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servations des nouveaux voyageurs, rendent de cette conformation une bien meilleure raison. Selon eux, ces pyramides ne furent point terminées, et elles nous sont parvenues dans l’état d’une construction incomplète. Mais cette imperfection donne l’explication du procédé employé par les constructeurs.

Lorsque le premier noyau dont on a parlé, formé d’un monticule réel, ou plus ou moins artificiel, étoit terminé, il s’agissoit de l’envelopper d’une maçonnerie de blocage. On y procédoit en établissant, à partir d’en bas, et selon l’épaisseur convenue, des espèces de terre-pleins, allant en spirale, et formant, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, des terrasses qui tenoient lieu d’échafaudage, et présentoient aux ouvriers des chemins par lesquels ils pouvoient aller et venir dans des sens divers. En répétant, ou pour mieux dire en continuant d’élever ainsi ces sortes de chemins ou terrasses, toujours diminuant d’épaisseur, selon la pente des angles, la maçonnerie, sans embarras et sans aucune difficulté, arrivoit jusqu’au sommet.

Lorsque cette construction étoit parvenue à ce point, on voit combien il fut facile, par une opération rétrograde, de procéder à remplir, avec la même maçonnerie de blocage, les intervalles d’une terrasse à l’autre, en partant de l’angle de la terrasse supérieure, jusqu’à l’angle de celle qui lui étoit subordonnée.

En suivant ce même procédé du haut jusqu’en bas, la pyramide se trouvait très-régulièrement conformée en talus, dans ses quatre faces, sans qu’il ait été besoin d’employer le moindre échafaudage ; car c’est là le point de vue qui devoit guider les constructeurs, dans un pays qui manquoit généralement de bois. Ajoutons que, pour une telle construction, l’échafaudage eût exigé de fort grandes difficultés, et des dépenses considérables.

Maintenant, comme on voit, s’expliquent les pyramides de Saccara, qui offrent de ces étages, ou terrasses en retraite les unes au-dessus des autres, et rien ne peut rendre un meilleur compte du procédé de bâtir, simple à la fois, commode et peu dispendieux, qui servit à élever, dans la proportion déterminée, la masse générale de la pyramide.

Nous voici donc arrivés au point où commence l’opération de l’enveloppe en pierres de taille, qui va cacher la masse de maçonnerie en blocage, dont on vient d’indiquer la construction. Nous parlons surtout des pyramides de Gyzée.

Loin qu’on doive les considérer comme des masses toutes d’une seule matière, il faut les regarder comme ces fruits que la nature a revêtus d’un grand nombre d’enveloppes. Nous en avons déjà distingué deux, nous arrivons à la troisième.

Elle se composoit d’assises faites d’une pierre de taille peu dure à la vérité, si on en croit les voyageurs, mais d’une consistance assez grande pour se laisser tailler en blocs de toute étendue. Il est difficile d’évaluer avec certitude la dépense et le temps que demanda cette enveloppe de pierres. Nous ignorons effectivement jusqu’à quelle profondeur de la masse totale elle s’étend, c’est-à-dire, s’il y a plusieurs de ces rangs ou assises de pierres disposées les unes en avant des autres. Mais les indications dont on parlera dans la suite, doivent faire croire que le parement en pierres ne se composa que d’une seule couche de pierres. Quoi qu’il en soit, nous savons, et par les notions d’Hérodote, et par le fait de l’ascension facile jusqu’au sommet de la grande pyramide, que ces assises formoient des degrés en retraite l’un sur l’autre. C’est en montant, comme on l’a vu plus haut, tous ces degrés, que l’on est parvenu, par la mesure de chacun en hauteur, à connoître très-précisément celle de la masse totale, en ligne perpendiculaire.

Le nombre des assises existantes au temps de l’expédition d’Egypte, étoit de 205 ; il est probable qu’il devoit en manquer au moins deux dans le haut. Sur ces 205 assises on en trouve 90 dont la mesure en hauteur varie depuis 1 pied 11 pouces, jusqu’à 1 pied 8 pouces ; le plus grand nombre est de 1 pied 10 pouces. On compte 101 assises dont la hauteur varie depuis 2 pieds 11 pouces, jusqu’à 2 pieds ; 13 assises dont la hauteur varie depuis 3 pieds 10 pouces, jusqu’à 3 pieds. Enfin deux seules assises, l’une de 4 pieds de hauteur, l’autre de 4 pieds 6 pouces.

Il ne paroît pas, d’après le tableau arithmétique de toutes ces assises, qu’il y ait eu un ordre, établi dans l’emploi qui fut fait de ces différentes mesures de pierres. On remarque seulement que les six premières assises d’en bas sont composées de pierres dont la hauteur varie de 3 pieds 10 pouces 6 lignes, jusqu’à 3 pieds. Du reste, le hasard paroît avoir contribué seul à entremêler ces différens ordres d’assises.

Hérodote nous avoit déjà appris que la grande pyramide avoit été ainsi formée d’assises de pierres disposées en degrés, qui depuis ont servi d’escalier aux curieux pour monter au sommet, mais qui, dans l’intention des constructeurs, devoient servir de moyen fort naturel pour l’ascension des pierres. « Elle fut bâtie (dit cet historien) en forme de degrés…… Après qu’on l’eut ainsi façonnée, on éleva le reste des pierres, à l’aide de machines faites de pièces de bois courtes ; on les monta d’abord sur le premier rang d’assises. La pierre, arrivée sur ce premier degré, étoit reçue par une seconde machine placée elle-même sur le second degré. De-là, et de machines en machines, on la faisoit monter de degré en degré ; car il y avoit autant de machines que d’assises. Ou bien l’on transportoit au degré qu’on vouloit, la machine, qui étoit