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grandeur de sa masse. Un grand tout doit avoir de grandes parties. C’est, comme on l’a dit au mot Principe, un axiôme en architecture ; et l’inverse de cette proposition n’est pas une vérité moins évidente. L’entablement, dans toute masse d’architecture, est nécessairement ce qui forme l’ensemble de profils le plus nombreux. Or, cette partie peut être considérée, par rapport au corps de l’édifice, comme la tête par rapport au corps de l’homme : rien de plus choquant qu’une tête exiguë sur une stature colossale, et vice versa. Si l’entablement, ainsi que la tète d’une statue, doit se conformer à la proportion du bâtiment, il faut aussi que les détails, comme les parties du visage dans une tête, participent aux données de l’ensemble, et cela non-seulement pour ce qui est des mesures, mais pour ce qui régarde l’effet. L’effet des profils dépendant non-seulement de leurs rapports entr’eux, de l’accord comme de l’opposition de leurs formes et de leurs contours, mais aussi de leurs saillies et de leurs renfoncemens, if importe que l’architecte proportionne, à l’effet de ta masse générale l’effet des profils. Or, cet effet peut se varier infiniment. Le plus ou le moins de fouillé, l’âpreté plus ou moins grande, le plus ou le moins de douceur dans le prononcé des montures, contribueront produire ce plaisir qui résulte du bon accord des parties avec l’ensemble de chaque monument.

Ce qu’on vient de dire de l’effet des profils, relativement à la dimension des édifices, on le dira également de la manière de profiler, eu égard à la distance de laquelle les profils doivent être vus. La diversité des distances entre dans les considération les plus importantes sur la composition et l’exécution de toute architecture. Entre les monumens, il en est qui, n’ayant point d’intérieur, doivent figurer seulement par leur effet extérieur, comme les arcs de triomphe, les colonnes monumentales, etc. Ces sortes d’édifices ne sauroient prescrire aux spectateurs le point précis d’où ils doivent être vus. Nous avons dit ailleurs (voyez Point d’aspect) qu’il est, à cet égard, une mesure de distance, indiquée par la grandeur du monument même, au-delà de laquelle ou ne sauroit exiger des détails ou des profils, de faire le même effet que si on les voyoit de près. C’est donc pour leur vrai point d’aspect, que doit être calculé l’effet des profils, dans ces sortes d’ouvrages.

Mais les édifices qui se composent d’un local intérieur, présentent, à l’art de profiler les entablemens et autres objets, des points beaucoup plus fixes. Généralement on peut dire qu’il importe à l’effet de la grandeur, dans les intérieurs, que les profils soient tracés avec moins de sevérité, et traités avec moins de saillie. Ces détails d’exécution, qui tendent à rapprocher des yeux l’objet sculpté, tendent aussi à anémier l’effet général de l’espace, c’est-a-dire, l’idée qu’on se fait de la dimension d’un local.

Il résulte de toutes ces considérations, que l’art de profiler est en quelque sorte, pour l’architecture, ce qu’est l’art de moduler, pour la musique ; ce que sont les genres de style, pour l’art d’écrire ; c’est un moyen de rendre sensible le caractère plus ou moins grave, plus ou moins léger, qui appartient à l’édifice, considéré sous le rapport de son emploi.

Les différens ordres sont, en quelque sorte, un résumé sensible et de la doctrine générale et des moyens de l’art de profiler. On sait assez que chaque ordre est l’expression aussi claire, qu’il soit possible que des lignes et des contours la donnent, des principales qualités morales et des propriétés qui appartiennent à chaque genre d édifice. Or, chaque ordre diffère d’un autre, et par le nombre et par le goût des profils qui entrent dans ses combinaisons. L’ordre qui exprime la force et la solidité, a un petit nombre de profils, et chacune de set moulures se distingue par la plus grande saillie possible, par les formes les plus prononcées, par des passages brusques, et par l’absencede presque toutes les découpures, ou des ornemens dont la sculpture se plaît, dans les autres ordres, à entailler les parties de la modénature. Qu’on oppose a l’aspect de cet ordre, celui de l’ordre qui exprime la légèreté et la richesse. Qu’y, voit-on ? Des membres multipliés, des transitions plus douces d’une forme à l’autre, des saillies plus ménagées, des moulures, dont l’ornement qu’on y taille atténue la sévérité. Il n’y a personne qui, en recevant de chacun de ces deux ordres, une impression tout-à-fait contraire, ou au moins différente, selon le degré d’évidence que l’artiste aura donné à l’expression de chacun, ne puisse se rendre compte du pouvoir qui appartient à l’art de profiler.

L’ordre doit bien une partie de son effet sur nos sens, dans l’emploi qui lui est donné, à la nature de sa forme générale, à sa constitution spéciale et à ses proportions ; mais si on le dénuoit de la parure, en quelque sorte accessoire de ses profils, qui en sont comme le dévelopment et l’explication, il perdroit une grande partie de sa valeur. Chaque ordre, si l’on veut, s’est approprié les profils qui lui conviennent, et semble, en se les associant, leur avoir donné une signification incontestable. Mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a ici réciprocité, el que les profils contribuent aussi à fixer l’expression et le sens propre de chacun des ordres.

Tout ceci, au reste, a eu pour but de faire bien comprendre quelle est, dans le langage de l’architecture, la vertu des profils et l’importance de l’art de profiler. C’est à cela surtout que se reconnoît l’habileté de l’architecte. Cet art est en quelque sorte pour lui, ce qu’est la diction pour l’écrivain, et, comme il est rare que ce qui fait le mérite du style, ne se trouve pas chez les auteurs, que recommande aussi celui de l’inven-

tion