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peu la plupart de nos antiques monumens, tandis qu’en Italie on a tant pris de soin à les exhumer, à les rétablir et à les illustrer par de savantes restaurations ! Nîmes, Orange, Arles, Bordeaux et tant d’autres villes contenoient des précieux vestiges d’architecture romaine ; ils ont été presque tous mutilés ou convertis à des usages étrangers à leur destination primitive ; pendant que nous avions sous les yeux l’exemple d’une longue série de papes et de souverains d’Italie qui tous s’illustrèrent par leur amour pour les arts, et la restitution des chefs-d’œuvre de l’antiquité. Quelques-uns de nos rois, il est vrai, essayèrent de soulever le voile de barbarie qui nous déroboit nos propres richesses ; mais ce n’est que de nos jours, et seulement depuis quelques années, qu’on s’occupe avec succès de la recherche des antiques sur le sol de la France. La ville de Nîmes possédoit déjà un bel héritage en antiquités, mais elle vient de s’enrichir de monumens inconnus jusqu’à ce jour, et qui font de la Maison carrée un temple de la plus magnifique ordonnance. Nous profitons d’une Notice publiée à ce sujet pour donner une légère idée des découvertes faites en 1820 et 1821, renvoyant d’ailleurs nos lecteurs aux grands ouvrages déjà publiés sur les antiquités de cette ville.

Ce fut environ vers le milieu du dix-huitième siècle que l’on commença les travaux nécessaires pour rendre les eaux de la fontaine de Nîmes plus abondantes, et qu’on fit la recherche et la collection des monumens antiques provenant des fouilles ; mais ce ne fut que long-temps après qu’on fit prendre une direction plus uniforme aux recherches.

Le temple qu’on appelle la Maison carrée nous offre, dans sa restauration actuelle, l’un des monunmens antiques les plus complets que l’on connoisse, et qui, par ses accessoires, est devenu un modèle curieux de la disposition générale des temples antiques : car on ne met plus en question maintenant la destination primitive de cet édifice, dont on avoit fait, tantôt une basilique, tantôt un prétoire ; enfin, un temple faisant partie d’un forum. Cette dernière supposition est changée eu certitude.

La Maison carrée offre en plan un parallélogramme rectangle de 25 mètres 65 centimètres de longueur, sur 13 mètres 45 centimètres de largeur.

Trente colonnes cannelées décorent son extérieur ; le pérystile en présente six de front : on en voit onze sur les faces latérales, mais c’est à la quatrième seulement que commence l’enceinte proprement dite ou la cella ; à partir de ce point, elles sont à demi engagées dans le mur d’enceinte du corps de l’édifice. La hauteur des colonnes, est de 8 mètres 95 centimètres, base et chapiteau compris. Ceux-ci, taillés eu feuilles d’olivier, sont sculptés avec une rare précision. Les feuilles ont un grand relief, et leur proportion, leur galbe et leurs détails ne laissent rien à désirer, ainsi que les profils et le choix des ornemens de l’architecture. La frise et la corniche qui composent l’entablement ont 2 mètres 24 centimètres de hauteur.

L’intérieur de la cella u’offre maintenant que des murs nus, mais il est probable que sa décoration correspondoit à la magnificence du dehors. De nombreux fragmens de marbres précieux, trouvés dans les dernières fouilles, pourroient aider à en faire une restauration.

Au reste, les différentes révolutions que cet édifice a éprouvées, et les usages auxquels il a été successivement consacré, ont contribué à cette dévastation.

Ces vicissitudes datent de fort loin ; on pourroit les faire remonter au siècle d’Auguste. En effet, sans parler de l’établissement de la colonie, fait par cet Empereur, et de la médaille frappée en son honneur, le témoignage d’anciennes inscriptions et la découverte de lettres de métal attachées sur la frise de l’architrave de la Maison carrée, nous apprennent que cet édifice fut consacré, l’an de Rome 754, en l’houneur de Caïus et de Lucius César, enfans adoptifs d’Auguste et princes de la jeunesse ; d’où il suit que la richesse de la ville remontoit beaucoup plus haut, puisque les Nîmois étoient alors en état d’ériger un tel monument. Il paroît même démontré aujourd’hui que ce temple, avant d’être consacré aux enfans adoptifs d’Auguste, l’avoit été primitivement à une divinité ou à quelqu’autre prince : c’est ce qui résulte de la composition de l’inscription elle-même. Elle offre deux lignes, dont la seconde est coupée par l’un des bords de l’encadrement ; or, peut-on supposer que les habiles constructeurs de cet édifice aient ainsi violé les règles de la plus simple symétrie ? Il est plus naturel de penser que la flatterie a fait disparoître la première inscription pour y substituer une nouvelle dédicace : c’est ainsi que sur les épaules des statues impériales, on substituoit de nouvelles têtes à chaque changement de règne.

Vers le milieu du onzième siècle, on convertit la Maison carrée en hôtel-de-ville ; l’intérieur fut divisé en plusieurs pièces, et des fenêtres furent percées dans l’épaisseur des murs. Au commencement du seizième siècle, elle fut vendue à un particulier qui y adossa une maison ; quelque temps après, un nouvel acquéreur plus barbare convertit le sanctuaire en écurie ; enfin, en 1670, par un contraste singulier, les religieux Augustins l’achetèrent pour en faire une église, dont l’administration centrale s’empara ensuite pour y tenir ses séances publiques.

Cependant la Maison carrée, débarrassée successivement des bâtisses et des remparts qui en déroboient la vue, attira l’attention, et l’on s’indigna d’avoir laissé dépérir un si bel édifice. Un

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