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Une élévation d’un goût pur consistera dans une distribution sage et régulière des différens ordres, dans l’application judicieuse de chacun, au caractère propre de l’édifice, dans un juste accord entre les pleins et les vides, dans un heureux équilibre entre les parties lisses et les parties ornées, dans une succession bien graduée des richesses de la décoration, proportionnées aux convenances de chaque local. On juge volontiers de la pureté du goût de l’architecte en ce genre, par ce qu’on appelle l’art des profils (voyez Profils, Profiler), par cette distribution judicieuse et élégante des membres qui les composent, et qui est à l’architecture, en quelque sorte, ce que sont la prosodie à la poésie, la diction à l’éloquence, ou ce qu’on appelle le style à l’art d’écrire.

Nous avons dit qu’il y avoit aussi, pour l’architecture, une pureté d’exécution. C’est celle qui consiste, après le choix fait des détails et des ornemens, dans la manière de les exécuter, d’en rendre l’effet clair, harmonieux et élégant. La pureté d’exécution en ce genre, quoiqu’elle doive résulter en grande partie d’un travail plus ou moins mécanique, indépendant de l’architecte, n’en est pas moins due à son goût et à sa direction. C’est d’abord sur ses dessins et d’après les modèles qu’il donne, que les ouvriers travaillent. Il lui appartient ensuite d’eu surveiller la copie et d’exiger ce fini précieux, qui doit rendre toute sa pensée. Rien de plus important que cette pureté d’exécution, et toutefois rien de plus difficile que de l’obtenir, tant sont nombreuses les causes et les circonstances qui s’y opposent. Ainsi, il suffit d’une matière ingrate, d’une-pierre molle ou réfractaire, pour ôter aux arêtes des profils, aux contours des ornemens, leur finesse et la justesse de leur galbe. De mauvaises pratiques chez les ouvriers, l’économie du temps, et par conséquent de la dépense, amènent des procédés expéditifs, d’où résulté un travail grossier et imparfait, soit dans la manière de dresser les paremens, d’aviver les arêtes, soit dans l’art de fouiller les dessous des ornemens, des feuillages, des rinceaux. Ce manque de soin est seul capable, en dépit du projet et des dessins de l’architecte, d’enlever à son édifice, avec la pureté d’exécution, le charme qui devoit appeler les yeux à jouir de son effet. On ne sauroit trop faire observer, combien généralement le poli des matières, soit pierres, soit briques, soit enduits, contribue, par l’espèce de pureté matérielle ou mécanique qu’il produit, à augmenter l’impression de la pureté d’exécution, qui dépend du goût de L’architecte.

Nous avons dit, au commencement de cet article, que le mot pureté comportoit, dans le langage des arts modernes surtout, et spécialement de l’architecture, une acception particulière qui méritoit d’être développée à part.

De tout temps, sans doute, dans l’architecture grecque, et chez tous les peuples qui l’ont professée, il y a eu, en opposition avec la qualité qu’on vient de définir, un défaut qui s’est fait plus ou moins reconnoître par des effets contraires à ceux que produit la pureté. Cependant il paroît qu’il en fut de cet art comme de tous les autres. Plus près de son origine, mieux approprié aux besoins moins multiplies des sociétés, soumis à des traditions plus constantes, à des lois nées des usages mêmes, expression plus simple à la fois et plus claire des convenances et des causes qui avoient su y réunir, sous un lien commun, l’utile au plaisir, la raison et le goût ; cette alliance y conserva long-temps une certaine uniformité de rapports, une régularité de proportions, une continuité des mêmes types, une sobriété d’ornemens et de détails, tour à tour effet et principe de cette qualité, à laquelle nous avons donné le nom de pureté.

Ce nom, dans le sens que nous lui appliquons ici, signifie à peu près au moral, ce qu’au physique on exprime, en parlant d’une eau prise à sa source ou près d’elle. Tout tend à se corrompre plus ou moins dans les productions des arts, par un mélange d’idées, de formes, de besoins, mais surtout par l’oubli des principes, c’est-à-dire, des raisons premières qui ont servi de base aux inventions. Une lassitude de ce qui est ancien, une manie d’innovations, s’emparent des sociétés comme des individus. On oublie que ce qui existoit, étoit le produit d’une création lente et successive, et on croit le remplacer par une création subite. Mais l’avantage de la durée n’a point été donné, à tout ce qui manque de la longue élaboration du temps. Une nouveauté fait bientôt place à d’autres, et le goût des arts, ainsi que leurs ouvrages, n’offrent qu’une succession rapide de modes, qui se détruisent l’une par l’autre.

Cependant cette triste facilité d’innovations n’a lieu, qu’au moyen de la malheureuse faculté de mélanger sans cesse, d’une façon toujours nouvelle, des élémens incohérens qui ne sauroient s’allier, qui rassemblés un moment pour récréer les yeux par leur diversité, appellent continuellement de nouveaux mélanges.

Telle a été, à quelques degrés près, la destinée de l’architecture grecque, en se propageant à travers les siècles et chez tant de peuples. Sans doute la progression de ce mélange corrupteur de la pureté, n’a été ni toujours continu, ni sans quelques retours aux principes, qui toujours peuvent lui rendre sa vertu première.

Suivre l’histoire de cette progression et de ses vicissitudes, ce seroit faire l’histoire du goût de cette architecture ; et comme cette histoire se trouve dans le plus grand nombre des articles de ce Dictionnaire, nous nous bornerons ici à faire connoître, que c’est particulièrement par la confusion des types principaux de cet art, et par la

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