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magnifique, en même temps que grave de l’extérieur. L’escalier est vaste et bien éclairé : on regrette que les pilastres qui en soutiennent la voûte, le rétrécissent par intervalles. Les balustres d’appui sont inclinés pour suivre la pente de la rampe : on trouve une apparence un peu mesquine, aux portes des appartemens sur les paliers.

Ce magnifique palais, comme la plupart des grandes entreprises, que toutes sortes de circonstances contrarient, a l’inconvénient de manquer d’unité dans les parties dont il est composé. Ainsi sa partie la plus étendue, a plus de hauteur que celle qui donne sur la place de l’église du Jésus, et sembleroit former un palais distinct de l’autre, sur la place de Venise. On y voit une grande porte qui conduit à un grand cortile rectangulaire, mis en communication avec l’autre cour dont on a parlé. On doit regretter, sans doute, qu’un si grand édifice, isolé de toute part, et qui compte parmi les plus magnifiques palais de Rome, manque de cette régularité qui auroit dû en faire un tout complet.

Antoine de Rossi éleva encore les palais Astalli et Muti, au pied du Capitole. Il construisit l’hôpital des femmes à Saint-Jean de Latran, l’église de Saint-Pantaléon, la chapelle du Mont-de-Piété, joli ouvrage, mais un peu incorrect, l’église de la Madeleine, qu’il laissa imparfaite. Après lui elle fut terminée par divers artistes qui ne lui épargnèrent ni défauts, ni ridicules, tant au dedans qu’au dehors.

Le grand nombre d’édifices construits par Antoine de Rossi, soit à Rome, soit dans les pays étrangers, lui procurèrent une fortune considérable pour le temps : on l’évalua à plus de 80 mille écus romains, ou 40, 000 livres de France. N’ayant point d’enfans, il disposa de sa fortune en bonnes œuvres. Il en fit trois parts ; une qu’il laissa à l’hôpital de la Consolation, l’autre à l’église appelée Sancta Sanctorum, et il consacra la troisième à doter de pauvres filles.

Antoine de Rossi fut très-désintéressé, et la générosité étoit en lui comme une qualité naturelle. Il en donna une preuve au peintre Baccicio, qui desiroit ardemment d’acquérir de lui une maison qu’il n’avoit aucun besoin de vendre ; de Rossi y consentit, mais il ne voulut jamais accepter rien au delà du prix qu’il en avoit autrefois donné quelqu’offres avantageuses que Baccicio l’eût pressé d’accepter.

Antoine de Rossi avoit le parler résolu, l’air un peu altier et dédaigneux. Quant à l’architecture, on doit dire que sa manière fut grande et large. Nul n’eut plus d’habileté pour trouver les moyens d’éclairer les intérieurs. Son goût d’orner fut assez sage. Il possédoit particulièrement l’art de s’accommoder aux emplacemens, d’en tirer un parti avantageux, et de donner de la grandeur, même aux plus petits espaces.


Rossi (de) Mathias, né en 1637, mort en 1695.

Cet architecte ne fut point fils d’Antoine de Rossi dont on vient de parler, mais bien d’un certain Marc-Antoine de Rossi, architecte médiocre, auquel il dut une bonne éducation.

Après s’être livré à l’étude des belles-lettres et de la géométrie, il entra dans l’école de Bernin, qui l’affectionna plus que tous ses autres élèves, qui le conduisit avec lui en France, et l’employa toujours de préférence dans ses plus grands ouvrages.

Mathias de Rossi eut à diriger la construction d’un palais que Clément IX fit bâtir à Lamporechio, et celle d’une église à Monterano. Par ordre du Pape, il publia un rapport étendu sur l’état de la coupole de Saint-Pierre, dans lequel il prouva d’abord, que toutes les craintes qu’on avoit de sa ruine étoient chimériques, et ensuite que Bernin n’avoit fait que suivre le projet des fondateurs de la coupole, en pratiquant une niche et un balcon dans les énormes piliers qui la supportent.

Bernin mort, de Rossi succéda à la plupart de ses emplois, et le remplaça comme architecte de Saint-Pierre.

Le tombeau de Clément X, dans le temple du Vatican, la façade de Santa-Galla, la grande porte à bossages, et qui donne sur les derrières du palais Altieri, ainsi que les écuries, le bâtiment de la Douane àRipa grande, furent l’ouvrage de Mathias de Rossi.

Il fit pour l’oratoire du Père Caravita un projet, dont la trop grande dépense empêcha l’exécution. Il eut une très-grande part dans la construction du palais de Monte-Citorio : de lui sont le grand escalier, le portique et le dernier étage. Le pape Innocent XII, juste appréciateur des talen, faisoit un grand cas de son mérite, et l’honora de la croix de l’Ordre du Christ.

Mathias de Rossi avoit été appelé en France pour prendre part aux travaux de Bernin. Il mérita les bonnes grâces de Louis XIV, et exécuta, entr’autres choses, un modèle du palais du Louvre. La guerre ayant suspendu les projets, il quitta la France, comblé d’honneurs et de présens.

De retour en Italie, il construisit pour le prince Pamphile, à Valmontone, une charmante église en rotonde, de forme elliptique, et surmontée d’une couple de bon goût. On admire l’architecture de ce monument, et en particulier son campanile.

Innocent XII chargea notre architecte d’aller examiner les marais appelés Chiane, et de lui faire un rapport exact sur les dommages que les eaux avoient pu occasionner dans le voisinage. De retour de cette mission, il fut attaqué à Rome d’une violente rétention d’urine, dont il mourut à l’âge de cinquante-huit ans.