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ruines, viendroit chercher les leçons qui l’ont renouvelée, et qui ont propagé dans le monde entier, le système dont les Grecs furent les inventeurs.

Il ne se pouvoit donc point que l’architecture grecque, s’éloignant de sa source, appliquée dans de nouveaux genres d’édifices, à des combinaisons plus variées, disposant d’immenses richesses, ayant à servir, toutes les passions de gloire et d’ambition, forcée de satisfaire une vanité qui ne connoissoit point de mesure, et la prétention de Rome à surpasser par les arts, ceux qu’elle avoit vaincus par les armes ; que cette architecture, dis-je, ait cherché à frapper les yeux, plus par l’éclat que par la pureté, plus par la richesse que par l’harmonie, plus par la grandeur des lignes que par celle des formes.

Cependant il faut dire en faveur des Romains, que l’architecture avoit été de tout temps leur art favori. On ne connoît les noms d’aucun statuaire romain, et l’on connoît à peine ceux de deux ou trois peintres cités par Pline ; mais Vitruve nous apprend qu’avant lui, Rome avoit compté plus d’un architecte célèbre. Lui-même nous a transmis les noms de Fussitius, de Terentius Varron, de Publius Septimius, de Cossutius, de C. Mutius, qui avant lui avoient écrit sur leur art. Sans cette digression de Vitruve, dans sa préface, nous aurions ignoré qn’avant le siècle d’Auguste, d’où l’on a coutume de dater l’époque de la culture des beaux-arts à Rome, plus d’un Traité d’architecture y avoit été composé : que Terentius Varro en avoit fait un, que P. Septimius en avoit fait deux, que Fussitius avoit écrit sur son art avec le plus grand succès. Vitruve regrette encore beaucoup les écrits de Cossutius sur l’architecture, et plus encore ceux de C. Mutius, homme d’un grand savoir, et qui avoit achevé le temple de l’Honneur et de la Vertu. On sait assez, qu’en aucun genre, les écrits théoriques ne précèdent les œuvres de la pratique. Il faut qu’on ait déjà beaucoup opéré dans un art, pour qu’on en vienne à sentir le besoin d’en fixer les régles, ou d’en décrire les productions. Aussi le même Vitruve nous apprend-il que, dans les siècles qui l’avoient précédé, Rome avoit eu de grands architectes, et que de son temps il s’en trouvoit encore un grand nombre.

Lors donc que la conquête de la Grèce, et le règne d’Auguste eurent conduit et attiré à Rome des architectes grecs, ces artistes ne se trouvèrent point en pays étranger. Ils y trouvèrent le même art qu’ils avoient exercé chez eux, les mêmes pratiques, le même système d’ordonnance et de proportion. Mais déjà en Grèce même, le temps avoit pu introduire quelques changemens dans certains modes de colonnes. L’ordre dorique avoit pu perdre quelque chose de son caractère primitif et de l’austérité de ses principes. Les besoins variés de beaucoup d’édifices moins simples dans leur


plan, le goût d’élégance et de richesse qui avoit fait prévaloir l’emploi des deux autres ordres, contribuèrent aussi à alonger l’ordre dorique, à diminuer la sévérité de ses formes et de ses profils. Ainsi voyons-nous le portique d’Auguste à Athènes, déjà assez éloigné de la proportion massive et raccourcie de l’ancien dorique. Cet ordre acquit encore à Rome des proportions plus sveltes, un aspect moins sévère.

Mais le luxe, l’ostentation et la magnificence, mobiles principaux des grandes entreprises sous les empereurs, trouvèrent beaucoup mieux leur compte dans les formes, les proportions et les ornemens de l’ordre corinthien. On trouve peu de notions de monumens corinthiens chez les écrivains grecs, et fort peu de monumens de cet ordre dans les ruines de la Grèce. Le dorique fut l’ordre par excellence de son architecture, et en quelque sorte l’ordre privilégié pour les temples. On peut dire le contraire à Rome ; c’est le corinthien qui domine partout : aussi est-ce encore parmi les édifices romains qu’il faut aller chercher les modèles de ce que l’art a créé de plus parfait dans la disposition, le goût et le travail du chapiteau de cet ordre.

Plus favorable au luxe de la sculpture, il fournit encore à cet art les motifs des modifications les plus nombreuses, dans l’ajustement varié de son chapiteau. On l’orna de toutes sortes d’emblêmes et de symboles, du mélange de toutes sortes de types, et c’est dans ces modifications, que l’architecture moderne a cru trouver l’exemple de son ordre composite, qui n’est qu’une méprise, puisque, comme on l’a dit et prouvé ailleurs (voyez COMPOSITE), le chapiteau n’est pas ce qui constitue l’ordre, encore moins un ornement ou un autre, introduit dans le chapiteau.

Il en est du goût de la richesse, dans l’architecture, comme de la passion du luxe dans les mœurs privées ou publiques. Lorsque le principe du goût d’une part, comme de l’autre celui de la raison, ne peuvent plus mettre un frein à l’ambition des nouveautés, ou à l’orgueil des distinctions, il faut tomber dans cet excès qui amène la ruine.

Ainsi voit-on l’architecture romaine, après avoir épuisé toutes les ressources de la richesse guidée par le goût dans l’emploi des ornemens, mettre de côte toute modération, sacrifier le fond et le principal aux détails et aux accessoires, c. uvriv sans distinction aucune toutes les parties, tous les membres, d’ornemens et de sculptures, à peu près comme feroit celui qui, pour embellir une étosse, la cacheroit sous les broderies. Nous ne porterons pas plus loin, sur le goût de l’architecture romaine, des notions qui ont déjà trouvé leur place ailleurs. Voyez ARCHITECTURE.

Nous ferons remarquer toutefois, en terminant cet article, que l’art de l’architecture ayant été, dès l’origine de Rome, l’art de prédilection des