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dans cette disposition que la nature a partout établie, de ce classement des parties d’un tout, qui, par une subordination constante (qu’on pourroit appeler une sorte d’hiérarchie), conduit facilement à discerner ce qui, sans cela, domeureroit confus.

Dans l’ordre politique, nous concevons d’un seul aperçu, et du premier coup, toute organisation sociale, où les rangs sont disposés de manière, à ce que notre esprit monte aisément du dernier au premier, et en redescende de même. Supprimez cet ordre, vous ne trouvez plus que confusion. C’est la différence d’une multitude rangée en amphithéâtre, ou d’une foule où tous les individus se cachent et se confondent.

Qu’on parcoure tous les domaines de la nature et de l’intelligence, on verra que dans tous, l’ordre est fondé sur cette progression, et les rapports gradués de la plus petite partie avec son tout. Comme l’arbre a son tronc, d’où partent les maîtresses branches, qui donnent naissance à de plus petites en se ramifiant jusqu’aux moindres, en sorte que chacune est dépendante du tronc qui est le principal, vous trouverez de même dans la conformation des montagnes, ainsi que des pierres, des plantes, ainsi que des animaux, un point de centre, lien de l’organisation générale, d’où de proche en proche dépend chaque partie. Or, ce point de centre, ce principal, est ce qu’en tout genre il faut d’abord saisir, soit qu’on veuille se rendre compte de l’objet à connoitre, soit qu’on veuille l’imiter.

Il y a de même dans tout ouvrage de l’esprit, une idée primaire, une pensée capitale, un raisonnement principal qui sert de base aux idées, aux pensées, aux raisons, qu’on appelle accessoires, par cela, qu’elles semblent ne faire que s’ajouter à ce qui est comme le noyau autour duquel elles se groupent.

Si l’on reconnoît cette loi générale de la nature physique dans la production de tous les êtres, et si l’on est forcé d’avouer qu’il est aussi dans la nature morale ou dans la constitution de notre esprit, de procéder en vertu de la même loi, nous ne pouvoir nous empêcher de la regarder comme formant un des principes fondamentaux de l’architecture.

Plus d’une fois nous avons fait voir que l’imitation de la nature par cet art, étoit beaucoup moins positive et matérielle que dans les autres, et qu’elle consistoit particulièrement en ce que l’architecture imite moins les ouvrages de la nature, extérieurement considérés, que l’esprit de ces ouvrages, que la manière dont la nature a procédé en les formant.

Si c’est à faire dans ses ouvrages, comme la nature fait dons les siens, que l’architecture doit tendre, l’artiste doit donc s’étudier à appliquer aux productions de son génie cette loi fondamentale, que nous venons de voir être celle de la nature, et d’où résulte le mérite de l’unité, mérite essentiellement lié à cette disposition, qui admet un point principal auquel se coordonnent les parties.

Quand on cherche à s’expliquer les nombreuses variations du goût chez les Modernes, en fait d’architecture, on ne tarde point à voir qu’elles sont provenues d’une confusion produite par plus d’une cause, entre ce qui, dans la composition d’un édifice, ou dans le système général de l’art, est le principal et ce qui est l’accessoire. Les Grecs, inventeurs de leur système architectural, voient dû à cela même que ce système étoit né, chez eux de quelques causes qu’on peut appeler naturelles, puis à l’élude des arts imitateurs plus directs de la nature, enfin à l’influence des lois de la proportion, de pouvoir fixer dans leur art de bâtir un type constant, qui ne fut autre chose que l’établissement et la mise en action de la loi d’unité, laquelle subordonne au principal toutes les parties accessoires. La puissance de cette loi empêcha la variété d’outrepasser les limites que le goût lui assigne, c’est-à-dire, empêcha ce qui n’est qu’accessoire, d’envahir et d’usurper la place et le rang de ce qui fait le principal.

D’autres climats, d’autres besoins, d’autres usages chez les peuples modernes, lorsque les arts de l’antiquité y reparurent, rendirent nécessaires plus d’une modification à la sévérité du système antique. Les quinzième et seizième siècles produisirent de célèbres architectes, qui surent encore rester fidèles aux lois fondamentales de la nature, tout en se permettant de sacrifier aux besoins nouveaux, ou par quelques suppressions, ou par quelques additions dans les parties accessoires.

Mais bientôt ces variétés amenèrent des nouveautés, et d’innovations en innovations, on vit l’architecture, secouant le joug de toute espèce de raison, prétendre qu’elle n’étoit faite que pour parler aux yeux, et les amuser par une sorte de spectacle de lignes, de formes, de contours, d’ornemens tout-à-fait arbitraires. On prétendit que tout ce qui pouvoit s’exécuter sans compromettre la solidité effective, étoit admissible. Dès-lors aucune ligne ne fut tracée en vertu d’une raison, aucune forme ne représenta aucune origine, aucun contour dans un plan ne fut l’expression d’aucun usage, aucun ornement n’émana d’aucun caractère significatif, il n’y eut plus rien de principal dans aucune ordonnance. Tout accessoire put eu usurper le semblant. Nul système régulateur de l’emploi et de la place de chaque détail, n’eut le pouvoir d’y établir ni rang ni accord, et l’on eut l’entière confusion : l’on n’eut ni tout ni parties.

En tout et dans tout ouvrage, il doit donc y avoir un point principal, qui domine et s’assujettit les parties dont il se compose. Si ce qui de sa nature est accessoire tend à devenir principal, l’ordre naturel des choses est violé, la raison fon-

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