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carré-long dont les angles sont légèrement arrondis. Cette salle est celle qu’on appelle la salle des géans, conception prodigieuse par la hardiesse de pensée comme d’exécution, et dont la, description a trop peu de rapport à l’architecture, pour que nous nous y arrêtions. La peinture, en effet, comme on l’a dit, a fait de cette pièce, moins éncore un tableau qu’un spectacle magique d’épouvante et d’illusion. Tout a été mis en œnvre pour la rendre complète : une fois entré, le spectateur ne voit plus d’issue ; il n’est environné que de rochers qui se précipitent sur les géans ou écrasés, ou se défendant en vain. Le sol même de la pièce est composé de débris le plafond, c’est l’Olympe, d’où Jupiter lance la foudre.

En revenant sur ses pas, et en repassant par le beau vestibule dont on a parlé, une autre suite d’appartemens offre au spectateur une sorte de poëme mythologique en peinture, dont chaque pièce est en quelque sorte un chant, où la muse de Jules Romain a retracé les aventures de, Phaéton, celles de Psyché, son mariage avec l’Amour, son banquet nuptial, riche et vaste composition, où sont mises à contribution toutes les richesses de l’antiquité.

Nulle part la poésie de la peinture ne s’est développée avec autant de charme et de grandeur. Tout paroit s’être assujetti aux heureuses fantaisies du peintre. S’il se trouve une cheminée, vous voyez Vulcain occupé sur sa forge enflammée à fabriquer les foudres de Jupiter. Ailleurs, c’est Polyphème assis sur un rocher. L’artiste a pris à tâche d’approprier à l’usage de chaque pièce les sujets qui lui sont analogues.

On ne sauroit se dispenser d’indiquer encore dans l’ensemble de ce palais, comme ouvrage classique, pour le goût de l’ornement, le charmant corps-de-Logis qu’on appelle de la Grotte, parce qu’effectivement il s’y en trouve une pratiquée pour l’usage du bain. C’est un ensemble de salles, les unes plus, les autres moins grandes, où l’on voit briller dans toute sa pureté le style d’arabesques et d’ornemens antiques, remis eu honneur par Raphaël, au Vatican, propagé depuis par quelques-uns de ses élèves, dans divers endroits de l’látalie, qu’un a malheureusement vu disparoître avec son école, et dont personne encore n’a fait revivre ni l’exécution, ni surtout le génie.

La ville de Mantoue est pleine de Jules Romain. Elle fut sa seconde patrie, et, par tous les travaux qu’il y fit, il passa pour en avoir été le second fondateur. Il y rebâtit des quartiers et des rues entières, lui redonna une forme nouvelle, et l’orna d’édifices qui en sont encore aujourd’hui la gloire. Il rebâtit à neuf le palais ou le château ducal, qu’il décora des plus excellentes peintures représentant la guerre de Troye. Nous manquons de renseignement sur un autre palais qu’il bâtit pour le duc à Marmiruolo, lieu situé à cinq milles de Mantoue ; mais Vasari nous apprend que cet édifice reçut aussi de la main deJules Romain de grandes peintures qui ne le cèdent ni à celles du château ducal, ni à celles du palais du TE.

On voit encore à Mantoue la maison qu’il avoit construite pour son habitation. Sa façade, jadis toute ornée de stucs colorés, est remarquable au dehors par une petite statue antique de Mercure. L’intérieur formoit autrefois une sorte de Muséum plein des richesses de l’antiquité et de celles que son génie s’étoit plu à y prodiguer.

Plusieurs églises furent redevables à Jules Romain ou de leur restauration, ou de leur embellissement. De ce nombre fut celle de Saint-Benoît, qui reçut de lui une formè nouvelle, et qu’il décora comme peintre, après l’avoir rétablie comme architecte.

Mais le plus grand de ses ouvrages, en ce genre, fut la cathédrale de Mantoue, que le cardinal de Gonzaga, après la mort du duc, confia à ses soins, pour être refaite en entier. Ce monument, dans lequelJules Romain fit revivre le style de l’antiquité, par la belle proportion des colonnes, le style noble et pur de tous les détails, doit se mettre au rang des plus beaux temples de l’Italie ; et il ne manque à sa renommée, comme à celle des principaux édifices de Mantoue, que d’être plus connu des artistes et des voyageurs qui visitent l’Italie. Malheureusement cette ville ne se trouve pas sur la roule la plus battue par les curieux. Il faut aller exprès à Mantoue. Aussi manquons-nous d’une description fidèle des beautés qu’elle renferme, et une multitude de dessinateurs qui s’en vont répétant chaque année, ce que tant d’autres ont répété avant eux, reviennent sans s’être douté que Mantoue leur eût présenté la matière la plus riche d’un ouvrage aussi précieux pour l’histoire, que pour l’élude des arts.

Le dessin que Jules Romain donna pour la façade de la grande église de Saint-Pétrone à Boulogne, passa, dans son temps, pour le plus beau de ceux que présentèrent les plus célèbres de ses contemporains. Il n’a qu’un seul ordre, mais colossal. On y admire le terme moyen tenu par l’artiste, entre le goût de l’architecture grecque et celui de l’édifice qui participe du goût gothique. Ce fut une preuve de jugement de la part de Jules Romain. Rien n’en manque plus que ces frontispices faits après coup qu’on applique à des monumens d’un autre âge, et qui n’y produisent d’autre effet que celui d’une dissonance.

Le duc Frédéric Gonzaga mourut en 1540. Il laissa Jules Romain comblé de biens et d’honneurs, mais tellement affligé de la perte d’un prince qui avoit honoré ses talens, et dont il étoit devenu l’ami, que le Cardinal, frère de son protecteur, eut beaucoup de peine à le détourner du projet qu’il avoit formé de revoir Rome. Ce fut en le comblant de bienfaits et en le chargeant