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fraîche date. C’est pourquoi les ruines, à mesure qu’elles vieillissent, semblent acquérir plus de droit à nos respects, et par conséquent à leur conservation.

Les ruines des monumens antiques sont devenues un objet d’études, de recherches et d’imitation de la part des artistes, sous deux points de vue : l’un de ces points regarde l’architecture, l’autre la peinture.

L’architecture grecque a survécu à elle-même et à ses auteurs, beaucoup moins par les traditions, qui furent long-temps interrompues, que par les ruines de ses monumens, où l’on retrouva, lors de la renaissance des arts, les exemples qui firent revivre et les règles du goût et les notions primitives de l’art, et les procédés de la construction. L’architecture grecque ne s’est donc introduite chez, presque tous les peuples modernes, que par l’effet des documens positifs qui s’étoient conservés dans les ruines de l’antiquité. C’est de ces ruines que sont nés tous ces traités élémentaires, dans lesquels chacun des plus célèbres architectes modernes, s’est efforcé de renouer le fil des traditions oubliées, de retrouver et les régles et l’esprit des proportions. C’est à l’aide de ces ruines, que se sont établis les parallèles des fragmens divers des ordres, de leurs chapiteaux, de leurs entablemens, de leurs bases el de tous leurs profils. C’est au moyen de ces parallèles que le goût est pavenu à fixer ce juste milieu entre toutes les variétés, qui devient pour l’artiste, non une mesure inflexible à laquelle il soit tenu de se soumettre en tout et toujours, mais une garantie contre les écarts d’une invention désordonnée.

Au reste, il faut dire que la critique de l’art antique étudié dans ses ruines, fut d’abord très-incomplète, tant qu’elle n’eut pour matière ou pour objet, que les seuls vestiges jusqu’alors découverts des ouvrages de Rome, et les restes de ses monumens. Le hasard seul avoit décidé de leur perte ou de leur conservation, et il étoit à croire que ceux des derniers âges, avoient eu quelques raisons de plus pour échapper à une entière destruction. Cependant l’art antique, et en particulier celui de l’architecture, devoient compter huit ou dix siècles de durée, et s’étoient propagés dans toute l’étendue des parties de l’ancien Monde alors connu.

Enfin de plus vastes champs de ruines à explorer et à comparer, s’ouvrirent aux recherches de l’histoire et de lu théorie des arts ; bientôt le flambeau de la chronologie devoit éclairer des objets jusqu’alors confondus sous une dénomination commune à tous, et l’on devoit eu venir à classer méthodiquement par siècles, par nations et par écoles, les travaux innombrables qui, de toutes parts, ressortirent de leurs ruines.

Il arriva, en effet, que tous les pays de l’ancien Monde furent visités et parcourus par les voyageurs. L’Italie méridionale vit rendre à la lumière les ruines de l’ancienne architecture grecque. La Sicile, dans plusieurs de ses temples, donna au Style suivi par les Grecs, dans l’ordre dorique, des dates certaines. La Grèce vit reproduire plusieurs de ses plus beaux monumens ; la position de presque toutes ses villes fut constatée par les ruines qui en subsistent encore. L’Asie mineure, traversée dans tous les sens, a fait reconnoître des vestiges de ses plus célèbres cités, et les monumens les plus nombreux de l’ordre ionique.

L’Egypte encore debout, si l’on peut dire, dans ses ruines éternelles, a livré à la critique historique les moyens de faire remonter à trois mille ans, la connoissance de son goût immuable et de ses œuvres uniformes. Le zèle des voyageurs a conquis encore au-delà de l’Egypte, des pays reculés, soumis aussi, plus tard, ou à son empire ou à celui de ses arts ; et on a poussé en dernier lieu la reconnoissance de ses ruines jusqu’à Méroé, c’est-à-dire à plusieurs centaines de lieues au-dessus des Cataractes.

Dans le nord de l’Italie et de l’Europe, la recherche des ruines antiques n’a été ni moins active ni moins féconde. La langue et l’écriture de l’ancienne Etrurie devenues lisibles, nous ont montré ce pays plus ou moins affilié aux arts primitifs de la Grèce, propageant leurs semences et leur culture dans Rome naissante. Il n’est aucune ville de l’Italie qui ne se soit occupée de retrouver dans ses antiques ruines ses titres généalogiques. La France a exploité dans les provinces méridionales, un sol encore plein des restes de la magnificence romaine ; et un zèle commun aux autres nations de l’Europe s’est plu à faire sortir de l’oubli, les témoignages encore visibles de l’ancienne domination de Rome, et de celle de ses arts.

Chaque jour voit accroître, dans des collections nouvelles, le trésor des ruines antiques, et bientôt au milieu de cette immensité de matériaux, peut-être ne manquera-t-il (et je parle ici de la seule architecture) qu’un homme capable d’en embrasser l’ensemble et d’en faire sortir, dans un ordre à la fois chronologique, historique, théorique et didactique, l’ouvrage qui puisse devenir le traité universel de cet art.

Nous avons dit que les ruines de l’architecture antique avoient aussi un rapport particulier avec la peinture.

Très-anciennement les restes des édifices antiques ont exercé le pinceau. Nous avons vu, à la vie de Raphaël (voyez Raphael), que pour répondre aux desirs de Léon X, ce grand artiste, non-seulement s’étoit occupé du soin de les restituer par le dessin, mais que très-probablement aussi il les avoir peints, c’est-à-dire qu’il auroit fait ce qu’on appelle des tableaux, de ruines.

A mesure que l’art du paysage, en se développent, devint un genre séparé, il fut difficile, qu’à Rome surtout, cette ville dont les aspects doivent à ses célèbres ruines un caractère que nul

Diction. d’Archit. Tome III
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