cardinal, il s’en trouva un que celui-ci adopta. Ce projet, commencé d’abord sur une moindre échelle, eut cela de particulier, qu’il fut susceptible, comme nous le verrons dans la suite, de s’agrandir et de pouvoir se prêter, sans qu’on détruisît l’ouvrage déjà fait, aux grandes dimensions qu’exigea bientôt la haute fortune des Farnèse.

Un des premiers ouvrages de Sangallo, à Rome, et que l’on ne compte point parmi les meilleurs, est l’église de la Madone de Lorette, place de la colonne Trajane. Il ne fut pas, au reste, l’auteur


des plans ; l’édifice fut commencé en 1507, lors qu’il n’étoit encore qu’élève. Vasari ne lui en attribue que l’achèvement et la décoration. Sur une masse carrée, et ornée de pilastres composites accouplés, s’élève une coupole à double voûte, dont le tambour est octogone, et paroît généralement trop élevé. L’intérieur du dôme, qui seul forme toute l’église, est également à huit pans. Le principal mérite qui recommande cette coupole, c’est d’avoir été la première construite à Rome, dans le système de double voûte. Elle a 45 pieds 6 pouces de diamètre intérieur, et 86 pieds 8 pouces de hauteur, jusqu’au-dessous de la lanterne. Le style général de cette architecture, ses formes et ses détails, ont de la lourdeur, et l’architecte Giacomo del Duca a enchéri encore sur ce caractère, par l’énorme et vicieuse lanterne dont il a couronné le monument.

Vers le même temps, Sangallo éleva un palais, que nous désignerons par le lieu qu’il occupe, faute de pouvoir indiquer le nom du propriétaire actuel, savoir, en face du palais de Venise. Il est peu considérable par sa masse, mais il l’est beaucoup par tout ce qui fait le mérite d’un semblable édifice. Dès l’origine, il fut réputé être le plus commode, le mieux distribué, le plus élégant dans ses intérieurs, de tous les palais de Rome. Quoique depuis cette époque, ce qu’on a le plus perfectionné, soit précisément cette partie de dispositions et d’agrémens intérieurs, le petit palais dont il s’agit, ne semble point avoir vieilli. On n’entend parler que de ce qui peut avoir rapport avec l’usage. Du reste, il est rempli de ces sortes de beautés, qui, non-seulement ne vieillissent point, mais qui sont saites pour rajeunir le goût de tous les siècles. Tel est le charme de ces beaux intérieurs où l’errin del Vaga a laissé des modèles de son talent inimitable pour la décoration. Il faudroit citer l’élégance des escaliers et des portiques de la cour de ce palais, et celle de sa façade simple, mais de cette simplicité qui est la vraie richesse de l’architecture, s’il est vrai qu’en ce genre, comme en bien d’autres, le faste de la parure ne soit trop souvent que le déguisement de la pauvreté.

Ce petit palais est un ouvrage classique pour les architectes. Chambranles de portes et de croisées, profils d’entablement, détails d’exécution, tout y est de ce beau style du siècle d’or de l’architecture moderne. On trouve cependant, et avec raison, les colonnes de la porte dorique d’entrée, montées sur des piédestaux trop élevés, et l’on fait aussi le même reproche aux colonnes des portiques de la cour.

Divers autres palais plus ou moins importans, qu’il seroit difficile d’indiquer aujourd’hui, de manière à les faire connoître, occupèrent Sangallo à Rome et dans les environs, et augmentèrent à la fois sa fortune et sa réputation.