Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/173

Cette page n’a pas encore été corrigée
165
PON PON


long, sur deux toises quatre pieds quatre pouces de large ; cette seule disproportion montre assez quel étoit, à cette époque, l’état du commerce et des moyens de voiturage. Il n’y a pas aujourd’hui si petit pont sur si petite route que ce soit, qui n’offre une voie beaucoup plus large. Le pont Saint-Esprit, au reste, a dû beaucoup de sa célébrité au temps reculé qui le vit construire, à la largeur, à la profondeur et à la rapidité du fleuve qu’il traverse, et, il faut le dire aussi, à sa solidité. Il est soutenu par vingt-six arches, dix-neuf grandes et sept petites, qui sont aux extrémités et forment les rampes ; ces petites arches sont souvent à sec, et ne servent au passage de l’eau que dans les débordemens. Sans doute il dut passer pour une merveille, dans un temps où l’on ne construisoit les ponts qu’en bois.

Ce fut également au commencement du seizième siècle que fut bâti le pont en pierres qu’on appelle à Londres le pont de Londres. Il remplaça le pont de bois qui avoit été construit sur la Tamise, au même endroit, dans les premières années du onzième siècle. Le pont de Londres a neuf cent quinze pieds de long et soixante-treize de large. Excepté l’arche du milieu, toutes les autres sont beaucoup trop étroites ; mais cet ouvrage devoit être prodigieusement surpassé dans la suite.

Paris, nous l’avons déjà dit, n’eut dans ses commencemens que des ponts de bois. L’histoire des temps anciens de cette ville nous apprend que deux ponts de bois, appelés l’un, Pont-aux-Changeurs, l’autre, Pont-aux-Meûniers, construits dans le voisinage de la tour de l’horloge du palais, ayant été brûlés en 1621, le roi Louis XIII ordonna qu’à leur lieu et place on établiroit un seul pont, sous le nom de Pont-au-Change, et ce pont fut bâti en pierres. Il est composé de cinq arches.

Toutefois, plus d’un siècle auparavant, Louis XII avoit appelé d’Italie à Paris Fra Giocondo (voy. ce nom) pour la construction en pierres du pont Notre-Dame, qui fut commencé en 1500, et terminé en 1507.

Le seizième siècle vit élever aussi en Italie plus d’un ouvrage de construction remarquable en fait de ponts. Florence a conservé, sous le nom de Ponte Vechio, un ouvrage dont la date est 1345 ; mais, en 1557, Ammanati bâtit, dans le système des arcs surbaissés, le pont de la Trinité, dont nous aurons occasion de reparler (voyez Ammanati). Nous avons aussi, à l’article de Palladio, cité plusieurs de ses entreprises et de ses projets en ce genre.

L’état actuel des principaux Etats de l’Europe nous montre, comment et pourquoi la hardiesse et l’étendue des travaux que demande l’art des ponts, dut aller en croissant. L’augmentation du commerce dut contribuer à les multiplier ; la grandeur, la largeur et la profondeur des rivières exigèrent la plus grande solidité. Les changemens survenus dans les voitures dans le transport des marchandises et des personnes, firent chercher encore les moyens de donner à la voie publique des ponts beaucoup moins de pente, ce qui obligea de surbaisser leurs arcs lorsque les berges du fleuve ont peu d’élévation.

Les entreprises modernes, en fait de pont, sont donc devenues beaucoup plus considérables, et bien autrement nombreuses que dans les temps anciens.

Ainsi Paris, en moins de deux siècles, a vu s’élever sur la rivière qui le traverse, dix ponts en pierre de taille. De plus grands ouvrages ont encore été exécutés hors de la capitale ; tels sont les ponts de Neuilly, de Sainte-Maxence, de Mantes, d’Orléans, de Bordeaux, etc.

La vaste étendue en largeur de la Tamise, dans la ville de Londres, à donné Lieu à des travaux qui surpassent en grandeur et en magnificence de construction ce qui avoit été fait. On ne citera ici que les noms desponts de Westminster, de Black-Friars et de Waterloo ; ce dernier bâti en granit. Nous reviendrons sur ces travaux dans la seconde partie de cet article, ainsi que sur les ponts de fer, dont on trouve à Londres les plus prodigieux modèles, et dont la ville de Paris a tiré l’imitation de deux de ses ponts.

notions abrégées sur les divers systèmes et procédés de construction des ponts.

L’art de bâtir, comme tous les travaux de l’homme, procéda toujours du simple au composé. Des besoins plus variés et plus multipliés appellent des moyens plus compliqués. Ce que le simple instinct de la solidité fit d’abord imaginer, ne suffit plus lorsque la science vient le remplacer. Alors naissent de nouvelles combinaisons appropriées aux services qu’exigent tantôt les localités différentes, tantôt la diversité des matériaux, tantôt les progrès du commerce et de la civilisation ; c’est ce qui est arrivé à l’art de construire les ponts. Peu de constructions présentent un plus grand nombre de variétés dans leurs élémens, dans leurs matériaux et dans le système de leur emploi.

Après les constructions toutes en charpente, on a fait voir que bientôt on dut établir les bois dont se composèrent les arches, sur des piles en pierre : de là il n’y eut qu’un pas aux constructions des voûtes ou des arches, soit en briques, soit en pierres.

Lorsqu’on voulut établir en matériaux solides de semblables ponts, le premier et le plus naturel de tous les systèmes de construction fut celui des arcs en voûte plein-cintre, ou en demi-cercle régulier. Nul système de construction n’a plus de solidité et n’offre plus de garantie de la durée des édifices. Il existe encore des restes de monu-