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expérience est nécessairement variable. Il dépend, en effet, de la force et de la consistance des matériaux que l’architecte emploie à supporter la pesanteur du fardeau des arches.

Il y en a qui prétendent que la pile ne doit supporter que la moitié du poids de la maçonnerie des arches, à supputer cette moitié depuis le milieu de la clef de l’arcade. Cela étant, en connaissant la solidité de cette masse, on doit savoir quelle sera celle qu’il faudra donner à son support, et l’on trouvera là une base d’après laquelle on pourra déterminer la dimension de ce support.

Mais n’y a-t-il pas d’autre condition à examiner ? Ceci, comme on voit, est le sujet d’une discussion qui doit être traitée dans un autre ouvrage, et nous renvoyons le lecteur au Dictionnaire des ponts et chaussées.

Pile percée. C’est encore un terme dont la notion appartient à l’architecture hydraulique. On se bornera à dire ici que c’est une pile qui, au lieu d’avant-bec d’amont et d’aval, est ouverte par une petite arcade, au-dessus de la crèche, pour faciliter le courant rapide des grosses eaux d’une rivière ou d’un torrent. Il y a de ces piles à ce qu’on appelle le pont de César près d’Apt, et à celui du pont du Saint-Esprit sur le Rhône.

PILIER, s. m. Ce mot désigne tout corps élevé, debout, massif et sans ornement, qui sert à soutenir on à supporter, dans la construction des édifices, une charge quelconque de maçonnerie.

Les voûtes, les arcades, les plafonds des grandes salles, quelquefois aussi les toits de certains édifices, sont supportés par des piliers.

Avant que l’art en fût venu à embellir les formes des premiers supports, on se contenta d’employer pour le simple besoin, soit les bois, soit les pierres plus ou moins bien taillées, et assemblées, à supporter les masses, soutenues depuis par des colonnes agréablement arrondies, ou par des piliers équarris avec art, et soumis au caractère de chaque ordonnance. Le pilier grossièrement formé, fut donc la colonne primitive d’une architecture encore dans l’enfance. Aussi, comme lorsqu’on le considère isolément, il n’entre guère dans ce qu’on appelle la partie décorative de l’architecture, les architectes ne lui ont assigné dans leurs méthodes, ni forme, ni proportion, ni ornemens déterminés. On trouvera des piliers ronds, carrés et polygones.

On doit pourtant excepter ce qu’on appelle le piédroit (voyez ce mot) dans la formation des portiques en arcades, et auquel le nom de pilier semble véritablement convenir. Le piédroit entre dans le système de chacune des ordonnances de colonnes, auxquelles il se trouve associé par l’application très-ordinaire que l’on fait de la colonne qui s’y adosse. Alors cette sorte de pilier reçoit un couronnement et un socle qui participent dans leurs profils, et quelquefois dans leurs ornemens, au caractère des profila et des ornemens de l’ordre lui-même. Quoiqu’en général on ne lui donne aucune diminution, Scamozzi cependant lui en fait éprouver une, à la vérité fort légère.

Si l’on n’exige pas qu’un pilier soit élégant, néanmoins le goût veut qu’il puisse aussi plaire aux yeux, comme tout ce qui entre dans l’architecture. C’est pourquoi il peut emprunter aux différens ordres quelques parties de leurs ornemens mais surtout du système de leurs proportions. Il ne doit être ni trop mince ni trop épais ; son diamètre doit être subordonné à la masse qu’on lui impose ; et bien que souvent (la solidité du support pouvant résulter de la dureté et de la consistance de la pierre ) une masse considérable par son volume, puisse être portée sans danger sur un pilier fort mince, ce qu’ont quelquefois pratiqué les constructeurs gothiques, cependant il convient que l’œil soit toujours rassuré, par un rapport sensible entre là masse qui parte et celle qui est portée.

On donne généralement le nom de pilier aux supports des édifices gothiques. Effectivement, ce nom seul leur convient, depuis que celui de colonne appliqué aux supports, dans l’architecture grecque devenue celle de toute l’Europe, donne l’idée d’un corps soumis à une forme déterminée, á des proportions raisonnées, à des ornemens analogues, soit aux formes, soit aux proportions de chaque ordre. Or, il n’est rien de tout cela dans le gothique. L’énorme diamètre de ses supports, tous destinés à soutenir des arcades à angle aigu, ou les retombées des ogyves des voûtes, l’absence d’un rapport déterminé entre leur diamètre et leur élévation, le manque de système et de régularité dans leurs ornemens, tout cela dévot empêcher qu’on les appelât d’un nom qui eût exprimé tout autre chose que ce qu’ils sont. Que pourroient avoir de commun avec la colonne, des masses qui sont quelquefois des agroupemens de légers fuseaux, qui quelquefois ressemblent à des tours par leur circonférence, et d’autres fois ne paraissent être que des perches élancées ? Le pilier, ou pour mieux, dire, le nom de pilier appartient donc en propre à l’architecture gothique, et l’usage est ici d’accord avec le fait.

Autant doit-on en dire de l’architecture indienne (voyez ces mots), où l’on trouve encore, en guise de colonne, des masses plus écrasées, plus fantastiques, et plus éloignées de tout système raisonné ou raisonnable.

Le corps de bâtisse appelé pilier, trouve place, comme on l’a vu, dans les constructions où l’on emploie les portiques. Mais il a encore, considéré simplement comme masse, plus d’un emploi dans l’architecture, où il figure sous différens noms, ainsi qu’on va le dire.