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fois combattu les opinions de Vitruve à cet égard, et nous croyons avoir montré que l’imitation du corps humain, dans l’architecture, n’étoit que l’imitation abstraite des principes d’ordre, de symétrie, de proportion, dont la nature fournit à cet art un modèle spéculatif, dans l’organisation corporelle. Vitruve n’est peut-être pas l’inventeur de ce système d’imitation formelle, qui fait procéder la forme de l’ordre dorique du corps de l’homme, celle de l’ionique du corps féminin, et jusqu’au chapiteau à volutes, de la coiffure des femmes. Qui empêcheroit de croire que de pareilles idées ayant cours, quelques esprits systématiques auroient imaginé de donner aussi aux colonnes, no ventre, comme un trait de plus de ressemblance avec leur modèle fantastique ?

Quelques autres aussi, s’exagérant l’influence que les arbres employés originairement à faire des supports, purent avoir sur les colonnes régulières qui les remplacèrent, ont tenté de trouver dans les protubérances, que des tiges d’arbres ou de plantes reçoivent quelquefois du hasard, l’idée du renflement des colonnes. Opinion tout aussi futile que la première.

Si, en effet, on admet que de semblables raprochemens ont pu, de tout temps, trouver des approbateurs, tant l’esprit de l’homme a besoin de rapporter tout à une cause, il n’en est pas moins certain, qu’admettre de telles origines, c’est admettre des fictions qui peuvent avoir eu cours, mais qui se détruisent d’elles-mêmes dès qu’on les fait connoître.

Dès qu’on ne trouve au renflement des colonnes, aucune raison qui repose sur un principe de nécessité, dès qu’on ne sauroit lui trouver une origine fondée sur la moindre vraisemblance, reste à se demander si la seule raison de l’agrément ne lui auroit pas donné l’être. Voilà peut-être la véritable origine de cette modification apportée à la forme naturelle de la colonne. Il y a ainsi, dans beaucoup d’objets, et dans plus d’un membre de l’architecture, une part à faire à cet instinct de la variété, qui tend sans cesse à embellir les formes du besoin, et va quelquefois jusqu’à en dénaturer le principe. Il est donc permis de supposer que le galbe d’une colonne, aura pu devenir insensiblement l’objet de quelques recherches d’agrément, et qu’on se sera plu à le façonner comme beaucoup d’autres objets, dans la seule vue d’en rendre la forme plus élégante, en rompant la continuité de la ligne perpendiculaire.

Et déjà nous avons vu qu’une diminution de la colonne par en haut avoit trouvé saveur dans les meilleurs ouvrages. Cette diminution, dont Vitruve nous a transmit les règles, ne fut toutefois qu’un agrément, dont l’œil est forcé de reconnoître la réalité, et qui est devenue une règle de goût. N’est-il pas naturel de penser que les diverses opérations prescrites pour régler la mesure de


cette diminution, sur les différences de hauteur des colonnes (voyez le mot DIMINUTION), auront pu suggérer de pratiquer le même resserrement dans le bas de la colonne ? Voilà, ce nous semble, ce qu’on peut conjecturer de plus vraisemblable à cet égard.

Le modèle, dont Vitruve avoit accompagné son article sur la diminution et le renflement des colonnes, ne nous étant pas parvenu, les architectes modernes ont proposé diverses règles sur cet objet.

Vignole a enseigné une manière ingéniense de régler ce renflement. Il trace la ligne de son profil, en telle sorte, que les deux lignes qui font le profil de la colonne, se courbent vers les extrémités, par une même proportion, et se courbent deux fois plus vers le haut que vers le bas, parce que la partie supérieure est du double plus longue que l’inférieure.

Blondel, dans son Traité des quatre principaux problèmes d’architecture, a enseigné comment cette ligne peut être décrite d’un seul trait, avec l’instrument que Nicomède a trouvé, pour tracer la ligne appelée la première conchoïde des Anciens.

Perrault pense que cette pratique ne peut servir qu’à tracer la ligne de diminution, qui part du bas de la colonne sans s’y coúrber, mais qui, au contraire, y aboutit perpendiculairement, à moins qu’on ne veuille faire commencer la courbure au-dessus du tiers inférieur qui, dans ce cas, doit décrire deux lignes parallèles. Du reste, il ne croit pas qu’on doive diminuer la colonne par en bas, puisque (dit-il) ni les architectes antiques, ni la plupart des modernes ne l’ont pratiqué.

Perrault semble avoir, sur ce point, une autre opinion, dans sa traduction de Vitruve, où l’on trouve, en note, une méthode nouvelle pour tracer le renflement. Probablement il a voulu dire, dans sonTraité de l’ordonnance des colonnes, qu’il ne nous restoit, dans les monumens des Anciens encore subsistans, aucun exemple de colonnes renflées.

Cette opinion étoit assez générale, lorsqu’un des trois édifices de l’antique Paestum, celui qu’on croit avoir été un atrium, est venu dissuader les commentateurs. Le Père Paoli, dans sa Dissertation sur ce monument de Paestum, qu’il appelle un atrium, nous apprend que les premiers qui le virent et le dessinèrent, ne s’étoient pas aperçus de cette particularité dans ses colonnes, ou qu’ils avoient négligé de la rendre sensible dans leurs dessins. Effectivement, les dessinateurs employés par le comte Gazzola, ne semblent avoir mis dans leurs planches, aucune différence sur le fait dont il s’agit, entre les colonnes de l’atrium et celles des deux temples de Paestum.

Il est pourtant certain que les colonnes de l’atrium ont un renflement très-sensible à la vue, et