Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/178

Cette page n’a pas encore été corrigée
170
POR POR


l’Asie. L’Inde, le Japon et la Chine en firent usage dans une multitude d’objets.

La Chine appliqua surtout la porcelaine à la décoration des monumens de son architecture, On se contentera de citer ici le plus célèbre de tous, la tour de porcelaine élevée dans une vaste plaine voisine de la ville de Nanking. Elle est octogone, a neuf étages voûtés, et son revêtissement extérieur est tout en carreaux de porcelaine. Chaque étage a son espèce de toit recourbé, coloré en vert et soutenu par des bouts de soliveaux durés, d’où pendent dos clochettes de cuivre. La flèche est surmontée d’une pomme de pin qu’on dit être d’or. massif. Voyez Chinoise (Architecture).

Tous les peuples de l’Asie employèrent de même la porcelaine ou la faïence. On en trouve les preuves les plus anciennes dans un grand nombre d’édifices, qui remontent au temps des califes et des premiers sultans, c’est-à-dire, long-temps avant la prise de Constantinople. En effet, les kiosques, les bains, les mosquées et les tombeaux que les Turcs ont fait construire en Asiė mineure, et dans l’ancienne capitale du l’Empire Ottoman, sont presque tous décorés, et avec profusion, de carreaux de majolica ou faïence peinte et vernissée au feu. A l’exception des figures humaines, dont la représentation est proscrite par le Koran, cette faïence offre en fruits, en fleurs et autres objets, les dessins les plus variés, et tous remarquables par la vivacité de leurs couleurs.

Dès le quatorzième siècle, et peut-être fort antérieurement à cette époque, la Perse avoit des fabriques de faïence que Chardin compare à la porcelaine de la Chine : « Les potiers persans, dit le même voyageur, réussissent particulièrement à fabriquer des carreaux d’émail peints et taillés de moresques. Il ne peut se rien voir de plus vif et de plus éclatant, en cette sorte d’ouvrage, ni d’un dessin plus égal et plus fini. » Chardin entend par ces mots taillės de moresques, des dessins découpés à jour, ou bien sċulptés en relief, et revêtus ensuite de couleurs émaillées. Ce seroit encore un trait de ressemblance avec les coupes, les vases, les corbeilles de faïence, qu’on fabriqua bien plus tard en Italie, dans les manufactures d’Urbin, de Gubbio et de Faënza.

La faïence moderne, comme l’on sait, tire son nom de celui de la ville de Faënza, où étoit, an quatozième siècle, la principale fabrique de cette matière qu’on appelle aussï majolica ou terra incetriata. C’est à un artiste de Florence, Luca della Robbia, qu’on dut, vers le milieu du quatorzième siècle, bien moins l’invention, que la rénovation d’un art jadis perfectionné, et dont on avoit presqu’oublié les élémens. Son procédé consistoit à revêtir la terre d’un vernis ou couverte, sorte d’émail blanc qui bientôt prit en effet, soùs ses maiùs intelligents, l’apparence du marbre, du bronze et d’autres métaux.

Luca della Robbia réussit au-delà de ses espérances, dans un cabinet de Cosme de Médicis, qu’il orna d’un pavé et d’une voûte offrant des dessins arabesques, où les couleurs les plus vives brilloient d’un éclat bien plus durable, que ne peut être celui de la peinture. Ce revêtement étoit formé d’un grand nombre de pièces de rapport si bien jointes, que le pavé, la voûte et les murs sembloient être d’une seule pièce. Parmi les églises qui sont ornées des ouvrages de Luca della Robbia, on doit citer San-Miniato al Monte à Florence, où l’on admire encore, dans la chapelle de Saint-Jacques, les quatre pendentifs avec les figures des Evangélistes, au centre le Saint-Esprit resplendissant de lumière. Le reste de l’espace est rempli par des écailles qui suivent la courbe de la voûte, et dont la grandeur va en diminuant jusqu’au centre.

La célèbre chapelle des Pazzi à Sainte-Croix, dans la même ville, est aussi ornée d’une grande quantité de figures et autres objets en faïence, et sur le tabernacle d’Or Saint-Michele, autre église de Florence, on voit un grand médaillon de la même matière.

Les frères de Luca della Robbia, Ottaviano et Agostino, travaillèrent par le même procédé. Andrea son neveu, bon sculpteur, exécuta une infinité d’ouvrages en terre émaillée pendant sa longue carrière qu’il termina on 1528. C’est à l’un de ses enfans, nommé Giovane, qu’on attribue le pavé de faïence des loges du Vatican, dont il existe encore quelques parties intactes.

Un autre de ses fils, Jeronimo della Robbia, fut appelé en France par François Ier.; il y apporta le secret de son aïeul, et orna de terres cuites colorées, le château de Madrid dans le bois de Boulogne. On se rappelle encore d’avoir vu les pavés et jusqu’aux murs extérieurs de cet édifice, revêtus de carreaux de faïence, qui offroient des dessins d’arabesques d’un fort bon goût. Plusieurs cheminées étoient ornées de figures, de bas-reliefs, d’accessoires et de devises en terre cuite émaillée. D’autres ornemens de la même matière étoient employés à la décoration architectonique de ce château, l’un des plus curieux monumens dont on ait à se reprocher la destruction.

Le secret de l’invetriatura, quant aux figures de ronde bosse, concentré dans la famille de la Robbia, ne fut entièrement perdu qu’en 1565, à la mort du dernier rejeton de cette famille.

Cent ans après, Antoine Novelli essaya de faire revivre cette branche de l’art, mais n’ayant pas complétement réussi, il renonça à son entreprise, et depuis personne n’a tenté d’en renouveler les procédés, et le goût de ce genre de décoration est tombé en désuétude.

Il reste plus qu’a examiner si l’on doit beaucoup de regrets a l’abandon de ce genre. Sans doute on ne proposeroit point d’employer cette matière en statues ni même en bas-reliefs d’une certaine étendue ; l’addition d’une épaisseur quel-