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moins fixe que les propriétés des organes : physiques, pour juger des mesures et des nombres. Mais s’il arrive que, par une erreur du jugement, on porte au discernement des règles de sentiment et de goût, le genre et la mesure de critique purement rationnelle, qui ne reconnoît pour constant que ce qu’on a pesé, mesuré ou calculé, il résultera de cette méprise, ce que nous voyons en résulter souvent, savoir, que l’on niera l’existence de toute vérité qui ne sera point une vérité physique.

Toutefois cela n’empêchera pas cette vérité d’exister. L’aveugle qui nie la lumière, prouve seulement qu’il n’a pas d’yeux. Il y a de même des hommes qui n’ont point la propriété de reconnoître les vérités morales. Mais il y a toujours eu un commun consentement des hommes, qui se sont accordés à reconnoître pour vrai et pour beau, ce que quelques aveugles méconnoissent.

Il y a donc toujours eu, il y aura toujours des règles certaines et invariables de sentiment et de goût, fondées sur la nature de notre ame. Ce sont celles qui enseignent à observer ces justes rapports de symétrie et d’eurythmie, dont l’effet est de produire un tout harmonieux à l’œil, comme les règles des accords en musique, produisent un ensemble de sons agréables à l’oreille. Ce sont celles qui enseignent à faire d’un édifice, un ouvrage, dont toutes les parties, à l’instar des membres d’un corps organisé, correspondent au tout, dans un tel ordre, et avec une telle mesure, que le tout puisse indiquer la dimension de sa partie, et la plus petite partie la dimension de son ensemble. Ces règles qu’on appelle règles de proportion, ayant leur base dans l’imitation même des œuvres de la nature, ne peuvent pas être contestées, paisque celui qui les contesteroit, mécounoîtroit le principe même du plaisir que nous recevons des harmonies de la nature.

On en doit dire autant de toutes les règles de l’architecture, qui, puisées à la source des impressions que nous recevons des productions naturelles, ne sont autre chose qu’une transposition des mêmes effets, appliquée aux productions de l’art. Telles sont les règles de l’unité, que la nature a observées constamment dans ses œuvres. La nature a constitué notre esprit, ou du moins les facultés qu’elle nous a données de percevoir, de sentir et de juger, d’une telle manière, que nous avons besoin, pour recevoir d’un objet des impressions agréables, que cet objet se présente à nous sous des rapports simples, qui en rendent la perception facile. Il est clair dès-lors que toute règle qui tendra au principe de l’unité, C’est-à-dire, à faire qu’un tien commun unisse toutes les parties, et les ramène à un centre, sera une règle aussi certaine dans son genre, que celles dont le sens physique est juge Il n’y a personne qui ne soit forcé d’avouer que la multiplicité qui produit la confusion, est un obstacle au plaisir que les rapports des objets peuvent nous causer. Ainsi, les règles d’unité dans la composition d’un plan, les règles d’unité dans l’ordonnance de son élévation, les règles d’unité dans les détails de sa décoration, n’ont rien d’arbitraire. La nature ayant tracé ces règles dans tout l’ensemble, et dans chacune des parties de ses ouvrages, ce n’est point l’homme qui les a faites, ce n’est point l’artiste qui les a imaginées ; il les a reconnues, et les a transportées dans les productions de son génie.

Il en est de même des règles de caractère. Qui ne sait que la nature a imprimé à chaque sorte d’objet, à chaque espèce de production, une manière d’être, une physionomie constamment la même, qui les fait reconnoître sans incertitude, et qui est elle-même une indication évidente de ses qualités ou de ses propriétés ? L’homme ne peut guère s’empêcher d’obéir à cette sorte de loi instinctive, dans la conformation d’une multitude d’ouvrages qui, commandés par un besoin, en reçoivent aussi l’obligation, de faire connoître le genre de besoin auquel ils sont destinés. Inutile de rappeler ici l’observance de cette loi, dans tous les ustensiles, dans tous les meubles formés pour les besoins de la vie, à moins qu’un caprice ne vienne détourner leur configuration du type qui est leur règle.

Nécessairement donc il y a une règle de sentiment et de goût, dictée par la nature, qui prescrit à chaque genre d’édifice le caractère qu’il doit porter, pour répondre au besoin qui fait sa destination. En s’imposant cette règle, l’art n’a fait qu’imiter la nature dans ses œuvres, et imiter aussi les autres ouvrages, que l’industrie journalière façonne d’après les inspirations de l’instinct. Or, cet instinct universel est une loi de la nature. On ne saurait donc regarder comme arbitraires des règles, qui ont leur base dans l’instinct, c’est-à-dire, dans la nature mémo de l’homme ; et c’est ne rien objecter contre elles, que d’y opposer l’autorité des infractions qu’elles peuvent recevoir ; car il n’y auroit aucune loi du morale, de justice ou de sagesse qu’on ne pût ainsi détruire, sous prétexte qu’il y a des hommes ou des actes immoraux, injustes ou insensés.

Il y a une autre loi de la nature, que l’architecture s’est appropriée, et dont elle a fait une règle, c’est celle qui vent que dans ses œuvres, comme dans celles du grand modèle dont elle imite l’esprit, l’agréable procède toujours de l’utile. Si la nature, dans sa sagesse, a joint un plaisir à la satisfaction de chaque besoin, l’architecture s’est fait également la loi, de faire servir les détails de la construction ou des parties nécessaires, à devenir tout à la fois des objets d’agrément. Ainsi elle veut que tous les ornemens, procédant plus ou moins directement d’un principe d’utilité, indiquent leur origine, et

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