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grande perte de matière. C’est dans ce système qu’étoient pavées les voies romaines, c’est encore selon cette méthode que le sont plusieurs villes de la Toscane, entr’autres Florence.

RÉGLÉ, adj. On dit qu’une pièce de trait est réglée, quand elle est droite par son profil, comme sont quelquefois les larmiers, les arrière-voussures, etc.

RÉGLER, v. act. Se dit de l’action de soumettre à la règle, la façon d’un grand nombre d’ouvrages.

En architecture, on se sert le plus souvent de ce mot pour exprimer l’opération, par laquelle les experts vérifient les prix des ouvrages portés dans les mémoires des entrepreneurs, et les réduisent, quand, il y a lieu, à leur juste taux. On dit un mémoire réglé ; faire régler un mémoire. On paie des à-comptes, sauf réglement de mémoire.

RÉGLET, s. m. , ou BANDELETTE. Petite moulure plate et droite, qui, dans les compartimens et les panneaux, sert à en séparer les parties et à former des guillochis et entrelas.

Le réglet est différent du filet ou listel, en ce qu’il ne recoit aucune variété de forme et ressemble uniquement à une règle.

RÉGNER, v. act. On se sert volontiers de ce mot pour exprimer, dans l’effet produit par l’architecture d’un monument, le goût de composition de construction, d’ordonnance, de décoration, qui, répandu dans son ensemble et ses détails, fait sur le spectateur telle ou telle autre impression. On dira qu’il règne dans un édifice un goût de pesanteur ou de légèreté ; qu’il y règne un style de simplicité ou de bizarrerie ; qu’il y règne un air de grandeur, un aspect de richesse, etc.

Régner se dit encore dans un sens plus technique : ce mot exprime alors l’emploi continu que l’architecte a fait, dans un bâtiment, d’un ordre, d’un profil, d’un entablement, d’une frise.

Ainsi l’on dit que l’ordre dorique ou corinthien règne à l’intérieur comme à l’extérieur d’un temple. Le bon goût veut qu’un seul profil, un seul entablement, règne uniformément dans la masse générale d’un édifice. Quelquefois on emploie un enroulement dans le frontispice d’un péristyle de temple, mais l’architecte ne le fait pas régner dans le reste de l’entablement. La frise en bas-relief qui représentoit la marche et la cérémonie des Panathénées, réguoit tout alentour de la cella du temple de Minerve à Athènes.

On dit de même qu’il règne de la confusion dans la composition d’un tableau, d’une décoration, d’un plafond. Il n’y a pas de locution plus ordinaire.

REGRATTER, v. act. On emploie ce terme à exprimer l’opération de ragrément qui a lieu sur la pierre noircie ou salie par la vétusté, pour lui redonner la blancheur qu’elle avoit étant neuve.

On se sert pour ce regrattage, soit de ripes, soit de fers à retondre, soit de tout autre instrument tranchant, qui n’enlève que la superficie de la pierre. En général, on est fort économe de cette opération, et on ne doit y avoir recours qu’avec une grande précaution, à l’égard d’édifices dont l’architecture a reçu de son auteur, avec de belles proportions, cette exécution précieuse et recherchée, qui en rehausse le prix et la beauté.

L’opération de regratter ne se faisant que par l’enlèvement d’une superficie quelconque de la matière, il est un grand nombre de bâtimens qui en supportent la façon sans aucun détriment, et qui, au contraire, y gagnent l’avantage d’une espèce de rajeunissement dans la teinte de leurs matériaux. Tout bâtiment qui n’offre que des surfaces de pierre lisse, sans ornement et sans ordonnance, peut être impunément regratté ou blanchi par le badigeonage.

Il faut se former une idée contraire de la même opération, appliquée à ce qu’on doit appeler un véritable ouvrage d’architecture.

D’abord, ce ton de vétusté qu’on se plaît à faire disparoître d’une bâtisse ou d’une maison ordinaire, est ce qu’on aime à voir subsister sur un monument ; c’est une sorte de titre de noblesse, et ici encore les plus anciens sont ceux qu’on prise le plus. Un certain accord s’est formé pour l’esprit comme pour les yeux, entre l’aspect rembruni de l’architecture, et le respect qu’on porte à ce qui est ancien. On n’efface point ces traces vénérables de l’âge, par un apprêt de nouveauté, sans que ce travestissement ne blesse les yeux habitués à l’harmonie, dont le temps avoit fait les frais.

Il faut dire ensuite que lorsqu’il s’agit d’un ouvrage d’architecture, on doit comprendre un ensemble de parties, où l’on compte des colonnes, des chapiteaux, des profils, des ornemens et des détails souvent fort légers et très-délicats : lors donc que par le regrattage, on enlève sans risque une superficie de matière à des murs lisses, à des corps épais qui entrent dans l’ensemble de l’édifice, il n’en est pas de même des autres parties qu’on a énumérées. On n’enlevera point, sans quelque dommage pour l’accord des proportions, une surface quelconque aux diamètres des colonnes ; encore moins pourra-t-on, sans en altérer le galbe et la finesse, enlever de la matière aux volutes, aux caulicoles aux feuillages des chapiteaux. Mais le besoin de l’uniformité voulant qu’un nouvel outil repasse aussi, sur tous les détails les plus légers, pour les accorder avec la teinte nouvelle de l’ensemble, il y aura nécessairement de ces profils minces et déliés qu’on ne pourra regratter, qu’en détruisant leur légèreté et en atténuant leur effet.