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Le personnage principal, comme on l’a dit, est Neptune représenté dans une dimension très-colossale, debout, prêt à monter sur un char formé par une coquille ; il semble sortir d’une niche que décorent des colonnes ioniques. Les chevaux et les tritons se trouvent au milieu d’un amas considérable de rochers, au travers desquels les eaux jaillissent ou tombent de différentes manières, et forment toutes sortes de chutes.

Quelques critiques pensent que ces rochers, ainsi disposés, ressemblent trop à un amas de ruines, et qu’on n’aperçoit pas assez dans tous les échappemens d’eau, la source de la cascade qui pourroit les produire ; mais, en ce genre, la critique est facile, et peut-être la hauteur des conduits qui amènent l’eau à cette fontaine n’a-t-elle pas permis de leur donner une disposition plus pittoresque.

Quant à l’architecture du palais auquel s’adosse la composition de cette fontaine, nous croyons aussi qu’elle supporteroit beaucoup d’observations. Le temps qui vit élever ce monument n’etoit plus celui de la bizarrerie ni des formes, in des ornemens contournés et bigarrés de l’âge précédent, mais ce n’étoit pas encore celui où le goût de l’antiquité devoit reprendre l’empire. Obligé d’assortir la composition de tout cet ensemble à une devanture de palais, l’architecte pouvoit se dispenser sans doute d’élever sur un soubassement rustique, tout en rochers, nu ordre aussi élégant et aussi riche que le corinthien. Le style qui eût convenu à cette façade auroit dû être celui des bossages. Une multitude de monumens des plus grands maîtres de l’Italie, auroient pu ossrir des modèles applicables au genre de cette compostion, soit dans l’emploi des ordres, soit dans les détails des fenêtres et le caractère des orœmens.

Salvi avoit sait encore quatre dessins pour la même fontaine, à peu près du même goût, mais d’un mérite inférieur à celui qui fut exécuté.

La fontaine de Trévi fut treize ans à terminer : non que le travail ail rempli tout cet espace de temps, mais toutes sortes de tracasseries le saisoient interrompre, et on le reprenoit lorsque les clameurs de la critique avoient cessé. Salvi avoit trop à cœur d’achever son ouvrage, pour se laisser décourager et l’abandonner : aussi refusa-t-il les offres de la cour de Turin, qui desiroit l’avoir à son service après la mort d’Ivara. Il refusa encore les propositions qui lui surent faites, pour élever la façade de la cathédrale de Milan. Il ne voulut pas non plus aller à Naples, où on vouloit le charger de bâtir le palais de Caserte et l’hôpital général, qui depuis ont été construis sur les dessins du célèbre Van-Vilelli.

Salvi fut chargé par Auguste II, roi de Pologne, de lui faire le plan d’un théâtre dans le goût antique, avec un ensemble de salles ct de dépendances, non-seulement pour le spectacle, mais encore pour le jeu, les concerts et les bals.


Salvi donna trois projets pour la façade de Saint-Jean-de-Latran à Rome. Les compositions de ces frontispices présentent toujours deux ordres d’architecture avec portiques ; mais on préféra le dessin de Galilei.

Les travaux de la fontaine de Trévi, les contrariétés plus pénibles encore que ces travaux, les fréquentes visites qu’il étoit obligé de faire dans les conduits de l’aqua vergine, affoiblirent, dit-on, sa santé et affectèrent son tempérament, d’ailleurs fort délicat. Il tomba en paralysie ; mais il vécut encore cinq ans dans cet état de langueur, sans renoncer à son art. Ne pouvant plusse servir de ses mains, il fit encore dessiner par un de ses élèves trois projets, pour la façade de l’église des Saints-Apôtres. L’un de ces projets n’avoit qu’un seul ordre de colonnes ; les autres étoient à deux ordres, selon l’usage des portails de cette époque.

On a vanté l’honnêteté de Nicolas Salvi, ses mœurs et sa sincérité. Quoique naturellement réfléchi, il avoit il répartie vive et spirituelle. Le caractère de son architecture, malgré les incorrections qu’on y remarque, ne manque pas de simplicité, et a un certain agrément qui lui est propre.

SANESE (Georgio). On est souvent en peine de savoir sous quel nom placer, par ordre alphabétique, les artistes italiens du quinzième siècle. L’usage des prénoms et celui des sobriquets, ou encore des noms de pays, a fait, dans la suite, oublier les noms de famille. Ainsi, nous ne saurions dire quel nom fut véritablement celui de Francesco di Georgio Sanese. Taut est que cet architecte ayant été omis sous les deux premiers noms, nous avons dû lui donner place sous le dernier.

Georgio Sanese (c’est ainsi qu’on l’appelle le plus souvent) naquit en 1423, et mourut en 1470. Il étoit, dit-on, de la famille Martini devienne de Sienne ; et, selon l’usage de son temps, réunissant des talens divers, il fut sculpteur fort habile, amateur en peinture, bon ingénieur, et savant architecte.

C’est sous ce dernier titre qu’il est le plus connu, et il le doit au célèbre palais qu’il construisit, vers le milieu du quinzième siècle, à Urbin, pour le duc Frédéric de feltre. C’est un de ces monumens qui confirment l’opinion que le quinzième siècle, moins renommé aujourd’hui que le suivant qui recueillit toutes les gloires, doit, non-seulement les partager avec lui, mais peut encore lui disputer plus d’une sorte de prééminence. N’y eût-il que l’avantage d’avoir fait renaître, dans tous les arts, les grands principes de l’antiquité, d’avoir produit des modèles dont plusieurs n’ont point été égalés depuis, d’avoir aplani toutes les voies au retour du bon goût, le quinzième siècle peut encore se vanter d’avoir