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(selon Denis d’Halicarnasse), Tarquin-le-Superbe l’environna de portiques couverts. Dans le même temps, on travailla au grand égout. Tile-Live joint ensemble ces deux entreprises, moindres en apparence (ajoute-t-il), que celles du temple de Jupiter ; elles exigèrent cependant bien plus de peines et de fatigues. Il s’agissoit de construire des portiques autour du Cirque, et de conduire, sous terre, toutes les immondices de la ville dans le grand égout. Ces deux ouvrages (continue-t-il) sont tels, que toutes nos magnificences modernes en approchent à peine.

Le même Tarquin (selon Denis d’Halicarnasse) avoit décoré le Forum, et y avoit réuni tout ce qui pouvoit contribuer à l’utilité, comme à l’embellissement. Tarquin-l’Ancien étoit de la ville de Tarquinium. en Etrurie. Il connoissoit les arts des Etrusques, et il dut apporter à Rome ce goût de grandeur et de solidité qui distinguèrent alors les ouvrages de sa patrie. Ce fut donc à leur imitation qu’il résolut de rebâtir les murs de Rome, faits jadis à la hâte. Il les fit reconstruire en pierres de taille si grandes, qu’une seule faisoit la charge d’un chariot. Ce fut encore lui qui jeta les fondemens du temple de Jupiter Capitolin. La colline sur laquelle il avoit résolu d’élever ce monument, étant d’un accès difficile, et n’offrant point, à son sommet, de plate-forme commode pour y bâtir, il lui fallut égaliser le terrain, soutenir et remparer tous les flancs de la montagne, par des constructions et des contre-forts, avec des travaux et des moyens qui font supposer des connoissances déjà fort avancées dans l’art de bâtir. Le temple de Jupiter, commencé par Tarquin-l’Ancien, fut continué (selon Tacite) par Servius Tullius et par Tarquin-le-Superbe. Ce dernier fit venir des ouvriers de l’Etrurie ; mais l’édifice ne fut achevé qu’après l’expulsion des rois. Sa magnificence fut telle, que toutes les conquêtes des Romains ajontèrent depuis à sa richesse, plutôt qu’a sa beauté (ce tout les expressions de Tacite).

Les dimensions de ce temple, et la disposition de son plan, telles que les décrit Denis d’Halicarnasse, rappellent, à quelques variétés près, le système architectural de la Grèce. Il avoit trois nefs dans son intérieur, et son péristyle couronné par un fronton, ainsi que Cicéron nous l’apprend, avoît trois rangs de colonnes. Détruit deux fois dans la suite des siècles, il fut deux fois reconstruit, mais sur le même plan et sur les mêmes fondemens. Il n’y eut de changement que dans le choix des pierres, à la vérité plus belles, mais toujours de la même forme.

Ces documens, sur lesquels tous les historiens sont d’accord, suffirent pour nous donner une idée du goût des Romains, dans l’architecture de leur premier âge, et nous montrer qu’aucun peuple ne les égala peut-être dans cette partie importante, qui comprend ce qui regarde l’utilité et les besoins publies.

Strabon avoit la même opinion. S’il semble, dit-il, que les Grecs soient arrivés au plus haut point, dans l’art de bâtir les villes, pour avoir toujours eu en vue leur embellissement, leur défense et leur bonheur, les Romains ont porté leurs soins et leur attention sur d’autres objets négligés par les Grecs ; comme, par exemple, de paver les grands chemins, de construire des aqueducs et des égouts souterrains, pour porter dans le Tibre toutes les immondices de la ville, etc.

Telle paroît donc avoir été l’architecture romaine, et sous les rois qui fondèrent la puissance de Rome, et sous la république qui l’étendit de plus en plus par la guerre et la conquête. Utilité dans les entreprises, grandeur et solidité dans les constructions : tel fut le luxe de cet art, à une époque où toute magnificence inconnue aux particuliers, étoit réservée pour les temples.

Si l’architecture, selon Vitruve, doit avoir en vue, dans ses ouvrages, l’utilité, la solidité et la beauté, l’architecture romaine aura, dans les monumens de cette première époque, rempli les deux premières conditions. Quant à la troisième, il ne nous reste rien qui puisse nous en instruire ; car, bien que l’idée de beauté puisse aussi s’appliquer à ce qu’il y a de plus simple en construction, et bien quo la grandeur et la solidité fassent aussi partie de ce qui constitue la beauté en architecture, nous devons avouer que Vitruve a dû entendre, dans cette notion, ce que nous y comprenons aussi, c’est-à-dire, ce genre de beau qui tient au goût délicat des formes, à l’harmonie des proportions, à l’élégance des membres, et à tout ce qu’on appelle ornement ou décoration.

Ce genre de beauté ainsi entendu, comme le seul sentiment du besoin et de l’utilité ne le produit pas, et comme il tient au perfectionnement d’un sentiment moral qui, pour se développer dans l’architecture, a besoin du secours et de l’inspiration des autres arts, tout porte à présumer que ce complément des trois qualités principales de l’art de bâtir, fut réservé à une époque postérieure.

Nous manquons, sans doute, des matériaux nécessaires pour pouvoir suivre historiquement les progrès du goût dons l’architecture, pendant les siècles de la république. A peine reste-t-il quelque vestige de quelque monument isolé, qui appartienne à cette époque. Mais, à ce défaut, il est facile de trouver, soit, dans l’état politique de ces siècles, soit dans les parallèles que. peuvent nous fournir les ouvrages des autres arts, et particulièrement la littérature, soit dans les aveux mêmes des écrivains, plus d’une présomption qui porte à croire que le génie du beau, dont on vieut de parler, et qui est à proprement parler la perfection de l’art, ou l’art lui-même, attendit à Rome des temps plus favorables.

Diction. d’Archit. Tome III
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