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bois qui doivent constituer le chemin. Par la suite, et lorsqu’on eut trouvé l’art de construire sous le courant même, au moyen des batardeaux, on bâtit des piles de maçonnerie qui servirent de support au chemin formé en bois de charpente, et élevé quelquefois sur des arcades également de bois.

Cette construction économique, mais sujette aussi à de fréquentes réparations, dut être bientôt suivie de la construction toute de maçonnerie ou de pierres, qui présente à la fois le plus de solidité et de durée.

Dans l’histoire qu’on pourroit faire de la construction des ponts chez les différens peuples, il faut avoir égard aussi aux causes locales qui dûrent y favoriser plus ou moins un genre de construction ou un autre.

Ainsi, tel peuple peut avoir élevé ou construit avec beaucoup d’industrie de grands édifices, et n’avoir rien produit dans l’architecture des ponts, si la nature ne lui en imposa point le besoin. Il semble que le degré d’habileté, de hardiesse et d’exercice en ce genre de construction, a toujours dû se mesurer sur le nombr et la grandeur des rivières ou des fleuves qui traversent chaque pays. En Egypte, par exemple, qu’un seul fleuve traverse avec une largeur si considérable, et où le débordement périodique des eaux inonde tous les ans les terrains qui l’environnent, la construction des ponts eût été aussi difficile qu’inutile. Les communications que le commerce rendoit nécessaires d’une rive du fleuve à l’autre, quand le débordement le faisoit rentrer dans son lit, ne pouvoient avoir lieu que par le secours des barques ; et quant aux nombreux canaux dont étoit coupé, tout le pays, on sait que, vu leur peu de largeur et de profondeur, ils ne dévoient exiger, pour être facilement et sûrement traversés, que les moyens les plus simples, savoir, des piles de pierre sans fondation et des dales de même matière, d’une pile à l’autre, ce qui n’exigeoit ni art ni science. Ce fut peut-être celle simplicité de moyens qui contribua encore à rendre inutile dans ce pays, sur des eaux dormantes, la pratique des voûtes et des arcades, qu’exigent en d’autres lieux la traversée des eaux courantes, sur les plus petites rivières et les torrens, dans des terrains inégaux et montueux.

On n’a cité aucun exemple, et l’on ne rencontre aujourd’hui aucun reste de pont remarquable dans la Grèce. Par une raison contraire à celle que nous venons de faire observer en Egypte, les Grecs n’auroient pu avoir de grandes constructions à exécuter en ce genre : la Grèce proprement dite n’a que de fort petits fleuves, et plusieurs de ceux qu’on appelle ainsi, ressemblent plutôt à des torrens, grossis par intervalles, qu’à ces grandes masses d’eau qui, parcourant d’immenses étendues de terrain, s’augmentent dans leur cours, du tribut d’un grand nombre de ruisseaux et de rivières, et dès-lors exigent, pour être traversées, d’énormes et dispendieus constructions. Il dut suffire le plus souvent, dans ce pays, d’une seule arche de pont, dont les points d’appui se trouvoient d’un côté et de l’autre d’une berge ordinairement fort élevée.

Si nous suivons, avec l’histoire des autres arts celle des ponts en Italie sous l’empire des Romains, nous voyons un pays coupé par de beaucoup plus grands fleuves, offrir à l’architecture de bien plus nombreuses occasions de construire des ponts dans de bien autres dimensions, autant pour le service intérieur des villes, que pour celui des expéditions militaires dans des pays lointains.

Rome, dès ses premiers temps, fut obligée de se livrer à d’assez grands travaux en ce genre sur le Tibre, fleuve dont le volume d’eaux et les crues subites exigèrent dans la suite de fortes constructions. Il paroît toutefois que les premiers ponts furent en bois ; tel étoit celui qui servoit à joindre le Janicule au Mont-Aventin. On l’appela Sublicius, parce qu’il reposoit sur des pieux et des poutres, et sa charpente étoit assemblée sans fer ni chevilles, pour qu’on pût aisément la démonter en cas de besoin.

Rome compta jusqu’à huit ponts. Celui dont on vient de parler, qui dans la suite prit le nom d’Æmilius, pour avoir été rebâti en pierre par Æmilius Lepidus ; ruiné de nouveau, il fut reconstruit par Antonin-le-Pieux, en marbre, d’où on l’appela Pons marmoratus. On n’en voit aujourd’hui presque plus rien. Le pont triomphal, près du Vatican, ce qui le fit nommer aussi Pons Vaticanus, conduisoit du Champ-de-Mars au Vatican. On croit en reconnoître encore les vestiges auprès de l’hôpital du Saint-Esprit. Le pont Palatin ou Sénatorius, étoit placé entre le Forum et le Janicule, Marcus Fulvius en fit faire les piles ; les arches en furent achevées et cintrées par Lucius Mummius. En 1598, un débordement du Tibre en emporta plusieurs arches ; il n’a point été rétabli depuis. C’est celui qu’on appelle aujourd’hui Ponte Rotto. Deux ponts établissoient jadis la communication entre la ville et l’île dite du Tibre. L’un, appelé du nom de Fabricius, qui le fit construire étant curator viarum, intendant des chemins. On l’appelle aujourd’hui Ponte di quatro Capi, à cause d’une figure à quatre têtes placée à l’issue du pont dans l’île. L’autre pont, qui faisoit communiquer l’île avec le Janicule, fut nommé Pons Cestinus, parce qu’il fut bâti par Cestius Gallus du temps de Tibère. Il fut réparé par les empereurs Valentinien, Valens et Gratien, ainsi que le prouve une longue inscription. Aujourd’hui il porte le nom de pont Saint-Barthélemi, de l’église de ce nom qui se trouve près de là dans l’île. Le pont Janiculensis ou Aurelius, conduisoit du Champ-de-Mars au Janicule : il fut rebâti sous le règne d’Antonin-le-Pieux. Rétabli par le pape Sixte-Quint, il en retint le nom qu’on

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