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désigner aujourd’hui par le nom de son propriétaire, mais que tout le monde connoît pour être dans le voisinage de Sant-Andrea della valle. Sa façade des mieux ordonnées, se compose de douze fenêtres, dont les trumeaux sont ornés d’un ordre de colonnes doriques accouplées, formant l’étage principal, et couronnées d’un fort bel entablement, avec des triglyphes. On ne sauroit voir un soubassement mieux entendu et d’un meilleur effet, que celui qui forme le rez-de-chaussée de ce palais. Les bossages y sont employés avec beaucoup de variété, et de manière à leur faire produire le caractère de la force sans le défaut de la pesanteur. Dans toute cette élévation, les pleins et les vides alternent entr’eux avec un accord qui sembleroit n’avoir été dicté que par l’esprit de la décoration, lorsqu’il est permis de supposer que ce seroit le besoin seul qui l’auroit inspiré.

Il y a dans l’église de Santa-Maria del Popolo, à Rome, une belle chapelle en coupole, qui appartint à Augustin Chigi, et qu’on s’accorde à reconnître pour une œuvre d’architecture de Raphael. Les écrivains vont plus loin. Ils veulent qu’il soit l’auteur des cartons d’après lesquels Sébastien del Piombo aurait exécuté les fresques dont la voûte de la chapelle est décorée, et ils lui donnent encore une part dans quelques-unes de ses sculptures, en lui en attribuant soit l’invention, soit la direction. Ce dont tout le monde convient, au reste, en voyant celle chapelle, c’est que si la main de Raphael ne s’y montre nulle part avec une évidence qui permette d’affirmer les allégations précédentes, il y a assez de son goût, pour qu’il soit difficile de les contester entièrement.

D’après tout ce qu’on vient de rapporter, il n’y a point lieu de s’étonner que, Bramante mort, Léon X ait, selon le vœu de cet architecte, nommé Raphael pour lui succéder, comme ordonnateur en chef de la construction de Saint-Pierre. Le bref du Pape, qui lui conféra cette place, se fonde non-seulement sur le suffrage de Bramante, mais encore sur ce que Raphael l’avoit justifié dans les nouveaux projets déjà donnée par lui de l’édifice.

On y apprend de plus, qu’il avoit enfin réduit à un plan définitif l’ensemble de Saint-Pierre, sur lequel il paroît que Bramante n’avoit point laissé île documens bien arrêtés. Effectivement, Raphael en fixa les données ; mais ce que nous avons nommé plan, d’une manière trop générale, consista dans un véritable modèle en relief. C’est ce qu’indique bien, dans le texte latin du bref, le mot forme, et c’est ce que confirme encore plus positivement la lettre de Raphael à Balthazar Castiglione. « Notre Saint-Pere, dit-il, m’a mis un grand fardeau sur les épaules, en me chargeant de la construction de Saint-Pierre. J’espère ne pas y succomber. Ce qui me rassure c’est que le modèle que j’ai fait, plaît à Sa Sainteté, et a le suffrage de beaucoup d’habiles gens. Mais je porte mes vues plus haut. Je voudrois trouver les belles formes des édifices antiques. Mon vol sera-t-il celui d’Icare ? Vitruve me donne, sans doute, de grandes lumières, mais pas autant qu’il m’en faudroit ».

Raphael s’étudioit donc à se rapprocher plus qu’on ne l’avoit fait encore, du goût et des formes de l’architecture antique. Vitruve ne lui offroit pas de quoi remplir complètement l’idée qu’il s’étoit formée du beau en architecture. Il visoit plus haut.

Rien ne prouve mieux, ce semble, et la délicatesse de son goût, et sa pénétration, que ce jugement qu’il porte de Vitruve, alors l’oracle et le guide de tous les architectes. Instruit qu’il devait être, et comme on l’étoit de son temps, par tous les réfugiés de Constantinople, que la Grèce avoit conservé plus d’un monument du beau siècle des arts, il sembloit pressentir la supériorité de ces originaux sur les copies que l’antique Rome en avoit faites ; il aspiroit à s’en procurer la connoissance par de nouvelles recherches. A cet effet, il entretenoit des dessinateurs dans l’Italie méridionale, et il en envoyoit, dit Vasari, jusqu’en Grèce.

Quand on sait quelle connexion de principes fait nécessairement participer tous les arts, à une sorte de communauté de style et de goût, et quand on considère combien cet effet doit être plus sensible, lorsque les ouvrages de ces arts procèdent du génie d’un même homme, on voit ce que l’architecture auroit pu devenir dans le temple de Saint-Pierre, sous la direction de Raphael. Ce monument, par son plan, et dans ses élévations, ne pouvoit, sans doute, avoir rien de commun avec les temples de la Grèce. Mais qui peut dire ce qu’auroient gagné ses proportions, ses détails, l’économie et le choix de ses ornemens ? Qui sait quelle pureté de profils, quel caractère d’élégance et de noblesse il eût acquis, par un système d’imitation de l’antique, tel que Raphael l’auroit conçu ? On ne sauroit s’empêcher de regretter qu’un édifice, qui devoit servir de modèle au goût de toute l’Europe, n’ait point été élevé sur les dessins de celui qui, dans un autre genre, n’a pu encore être ni égalé, ni remplacé.

Regrets superflus ! Non-seulement le modèle de Saint-Pierre, fait en relief par Raphael, a disparu, mais il n’en est resté qu’un seul dessin, celui du plan. C’est Serlio qui nous l’a conservé dans son Traité d’Architecture. Selon lui, et cette notion s’accorde avec les précédentes, Bramante étant mort sans laisser un projet complètement rédigé, ce fut Raphael qui ramena le vaste ensemble de sa disposition, a la forme qu’en présente le dessin qu’on vient de citer.

Ce plan est sans contredit le plus beau qu’on ait jamais imaginé, selon le système des églises