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général put servir, par ses divisions et ses subdivisions, à établir dans l’imitation le même principe d’harmonie, que la nature a établi dans l’organisation des corps.

Comment l’art de l’architecture ne se seroit-il pas approprié cette science, et ne l’auroit-il pas appliquée à des constructions déjà si propres par la nature de leur matière, à recevoir cette perfection ? Comment, associé dans les édifices aux œuvres de la sculpture, auroit-il pu rester étranger au principe si évident de la beauté de ces ouvrages ?

Mais pourquoi mettroit-on cela en doute ? La chose n’est-elle pas aussi certaine, aussi évidente dans la formation des ordonnances des Grecs, qu’elle l’est dans la conformation de leurs statues ? Un édifice construit selon le principe de cette architecture, n’est-il pas doué de la même vertu d’organisation que celle des corps créés par la nature ?

Qu’on interroge toutes les autres architectures, on n’y trouvera point ce que nous donne celle des Grecs. Hors ces grands rapports de proportion simple, dont nous avons parlé, dans les masses générales des édifices, vous demanderez en vain à l’architecture de l’Egypte, qui nous est aujourd’hui bien connue, de nous prouver que les parties qui constituent ses colonnes et ses entablemens, sent dans un rapport constant de mesures réciproques. Ainsi la même colonne égale en diamètre, soit dans le même édifice, soit dans deux édifices, aura un chapiteau tantôt plus haut, tantôt plus bas. Ce chapiteau, sur le même genre de colonne, sera tantôt simple, tantôt composé de deux, tantôt de trois chapiteaux l’un sur l’autre ; et les rapports du même chapiteau avec la mène colonne, seront si arbitraires, que ni la colonne seule ne pourroit nous faire deviner quel fut son chapiteau, ni le chapiteau à quelle colonne il appartint. La même colonne aura, selon les hasards de la construction, plus ou moins de ses diamètres en hautenr ; la distance des entre-co-lonnemens n’y est réglée par aucune autre mesure, que celle des dalles de pierres destinées à servir de plafonds. Du reste, à peine y a-t-il lieu à rapports des parties entr’elles, dans une architecture qui se compose d’aussi peu de parties, dont l’uniformité semble être le principe élémentaire et constitutif, dont tous les couronnemens ne consistent que dans un seul et unique membre, toujours le même, à tous les édifices, de quelque dimension qu’ils soient, et quel qu’ait, été leur emploi.

Plus inutilement encore chercheroit-on un système de proportion dans l’architecture gothique, qui n’eût rien en propre à elle, qui, quant a ce qu’on peut appeler formes, ordonnances, détails, ornemens, ne fit qu’une compilation sans cohérence aucune, de tous les débris de l’architecture que lui transmit le Bas-Empire. Sa construction d’ailleurs, ou le genre de bâtir, en quoi consistent sur-tout et le caractère de ses conceptions, et le genre de sa décoration, semblent avoir rendu impossible cette liaison des membres et des parties, d’où résulte la proportion. Le gothique, placé par son goût, à l’extrême opposé de l’architecture de l’Egypte, eut une telle multiplicité de détails répartis sur une telle étendue, et à de telles distances les uns des autres, que la diversité, qui fait son caractère, dut empêcher l’esprit d’y chercher de ces combinaisons de rapports réciproques, qu’on peut réduire en système. En vain, par conséquent, voudroit-on conclure d’une des parties d’un chapiteau à la mesure du chapiteau, de celui-ci à la hauteur d’une colonne, et du diamètre de la colonne à la distance de l’entre-colonnement. Un assez petit édifice vous offrira de très-gros piliers, et un beaucoup plus grand en aura de beaucoup plus petits.

Il faut dire encore que la proportion dans le sens où on doit l’entendre, c’est-à-dire, comme imitation de celle des corps organisés, n’est pas une chose qui doive résulter nécessairement de l’art de bâtir en tout pays. L’esprit de l’homme ne s’y trouve pas conduit nécessairement, C’est que la proportion dans les corps organisés, n’est pas un simple objet de plaisir pour les yeux ; elle est liée au contraire au besoin. Tous ces rapports si justes et si bien combinés que nous y admirons, le sont ainsi, pour remplir une fonction nécessaire.

N’en doutons pas, si l’architecture n’avoit dû avoir des rapports proportionnels, entre toutes ses parties, que pour plaire aux yeux, de la manière dont nous plaisent certains jeux, il est fort probable que jamais on ne les eût inventés ; et ce qui est plus que probable, c’est que nous aurions su peu de gré à l’inventeur d’un badinage inutile.

Or, tel est le privilège du système proportionnel de l’architecture grecque, que ce ne fut ni le hasard, ni le caprice, qui en furent les auteurs, mais, ainsi qu’on l’a dit bien des fois, une raison fondée sur la nature même des choses, et qui donna naissance à cet art. Sitôt, en effet, que toutes les parties d’assemblage, dont la charpente composa les premières constructions, furent devenues le modèle de la construction en pierre, l’architecte trouva dans chacune de ces parties, une raison sensible d’être ce qu’elle étoit, quant à la forme, et une autre raison tout aussi évidente dans les mesures de ces formes, et dans leurs rapports entr’elles. L’art se donnant pour règle, d’imiter ces premiers types, eut d’abord un point fixe qui le garantit du vague indéfini de la fantaisie. Il trouva dans l’emploi des soutiens primitifs, formés par les tiges d’arbres façonnées en poutres, une sorte de modèle, qui fixa naturellement les rapports de hauteur et d’épaisseur pour le fût de la colonne. Les chapiteaux, les tores, les tailloirs, les architraves, les triglyphes, les métopes, les mutules, les modillons les frontons représentant

Dict. d’Archit. Tome III
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