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blables détenus, avec les criminels ou les prévenus de crime. Une prison pour dettes n’aura donc ni à l’extérieur, ni dans son interieur, l’aspect d’une maison de force ; où tout doit annoncer ou inspirer une sorte de terreur. Cette prison tiendra plutôt du caractère des hospices ; elle offrira des logemens sans luxe, mais pourtant commodes, des lieux de réunion, des cours, des promenoirs, etc. Le détenu pour dettes est souvent obligé, pour l’arrangement de ses affaires, de recevoir du monde, et rien n’oblige de le priver des communications du dehors.

Nous en avons dit assez, pour faire sentir les variétés que l’architecte est tenu d’apporter, dans les dispositions intérieures des prisons.

Quant à l’extérieur, on voit qu’à peu d’exceptions près, une prison étant un lieu de sûreté et de force, doit, autant qu’il sera possible, être isolée, environnée même d’un mur, pour rendre la garde du bâtiment principal plus facile. Sa construction doit être de matériaux les plus solides, de pierres les plus dures. Les étages seront voûtés, pour qu’il ne puisse y avoir de moyen d’intelligence entre ceux qui les habitent ; des terrasses occuperont le comble, et seront encore, par les sentinelles qu’on y placera, un point de surveillance important.

Quant au style et au caractère de l’édifice, on doit dire que toute application d’ordres et de colonnes, si elle n’y est un défaut, y passeroit pour une inconvenance. Quoique l’on puisse trouver dans la gravité et la sévérité de l’ordre, dorique, plus d’une nuance propre à exprimer l’idée de force, qui appartient au caractère d’une prison, il nous semble cependant qu’un semblable édifice doit se considérer, comme en dehors de l’échelle des tons architectoniques. L’idée seule de la destination du local, doit commander à l’extérieur l’absence de tout luxe et de tout ornement. Or, toute ordonnance de colonnes comporte, pour sévère qu’elle soit, des détails, des profils, des accords du ligne, d’intervalles, de proportions, d’où naît pour les yeux un agrément, dont il semble que l’esprit préfère l’absence, dans le frontispice d’un lieu de peine et de correction.

L’harmonie qui doit unir eutr’eux le dedans d’un, édifice, avec son dehors, nous semble encore une raison qui doit tendre à priver l’extérieur de tout agrément, que l’on trouveroit en contradiction avec l’aspect de l’intérieur. Toutes les parties de cet intérieur devant être massives, simples et sans détails, le style de l’extérieur devra s’y conformer.

Nous avons indiqué, dans l’emploi qu’on fit en beaucoup de lieux, des châteaux-forts et donjons du moyen âge, pour servir de prisons, la cause qui dispensa pendant long-temps de construire des édifices exprès pour cette destination. Cependant il ne manque pas d’exemples modernes à citer, qui peuvent guider l’architecte soit dans


la disposition intérieure, soit dans le caractère extérieur des prisons.

Pour ce qui est de la distribution et du plan d’une prison de correction, on ne connoît pas d’ensemble mieux combiné, que celui de la maison correctionnelle de Gand. Il seroit difficile d’imaginer un plan qui, dans un espacé donné, contienne autant de corps de bâtimens, séparés entr’eux, tous isolés, suffisamment aérés, et liés plus heureusement à un centre commun. Ces avantages sont dus à la forme octogone du plan. Chacun des rayons qui répondent aux angles, est un corps-de-logis, ce qui donne entre chacun d’eux l’espace d’une cour. Une grande cour, octogone elle-même, occupe le centre, auquel aboutit chacun des corps de bâtiment, en se rattachant au bâtiment qui forme cette cour. C’est une sorte de réseau, dont les fils correspondent au centre. L’on comprend comment cette grande division de bâtimens séparés, est favorable à l’ordre et à la tranquillité, et combien la surveillance y devient facile.

Palladio, liv. 3, ch. 16 de son Traité d’architecture, a donné en peu de mots les idées les plus justes sur l’établissement des prisons. « Elles doivent être (dit-il) placées dans un lieu sûr, et entourées de hautes murailles qui les garantis sent de l’attaque des séditieux. Il faut les faire saines et commodes, parce que leur objet est non de punir, mais seulement de retenir ceux qu’on y enferme. On devra donc construire les murailles de grandes pierres, cramponnées avec du fer au du bronze, et ensuite on les revêtira, tant eu dedans qu’en dehors, de briques, I’ar ce moyen on préservera leur intérieur de l’humidité, sans diminuer la solidité de la construction. On placera les logemens des gardiens à portée des chambres des prisonniers, pour qu’on puisse facilement les surveiller. »

On trouveroit à citer, en Italie, plus d’une prison ou maison de correction conçue et disposée avec beaucoup d’intelligence. Telles sont à Rome les carcere nuove. Telle est à Milan la maison de correction, dont le plan offre une distribution intérieure conçue avec beaucoup de symétrie et d’intelligence.

Mais s’il nous faut citer quelque prison qui, par sa masse extérieure, pour le style et le caractère de son architecture, réponde à l’idée que le goût et l’esprit des convenances se sont d’un semblable édifice, nous sommes obligés de prendre nos exemples dans les ouvrages en ce genre les plus récens.

En France, nous ferons mention de la prison de la ville d’Aix, construite sur les dessins de Ledoux. Sa masse offre un grand caractère de simplicité. C’est un quadrangle dont les quatre façades sont pareilles ; chacune se compose d’une grande ligne que terminent deux espèces d’avant-corps, qui toutefois sont sans saillie, mais que distinguent