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Les gothiques n’ayant point ce qu’on doit appeler un système d’architecture ou, ce qu’on voudroit appeler ainsi, n’étant, quant à la décoration et à l’ordonnance des parties, qu’un mélange arbitraire de formes nées de toutes sortes de débris, sans convenances tatives, sans aucun principe de ce goût qui demande que chaque chose ait sa raison, que chaque détail explique le motif le son emploi, les constructeurs des églises n’éprouvèrent aucun embarras pour en décorer les frontispices. Avec les tours qu’ils élevœnt à l’entrée des églises, avec les arcades aiguës, aveu les grandes roses, les clochetons, les pyramides, et à l’aide d’une quantité innombrable de figures, de reliefs, de sculptures, d’ornemens mille fois répétés, ils sirent de leurs portails, des recueils indigestes de tout ce que l’art peut créer de plus difforme.

Quelques-uns cependant présentent des masses et des lignes qui, vues de très-loin, offrent quelque chose d’assez imposant. C’est tout ce qu’on doit dire des frontispices d’églises gothiques. Ils perdent à mesure qu’on en approche, et qu’on en voit les détails. La multiplicité, l’incohérence, le goût maussade de l’ornement, l’ignorance de toute imitation, la barbarie du dessin, révoltent les yeux et rebutent l’esprit.

En Italie toutefois, ce qu’on appelle le goût gothique, appliqué aux portails des églises, fut préservé de cette barbarie, par certaines traditions de l’antiquité qui ne manquèrent, en aucun temps, de réfléchir quelques lueurs sur tous les ouvrages de l’art. Mais telle étoit la disposition, telle étoit la conformation extérieure de ces grandes bâtisses, toujours composées de deux parties, savoir, d’une nef très-exhaussée et de bas côtés, que jamais il fut possible d’adapter une ordonnance unique, selon le principe des anciens temples, à des constructions qui, au lieu d’offrir un seul corps, en présentoient deux, et de mesures si différentes.

La décoration des frontispices d’églises fut donc, dès l’origine, tout-a-fait arbitraire, parce que le fond de la construction ne lui presentoit ni un tout simple, ni des parties concordantes. Il ne fut plus question d’y pratiquer des colonnades isolées, ni de ces péristyles à l’antique, dont les frontons s’élevant jusqu’à la toiture, en étoient la continuation, et s’adaptoient avec autant d’harmonie que de symétrie, au corps principal de l’édifice. On a vu que la hauteur des nefs fut un obstacle invincible a l’imitation de l’architecture antique. Le frontispice de l’église se présentoit comme un mur, dont il falloit se contenter d’orner la surface, en la ravetissant de marbres, de matières précieuses et d’ornemens de sculpture, auxquels nul type donné ne pouvoit servir de régulateur.

A quelques unes des plus anciennes cathédrales de l’Italie, telles que celle de Pise et celle de Milan, l’architecture semble s’être occupée du soin


de conserver dans ses compositions décoratives de frontispices, l’idée et la forme de la masse donnée par la construction.

La grande église de Milan nous offre, entre les deux tours qui flanquent son frontispice, une masse dont l’ensemble rappelant, par sa forme pyramidale, l’idée de fronton ou de toiture, paroît être revenu à l’unité du type de la construction. On n’y voit point la masse subordonnée des bas côtés. Toutefois la hauteur de la grande nef n’auroit pu permettre d’appliquer à sa façade une ordonnance de colonnes isolées, en manière de péristyle. Cette grande superficie devint donc, comme on l’a vu depuis à tant d’autres églises, la matière d’une décoration tout-à-fait arbitraire, et consistant en appliquages de toutes sortes de parties d’ornemens. C’est ce qu’on a depuis appelé portail de bas-relief. Celui de l’église de Milan ne sauroit être décrit par le simple discours ; et cela seul y découvre le vice produit par la multiplicité d’objets, qui furent l’ouvrage de plus d’un siècle et l’amalgame de styles fort divers.

La cathédrale de Pise, dont la construction date du onzième siècle, est remarquable dans son frontispice, par l’absence des pratiques gothiques, et le retour aux détails d’architecture antique, dont plus d’un reste s’étoit conserveé dans cette ville, ou y avoit été apporté du dehors. La façade de cette église se trouva aussi subordonnée aux deux masses inégales de la nef du milieu et des nefs collatérales ou inférieures. L’architecte divisa son frontispice en deux parties, l’une qui, composée dans le bas d’un portique en colonnes adosses, et de deux rangs supérieurs de petites colonnes appliquées a la construction, s’élève jusqu’à la hauteur des bas côtés ; l’autre qui se rétrécit dans le haut selon la largeur de la nef, et offre une rangée de petites colonnes surmontées d’un frenton, lequel arrive jusqu’à la hauteur du pignon de la nef, et s’y coordonne exactement.

Les grandes églises d’Italie qui furent élevées dans les deux siècles suivans, selon le système d’une grande nef et de bas côtés, ne semblent avoir offert a tous les architectes qui tentèrent d’en décorer les frontispices, qu’une sorte de problème décoratif, dont aucun talent ne donna de solution. Aussi voyons-nous que la plupart de ces grands vaisseaux sont restés, sans avoir été terminés dans leursportails.

On ne sauroit lire l’histoire des architectes de ce temps, sans y remarquer que le plus grand nombre d’entr’eux, soit volontairement, soit sur les demandes qui leur furent faites, proposèrent des projets de décoration pour les portails, par exemple, de Saint-Laurent et de Sainte-Marie-des-Fleurs à Florence, de Saint-Pétrone à Bologne, et de diverses basiliques du même genre. Ce qu’il faut remarquer encore, c’est qu’aucun de ces projets ne fut ni adopté, ni réalisé, et ces vastes bâtimens sont restés jusqu’à nos jours incomplets