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RUE RUE


pant ainsi la ville dans son centre, vont aboutir à quatre grandes portes bâties en arcs de triomphe. De belles places, des monumens, des fontaines, se rencontrent le long de ces vastes rues, et en diversifient l’aspect. Ajoutons que généralement ces rues présentent, dans leur alignement, toutes belles masses de constructions et de palais.

Si, en effet, la beauté des rues tient, selon l’opinion commune, à l’uniformité et à la régularité topographique, ce n’est là, si l’on peut dire, qu’une beauté géométrique. Dans une très-grande ville, surtout (et Londres en donne la preuve), lorsqu’une multitude de rues, bien symétriquement dressées et alignées, ne vous offre partout que ce mérite uniforme, l’effet en est bientôt usé, et la monotonie vous fait bientôt regretter la variété des plans moins réguliers, si de belles masses d’édifices, si les créations de l’architecture, avec les aspects toujours variés de ses ordonnances, de ses contrastes, ne viennent récréer la vue et intéresser l’esprit.

Ainsi, la ville de Gênes, bâtie par la nécessité locale, en amphithéâtre sur un terrain fort élevé, superbe à voir de dehors, mais resserrée au-dedans, de façon à ne pouvoir offrir, dans sa pente, que desrues étroites, a trouvé le moyen d’aplanir, au bas de ses collines, un assez grand espace, où deux nouvelles et larges rues ont été pratiquées, la rue Neuve et la rue Balbi. Ces deux rues mériteroient à peine d’être citées pour leur étendue, comparées à toutes celles dont presque toutes les grandes villes offrent des exemples. Cependant telle est la magnificence, telle est la richesse, la variété des masses d’édifices qui bordent ces deux rues, telle est la hauteur de leurs palais, telles sont les diversités d’aspects qu’on y découvre, que par leurs effets à la fois grandioses et pittoresques, on se croit transporté devant ces décorations de théâtre, où le pinceau s’exerce librement, à produire sans dépense les plus dispendieuses merveilles. On oubliera promptement l’effet de la simple grandeur linéaire des plus vastes rues des autres villes. Les deux rues de Gênes restent gravées dans la mémoire, comme modele idéal de la plus grande beauté d’une ville.

C’est qu’effectivement il n’appartient qu’à l’architecture de produire la véritable beauté des rues ; je parle de cette beauté, qui ne repousse pas l’uniformité, mais qui souvent n’en a pas besoin ; je parle de cette beauté que procurent les lignes harmonieuses et cadencées des édifices, qui se succèdent sous des niveaux différens ; je parle de celle qui résulte des compositions variées, des ordonnances plus ou moins riches, des portiques multipliés, de l’emploi des colonnes, des vestibules de palais, des formes pyramidales, des travaux divers de la construction, et de l’effet même de la mise en œuvre des matériaux.

Mais ce, sont là de ces beautés qui ne sauroient se commander dans l’embellissement des villes. Il y faut l’accord des mœurs, du goût, des circonstances politiques, et surtout des causes physiques qui, en refusant à certains pays l’usage habituel des matériaux nécessaires à l’architecture, forcent de se rabattre sur les soins de propreté. d’uniformité, de régularité, qu’une bonne police peut inspirer, et même ordonner aux particuliers, qui sont, en définitive, les seuls constructeurs des villes.

Cela étant, il n’y a rien à prescrire sur les moyens d’obtenir, dans les rues des villes, cette beauté dont on a parlé. On doit se contenter de la décrire ou de la faire remarquer ; mais toute théorie est vaine lorsque la nature ne vient point à son aide. Lorsque les causes morales ou physiques se refusent à favoriser l’art et le goût, il faut se borner à recommander dans les redressemens d’anciennes rues ou dans l’établissement des nouvelles, ce qui peut encore contribuer au bon ordre, à la commodité et à l’agrément des habitans.

Entre les choses qui procurent ces avantages, il faut compter le pavement et le nivellement des rues Là où leur largeur ne permet pas l’usage des trottoirs pour les gens de pied, le pavé doit être encore plus soigné ; il doit être dressé, battu et consolidé selon le genre de matière fourni par la nature des lieux (voyez Pavé), de façon à ce qu’il ne se forme ni affaissement ni trouée, et que les eaux y suivent les directions qu’on leur donne, pour se rendre aux égouts. Les rues les plus remarquables par leur pavement sont celles des villes de la Toscane, pavées par de grands blocs d’une pierre siliceuse, unis à joints incertains, et qui forment le marcher le plus égal qu’on puisse desirer. On doit citer après, la ville de Naples, dont les rues sont plutôt carrelées que pavées par des dates de pierre volcanique : on en pique la superficie, pour que le pied des chevaux y ait plus de prise.

Il paroît, d’après la nature du pavé des voies romaines, et d’après des restes de cet ancien pavement dans la Rome moderne, que les rues de l’ancienne étoient pavées comme ses chemins, c’est-à-dire, ainsi qu’à Florence, en gros blocs polygones à joints incertains. On a renoncé aujourd’hui à cette pratique, qui ne laisse pas d’être longue et difficultueuse, et qui a encore l’inconvénient d’offrir aux chevaux une aire glissante, et Rome moderne est aujourd’hui pavée de petits cubes de la même pierre.

Paris a, dans les grandes carrières de grès dont elle dispose, la facilité de tailler en pavés, de gros morceaux cubiques réunis avec le sable, et qui forment un marcher très-solide et assez égal.

Londres n’a pour paver ses rues, que de gros cailloux ronds qui donnent une aire inégale, dure et raboteuse. Mais dans celle ville, le milieu des rues n’est que pour les chevaux et les voitures ; de larges et commodes trottoirs, établis le long des