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déjà cette opinion. Il paroît, et c’est l’opinion d’historiens dignes de confiance, que le mot TE fut une abréviation, ou, si l’on veut, une mutilation de tajetto ou tejetto, qui signifie coupure ou passage fait pour l’écoulement des eaux, et que cette dénomination locale, appliquée au terrain sur lequel le palais fut bâti, lui aura, dans le langage vulgaire, communiqué son nom.

Il y avoit autrefois sur ce terrain, et au milieu d’une vaste prairie, un bâtiment assez rustique, servant d’écurie pour les chevaux du prince. L’agrément de la position lui avoit fait désirer d’y avoir une habitation de peu d’importance, et Jules Romain, en peu de mois, y éleva à peu de frais et en briques, une construction agréable et légère. Cela donna naissance au grand palais, dont nous allons faire une description abrégée.

Le corps principal du palais forme en plan un carré parfait, dont chaque face a près de 180 pieds de longueur en dehors. L’intérieur de la cour est de même un grand quadrangle de 120 pieds environ. Il y a deux entrées : la principale est une grande porte cintrée en bossages, qui donne accès dans un vestibule orné de colonnes ! L’autre entrée latérale se compose de trois arcades également formées de boisages.

L’élévation de ce palais, tant au dehors qu’au dedans de la cour, consiste dans un ordre dorique qui, élevé sur un stylobate, décore, avec une fort grande régularité, les trumeaux d’un rang de croisées à rez-de-chaussée et d’un rang supérieur de fenêtres plus petites. Seulement aux angles, les pilastres sont accouplés. Les bossages ont été employés, dans cette construction, avec beaucoup d’intelligence et de goût ; ils passent derrière les pilastres et vont d’une croisée à l’autre formant leurs bandeaux. Ces croisées (du moins celles de l’étage inférieur) sont surmontées par des claveaux saillans en bossages. Cet étage est séparé du supérieur par un bandeau orné de postes. Toute la masse est, dans son étendue, couronnée d’un bel entablement dorique, avec triglyphes et métopes, avec ornemens et mutules. Rien de plus sage et de plus régulier.

Du grand Cortile, dont l’ordonnance est la même, excepté qu’au lieu de pilastres, ce sont des colonnes engagées, on passe dans un superbe vestibule (que les Italiens appellent loggia) qui s’ouvre sur le jardin. La façade de cette loge, de ce côté, offre un péristyle do douze colonnes, dont huit, celles du milieu, font deux groupes de quatre. Là aboutit un pont qui sépare deux pièces d’eau. Au-delà est le parterre, bordé d’un côté et de l’autre par des bâtimens d’utilité, et terminé par une grande parlie circulaire en forme de théâtre divisé par des espaces qui figurent des niches. Le tout a 550 pieds de longueur.

L’intérieur du palais du TE seroit l’objet d’une immense description, dans tout ouvrage qui auroit pour but, de faire connoître quel parti un grand peintre peut tiret de son art, pour l’embellissement des édifices. Celui-ci doit être cité comme un modèle unique dans l’architecture moderne. Aucun autre n’a reçu en aucun temps l’avantage d’avoir été construit el peint par le mème artiste, en sorte qu’il eut ce mérite, que la construction et la décoration étant l’émanation d’un même génie, on ne sauroit dire si ce fut l’architecture qui commanda à la peinture, ou la peinture à l’architecture, tant il semble que le tout est né simultanément.

Nous ne ferons que parcourir rapidement cette suite d’inventions décoratives dont Jules Romain fut l’auteur.

La grande loge dont on a parlé, fait admirer sa voûte peinte à fresque par compartimens de cinq lunettes, où est représentée l’histoire de David.

On passe, à main droite, dans une salle dont le principal ornement se compose d’une frise à deux rangs l’un sur l’autre, travaillée en stuc sur les dessins de Jules Romain, par le Primatice et par Jean-Baptiste Mantouan. C’est une suite de figures qui présentent une imitation de celles de la colonne Trajane. On seroit tenté de croire qu’on ne s’y est proposé aucun sujet déterminé, ni surtout applicable aux temps modernes, quoique quelques - uns prétendent que l’intention fut de représenter avec le style de l’antique, le triomphe de l’empereur Sigismond. On y voit effectivement le personnage qui paroît être l’empereur, suivi d un écuyer portant un bouclier sur lequel est un aigle à deux têtes couronnées, Ce sont toutes scènes de batailles, de marches, de campemens, avec toute la vérité des costumes romains. Rien toutefois n’offre de copie formelle d’après l’antique. On voit que Jules Romain savoit son antiquité par cœur, et son crayon s’est plu à improviser d’imagination et à redire à sa manière ce que les monumens de Rome lui avoient appris. Qui ne te sauroit, croiroit que cette grande composition est un ouvrage de l’ancienne Rome, tant y est grande la fidélité des costumes, tant l’art du sculpteur a su aussi se modeler sur le goût d’exécution qui caractérise le bas-relief antique. Les stucs qui ornent la voûte de cette salle participent de la même habileté et du même goût.

La pièce d’après est celle dont la voûte est ornée d’un grand tableau peint par Primatice, sur les dessins de Jules Romain, qui l’a décorée encore dans six autres compartimens de figures peintes par lui-même.

La dernière pièce de ce côté est la plus célèbre de toutes, par l’invention extraordinaire de sa décoration. De quelle forme est cette pièce, c’est ce que l’œil ne sauroit apprendre, tant la peinture, en s’emparant de toutes les superficies, a réussi à faire disparoître les lignes qui en déterminoient la figure. Aussi quelques-uns ont-ils cru qu’elle formoit un cercle, quand elle n’est qu’un

Diction. d’Archit. Tome III
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